Revival à Orléans du Festival de Cannes 1939

Posté par vincy, le 3 avril 2019

cannes 1939Et si on rééditait la première édition du Festival de Cannes? Non pas celle de 1946, mais celle de 1939, qui n'a jamais eu lieu à cause du déclenchement de la Seconde guerre mondiale.

Orléans accueillera du 12 au 17 novembre un "revival" du Festival de Cannes de 1939. Il s'agit de célébrer les 80 ans du Festival et d'un hommage à Jean Zay, l'un de ceux qui ont créé le Festival, afin de rivaliser avec la Mostra de Venise, à l'époque dans l'Italie fasciste de Mussolini.

Jean Zay, enfant d'Orléans, a été ministre de l’Education nationale et des Beaux-arts du Front populaire, et imaginé cette manifestation diplomatique et culturelle. C’est sous la direction du DG des Beaux-Arts, Georges Huisman, que le Festival s’organise. Malheureusement, le Festival, alors programmé pour le 1er septembre 1939. Or, l'Allemagne choisit ce jour-là pour envahir la Pologne. Deux jours plus tard, la France et le Royaume-Uni entrent en guerre.

Louis Lumière, 75 ans, devait être le président d'honneur du Festival qui était prévu pour durer près de trois semaines. De son côté, Jean Zay n'a jamais vu le Festival puisqu'il a été exécuté en 1944. Il est entré au Panthéon en 2015.

25 des 38 films sélectionnés devraient être projetés à Orléans. Des films pressentis pour Cannes 1939, les plus célèbres étaient sans aucun doute Le Magicien d'Oz et le Bossu de Notre-Dame. Mais la sélection comprenait des films de Cecil B. De Mille, Julien Duvivier, Christian-Jaque, Ivan Pyriev, Zoltan Korda...

A Orléans, on pourra revoir ou découvrir Mr Smith au sénat de Franck Capra, Elle et Lui de Leo McCarey, L'Homme du Niger de Jacques de Baroncelli, La France est un empire, documentaire de Jean d'Agraives, La Taverne de la Jamaïque d'Alfred Hitchcock ou même Alexandre Nevski de Sergueï Eisenstein, pourtant éliminé de la sélection par les Russes. Outre l'immense travail de recherche, il reste à gérer les questions de droits et retrouver des films "disparus".

Organisé par le comité Jean Zay, présidé par l'essayiste et journaliste Antoine de Bæcque, et sans lien avec le Festival de Cannes, ce Festival aura aussi son jury, dont les premiers noms seraient Lazlo Nemes, Pascale Ferran, Julie Bertucelli,, Amos Gitai et Yannick Haenel.

Le Festival, doté de 500000€ d'aides, se déroulera au Théâtre d’Orléans, au cinéma Les Carmes et au Bouillon. Une dimension pédagogique et un colloque international accompagneront aussi l'événement.

Cannes 70 : 1939, l’année où tout a (presque) commencé

Posté par cannes70, le 8 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-40. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


La genèse d'un festival reste parfois mystérieuse ou peut se limiter à la plus belle et plus envoûtante des motivations : la passion du cinéma, ou pour ceux qui n'y entravent que dalle, à la cinéphilie maladive. L'envie de créer un festival peut commencer par l'envie égoïste, surtout de nos jours, de montrer des films que vous n'avez pas vus (ou pour ceux de plus grande envergure à faire venir des touristes) et glisser vers quelque chose de plus généreux, l'idée de transmettre et de partager des œuvres enrichissantes. L'ouvrage Cannes 1939, le festival qui n'a pas eu lieu d'Olivier Loubes, publié récemment chez Armand Colin, revient sur l'origine précise les origines de l'existence du Festival International du Film de Cannes, après d'autres ouvrages et articles moins détaillés ou précis.

Un Festival en résistance


En premier lieu, il faut remercier les dérives de la Mostra de Venise, sous les pressions de quelques fascistes et autres monstres historiques mais aussi de quelques personnalités plus positives tout de même. En 1937, Hitler n'est pas content du prix spécial attribué au chef d'oeuvre pacifiste La Grande Illusion de Jean Renoir et, insulte suprême, de l'absence au palmarès de tout film allemand. Reprise en mains des délibérations l'année suivante : le jury du festival italien (créé en 1932) choisit un film américain. Intervention de la «diplomatie» nazie à grand renfort de menaces claires. Résultat : Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl, la «star» du cinéma de propagande nazie, reçoit le trophée suprême, la Coupe Mussolini, le troisième Reich autorisant un ex-æquo local, Luciano Serra, pilote de Goffredi Alessandrini.

Parmi les jurés échaudés figure le diplomate français Philippe Erlanger. Dans le train qui le ramène à Paris lui vient l'idée de créer un festival de cinéma libéré du poids des décisions gouvernementales. «Dès lors que les circonstances enlevaient à la Mostra une indispensable objectivité, pourquoi, si, miraculeusement, la paix était sauvée, ne pas créer en France un festival modèle, le Festival du monde libre ?». Son ministre de tutelle, Jean Zay (éducation nationale) et Albert Sarraut, à l'Intérieur, soutiennent son idée.

L'auteur de l'ouvrage, Olivier Loube, prend bien soin d'insister sur le fait qu'Erlanger, qui sera le premier  délégué général jusqu'en 1951, n'est pas le seul père de la manifestation mais que son implication n'en est pas moins importante. La mise en oeuvre n'est pas aisée, mais un an seulement après, le premier festival est programmé, du 1er au 20 septembre 1939, en concurrence frontale avec la Mostra. Dans un premier temps, Biarritz est choisie, mais son cadre lumineux, et un meilleur soutien financier, permettent à Cannes de rentrer dans l'Histoire du 7e Art.

La presse spécialisée soutient dans l'ensemble ce projet, malgré quelques réserves chez certains, sur l'existence d'un rival à Venise (plus ancien donc plus légitime, dans un cadre plus propice à l'évasion), ou sur les conditions pour le bon exercice d'un festival prestigieux. Maurice Bessy, futur délégué général du Festival de Cannes de 1971 à 1977, fait part de ses doutes dans Cinémonde le 30 août 1939 : «Le choix de Cannes ne saurait être que provisoire. Il ne convient pas de transformer ce festival en une simple affaire hôtelière. Le cinéma a déjà assez de mal pour se débarrasser de ses marchands de soupe», ajoutant «pourquoi avoir choisi ce mois de septembre, particulièrement plein dans le métier cinématographique ? Il y a près de trente films actuellement en chantier qui sont presque tous tournés à Paris (...). Comment avoir à Cannes les producteurs, les ouvriers, les artistes des films s'ils ne peuvent quitter Paris ? Et si on ne les a pas, comment donner à cette manifestation toute l'efficacité qu'elle doit comporter ?». Lire le reste de cet article »