La quatrième édition du Champs-Elysées Films Festival a offert aux cinéphiles une rencontre de renom avec la masterclass de Jeremy Irons. L'acteur caméléon s'est prêté au jeu des questions-réponses tout en nous donnant une leçon de cinéma: chapeau bas!
Une file d'attente interminable, le vent, des gens qui tentent de doubler les moins attentifs, autant vous dire que cette masterclass a eu un air Cannois. Une fois à l'intérieur (et non sans des coups de griffes et de crocs) l'événement a commencé par la présentation détaillée de Jeremy Irons (merci Wikipédia) "passionné de théâtre depuis l'enfance", "Oscar du meilleur acteur pour Le mystère Von Bülow", ..."Les Borgias", "enchaîne blockbusters et films d'auteurs", "deux garçons", etc... puis le grand comédien arrive. Plus forts que pour une Danette, nous nous sommes tous levés afin de l'applaudir.
"On essaye en français sinon vous pouvez traduire la question" dit l'acteur avec un accent british à croquer! Mr Irons ne cessera de répéter durant sa prestation que son Français est exécrable, par modestie sans doute. Il parle à la perfection et nous fait autant rire dans la langue de Molière que dans la langue de Shakespeare. Écouter Jeremy Irons c'est comme écouter Père Castor... on est happé par ses histoires et autres anecdotes sans être rassasié.
Sa magnifique femme
Jeremy Irons a pris son rôle de président du jury du Festival très au sérieux. Là où de nombreux privilégiés auraient profité des hôtels et des soirées, l'acteur lui a préféré les salles obscures. "C'est une grande chance pour moi car en temps normal je ne vois pas les films. C'est un peu les vacances pour moi et ma femme!" Ah sa femme il en parle avec les yeux d'un adolescent qui vient de tomber amoureux. Lorsqu'il évoque son film Mirad dont il a été le metteur en scène, l'acteur n'oublie pas sa tendre moitié: "J'ai tourné un film pour la télévision britannique sur les réfugiés de Bosnie. J'étais très confortable bien plus que quand je suis comédien. J'ai d'ailleurs joué dedans aussi et ma performance était exécrable. Ma femme y était également, elle était magnifique!"
Son premier frisson
Magnifique, c'est aussi ce qu'il pense du cinéma. Son premier frisson il le doit au film Lawrence d'Arabie et aux yeux de Peter O'Toole "comment il fait ça? C'est vraiment magique avec ses yeux bleus...moi je suis brown, marron!" Nous ne savons pas si la version 2016 avec Robert Pattinson va lui plaire mais en tout cas il est fou de celle de David Lean. "Dans mes rêves jamais je n'aurai pensé être comédien...d'ailleurs je n'ai pas eu une passion pour le théâtre quand j'étais petit comme vous l'avez dit Sophie, pas du tout (théorie Wikipédia réfutée! Il ne fallait pas faire comme Marion Cotillard aux César)!"
Bohémien mais pas trop
"D'accord, reprend Jeremy Irons, j'ai fait du théâtre parce que c'est mieux que de travailler!" L'acteur nous a expliqué ensuite avec humour pourquoi il a choisi cette voie: "Quand j'étais à l'école...j'étais avec des gens ennuyants! Des gens qui veulent être militaires ou banquiers.. .le business ça m'emmerde! L'idée d'une carrière avec une promotion, puis une promotion et on retire et après on meurt... non pas pour moi, je veux être un Bohémien. Faire des voyages être en dehors de la vie... en dehors du monde." L'acteur nous explique ensuite qu'être entouré d'amis au coin d'un feu c'est la vie, que plus jeune, il voyageait avec sa guitare mais ne chantait pas bien, et qu'il s'est donc tourné vers le théâtre. "Avant le théâtre je pensais au cirque ou au carnaval mais quand j'ai vu qu'ils dormaient dans des petites caravanes... ouh je me suis dis non!"
Le cinéma rajeunit
"Le cinéma est difficile à "comparer" au théâtre. Pour le théâtre il faut jouer de la voix, pour le cinéma on pense, on écoute et lorsque l'on pense et on écoute, on sent. Les émotions se montrent avec les yeux car la caméra est très proche." Concernant ses connaissances du cinéma français, l'acteur affirme qu'il aime toutes sortes de cinéma car seul le langage corporel compte. "C'est naturel de jouer, ajoute-t-il, les enfants font ça et moi je suis un peu enfant! D'ailleurs quand je revois mes copains d'école je sens qu'ils sont beaucoup plus vieux que moi!"
Jeremy Irons semble attirer par les personnages les moins simples possible: un amant obnubilé par un homosexuel dans M.Butterfly, un père qui veut piquer la petite amie de son fils (Damage) et puis les blockbusters (Die Hard 3, Eragon, Sublimes créatures). Rien de simple, rien de parfait! "Je suis attiré par les personnages compliqués, confie l'acteur aux cinéphiles et journalistes hier durant sa masterclass. Tout le monde semble comme ça en réalité. Beaucoup de scénario montre le méchant d'un côté, le gentil de l'autre alors que je crois que nous avons tous une part de bon et de méchant. La vie c'est un effort dans la balance où il faut pencher davantage du côté gentil, je crois." Ensuite, il ajoute que "le rôle d'un film est d'introduire une situation aux spectateurs qui reste dans un environnement sécurisé: un cinéma, dans le noir, un voyage dans un autre endroit mais tout de même sécurisé." Il explique ainsi avec une philosophie déroutante que lorsqu'il joue un rôle il est en sécurité: "quand je joue un rôle, ce n'est pas la vie, car dans la vie il n'y a pas de règles. Au cinéma il y a le scénario qui me protège lorsque je joue."
Pas semblant
S'en suit pour nous un véritable cours de théâtre lorsque nous évoquons Faux semblants de David Cronenberg. Jeremy Irons nous montre comment il a incarné avec brio les rôles complexes de Eliott et Beverly, ses deux vrais jumeaux. "Je suis un peu masculin, je suis un peu féminin et j'adore les deux! (il se lève) Pour Eliott je mettais mon énergie ici (il désigne son front), alors que pour Beverly là (il désigne sa gorge). C'est très simple, les yeux changent uniquement." C'est ainsi qu'il nous rejoue presque une scène avec un jumeau invisible expliquant comment la caméra se déplace: une vraie leçon de cinéma! "Pour ce film, j'ai détruit tout un dressing room afin de trouver la force d'incarner les deux personnages".
Qu'importe le flacon...
Deuxième partie de cette masterclass, les questions des spectateurs "s'il vous plaît des questions intéressantes" dit Mr Irons en riant. C'est alors qu'une spectatrice se lève, prend le micro et pose sa question en hurlant dans l'engin (il faut l'éloigné de la gorge madame, ceci est un micro pas... je vais m’abstenir du reste, il y a peut-être des enfants qui nous lisent) "Vous seriez intéressé de passer derrière la caméra?" Bon visiblement cette dame ne sait pas que l'ignorance tue! "Merci pour cette question!" lui répond Jeremy Irons. C'est là qu'il explique qu'il a tourné un film pour la télévision (avec sa femme dedans) qu'il a adoré y être derrière mais qu'il y a tout de même des inconvénients. "Pour être metteur en scène parfois on met deux ans à faire un film...alors qu'en tant qu'acteur je peux tourner quatre films par jour...euh par an...par an et une fois, j'en ai fait sept dans l'année!" Mais il ajoute, comme pur briser nos rêves: "Le tournage pour un comédien, c'est éprouvant et c'est pour ça que les comédiens boivent tout le temps! Moi je fais des mots croisés!"
N'oublions pas tout de même que Jeremy Irons a joué dans la série Les Borgias produite par Showtime...pour quelle raison ce passage au petit écran? "Et bien à cause de l'écriture! Les chaînes câblées américaines sont excellentes pour ça!" L'acteur évoque par exemple Mad Men produit par AMC. "Il y a 30 ans je m'étais dit non pas de télévision car tout le monde regarde le football sur l'autre chaîne, mais là les gens ont le choix!" Aujourd'hui "l'écriture télévisuelle est devenue bien meilleure. Les grands scénaristes y bossent tous maintenant. L'intérêt de travailler pour le petit écran, c'est que l'audience est grande et que les budgets sont conséquents".
DiCaprio
L'acteur termine cette masterclass avec une anecdote de tournage de L'homme au masque de fer à la demande d'un spectateur. "Sur le tournage Dicaprio (rire) je me souviens que c'était la fashion week (encore plus de rire) et il y avait plein de mannequins GORGEOUS. Le premier matin nous devions ouvrir la porte de la loge de Dicaprio car on avait besoin de lui sur le plateau. Il dort... il était détruit par la nuit!"