Ce réalisateur ukrainien au parcours atypique (mathématicien, spécialiste de cybernétique, traducteur de japonais) fait office de surprise dans la compétition cannoise 2010. Parce que son film You My Joy est sa première œuvre de fiction, mais également parce qu'il est le premier Ukrainien à concourir pour la palme d'Or. Un peu de sang neuf, donc, dans une sélection officielle accusée chaque année de brasser les même noms.
Quoiqu'en dehors de la Croisette, le cinéaste ait déjà sa petite notoriété. A 46 ans, il a en effet signé plusieurs documentaires remarqués à travers le monde et récompensés dans les festivals de Tel Aviv, Leipzig ou encore Saint-Pétersbourg.
Ses deux films les plus récents, Blockade (2005) et Revue (2008) sont des compilations d'images d'archives datant de l'époque soviétique. Le premier montrant le siège de Leningrad pendant la seconde guerre mondiale, le second dressant un portrait saisissant de la vie en URSS pendant les années 50 et 60. Dans les deux cas, pas de narration conventionnelle ni de voix-off afin, selon Loznitsa lui-même, de ne pas influencer le spectateur. "Si j'ajoute une voix-off, je donne mon point de vue, et cela signifie que j'exclus toute possibilité pour le spectateur d'avoir le sien. Il n'a plus d'autre alternative que d'être d'accord, ou non, avec moi." explique-t-il.
Pour sa première incursion dans l'univers de la fiction, le cinéaste a choisi de raconter le quotidien sordide de Georgi, un chauffeur routier russe. Il présente lui-même son film comme une parabole de la situation instable des pays d'Europe de l'Est aujourd'hui. Les comédiens sont des non-professionnels rencontrés au moment des repérages. Sans doute ne sera-t-on pas très loin d'une approche documentaire, puisque Loznitsa prône une mise en scène réaliste avec des éclairages naturels.
De quoi créer une certaine curiosité, voire un buzz, autour de cette œuvre d'ores et déjà qualifiée par Thierry Frémaux lui-même de "très bizarre".