France Gall a résisté au cinéma, mais le cinéma a eu du mal à résister aux chansons de France Gall. Malgré les propositions de Chabrol et Pialat, malgré son intérêt pour le 7e art, elle n'aura jamais été à l'écran. La chanteuse, morte ce matin à l'âge de 70 ans, était pourtant l'une des plus populaires des années 1960 aux années 1990. Qui ne connaît pas ses tubes signés Serge Gainsbourg et Michel Berger? Deux albums de diamant, 20 millions d'albums vendus (ils sont dix en France à avoir atteint ce chiffre), un Grand prix de l'Eurovision (pour le Luxembourg), deux Victoires (meilleure interprète, artiste la plus exportée), "Babou" était une figure transgénérationnelle de la culture populaire, au sens noble du terme.
Pour commencer, il faut parler de Godard. Une fois Berger au paradis blanc, elle devient la gardienne du temple de son patrimoine musical et fait revivre à travers des mixages nouveaux les chansons de leur répetroire. Pour lancer cette nouvelle carrière et rendre hommage à Berger, elle chante "Plus haut", une chanson de 1981, et demande à Godard de lui faire le clip. Et c'est une œuvre d'art en soi. Pour des questions de droits, il n'a été diffusé qu'une seule fois à la télévision. Il appartient aux collections du Centre Pompidou.
Gainsbourg avait très bien vu en Gall autre chose qu'une Lolita: "France Gall, c'est Alice au pays des merveilles, une Alice qui aurait un penchant avoué pour la littérature érotique. On ne dit pas de mal d'Alice. Ceux qui n'aiment pas France Gall se trompent".
Et justement. Sara Forestier l'a incarnée dans Gainsbourg : vie héroïque, de Joann Sfar (2010), époque "Poupée de cire, poupée de son". Joséphine Japy lui a succédé dans Cloclo, de Florent Emilio Siri (2012), où sa relation avec Claude François était racontée jusqu'à la création de "Comme d'habitude" inspiré par leur rupture.
Pour le reste, les chansons de France Gall ont été souvent utilisées dans le cinéma et pas seulement français. La séquence la plus emblématique reste signée Alain Resnais dans On connaît la chanson. "Résiste" clamait Sabine Azéma, comme un slogan, que la chanson est d'ailleurs devenue au fil du temps. Le même morceau a d'ailleurs été repris dans 20 ans d'écart de David Moreau.
Côté période Gainsbourg, les airs des sixties ont illustré des films aussi différents que Vue sur mer (By the Sea) d'Angelina Jolie ("Néfertiti"), Boulevard de la mort (Death Proof) de Quentin Tarantino et le récent Combat de profs de Richie Keen ("Laisse tomber les filles"), ou La fille d'un soldat ne pleure jamais (A Soldier's Daughter Never Cries) de James Ivory ("Teenie Weenie Boppie").
Xavier Dolan est remonté plus loin avec une chanson signée par Robert Gall, son père, auteur de "La Mamma" d'Aznavour, ("Cet air-là") dans Les amours imaginaires. Pascale Ferran dans L'âge des possibles a préféré opter pour un tube de Berger, "Babacar" (on vous défie de ne pas chanter "Où es-tu?" après avoir lu cette ligne).
Dans 40 milligrammes d'amour par jour de Charles Meurisse, on entend le tube de Starmania, "Besoin d'amour", tandis que dans Qui m'aime me suive de Benoît Cohen, c'est la fameuse "La Déclaration d'amour" qui est en bande son.
Plus ancien, on retrouve la voix de France Gall avec "Je me marie blanc" dans la BOF de Au hasard Balthazar de Robert Bresson.
On peut aussi citer la BOF de Sérieux comme le plaisir, film français réalisé par Robert Benayoun, dont Michel Berger a signé la musique et où Gall participe vocalement.
Mais on finira surtout par la chanson du générique de L'écume des jours de Michel Gondry. "Mais aime-là" (1975) y est reprise par Loane.