L'été est décidément faste pour le cinéma de patrimoine ! Après deux films cultes (Macadam à deux voies et Fargo), un film maudit (La panthère noire) et l'étonnant précurseur de la science fiction moderne (Silent running), voici un véritable cadeau estival concocté par Carlotta dès le 3 août : cinq des premiers films du Taïwanais Hou Hsiao-Hsien, dont trois n'étaient jamais sortis en France !
Tournés entre 1980 et 1986, Cute Girl, Green Green Grass of Home, Les Garçons de Fengkuei, Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Poussières dans le vent ressortent donc sur grand écran, en version restaurée, permettant de se faire une idée plus précise des débuts de ce cinéaste insaisissable dont Olivier Assayas déclare : "apparu comme par miracle, [il] était le grand cinéaste chinois qui avait toujours manqué."
Cute girl
Son premier film, Cute girl, est une comédie romantique dans la lignée de ce qui se fait à Taïwan à l'époque, tout en évoquant le New York-Miami de Frank Capra. Elle raconte l'histoire de Wenwen, une jeune fille de bonne famille promise au fils d'un riche industriel parti faire ses études en France. Doutant de l'avenir tout tracé qui l'attend, elle décide de partir à la campagne, où elle rencontre un autre homme.
Deux grandes stars de l'époque (Kenny Bee et Feng Fei-fei) incarnent les personnages principaux et interprètent eux-mêmes les chansons du film. Cute girl, qui portait en germes le sens esthétique de Hou Hsiao-Hsien, fut un énorme succès public lors de sa sortie à Taïwan, mais était jusqu'à présent inédit en France.
Green Green Grass of Home
Considéré comme la dernière comédie romantique de Hou Hsiao-Hsien, Green Green Grass of Home tend également vers la peinture rurale et la chronique d'enfance, racontant avec humour le contraste entre l'ancien mode de vie citadin de son héros et sa nouvelle existence rurale.
Le cinéaste laisse une grande liberté d'improvisation à ses jeunes interprètes, ce qui leur confère un naturel désarmant, et fait beaucoup pour le charme du film. On peut aussi y voir l'affirmation de son style (scènes qui se répètent, observation ritualisée du quotidien...) ainsi que la mise en place de certains des thèmes qui parcourent toute son oeuvre.
Les Garçons de Fengkuei
Premier volet d'un cycle autobiographique, Les garçons de Fengkuei revient sur la jeunesse "mouvementée" du réalisateur. Au contraire du précédent, il se déroule en majorité dans un univers urbain où l'on suit souvent à distance les pérégrinations et errances de la bande de copains.
Nostalgie douce amère, humour feutré, regard naturaliste bienveillant porté sur un passé disparu... le film est une formidable chronique de jeunesse incompréhensiblement resté inédit dans les salles françaises jusqu'à aujourd'hui. C'est pourtant grâce à lui, et à la Montgolfière d'or obtenue au Festival des trois continents de Nantes en 1984, que Hou Hsiao-Hsien fit son entrée sur la scène internationale.
Un temps pour vivre, un temps pour mourir
Autre film autobiographique, Un temps pour vivre, un temps pour mourir s'inspire des souvenirs de Hou Hsiao-Hsien pour raconter son enfance et le début de son adolescence, mais aussi l'exil de sa famille et la situation politique taïwanaise des années 50 et 60. Probablement l'une de ses œuvres les plus fortes, où les sensations et une dimension quasi picturale de l'image prennent le pas sur la narration.
A son sujet, Hou Hsiao-Hsien lui-même confiera : "Un temps pour vivre, un temps pour mourir s’inspire entièrement de mes souvenirs, il montre comment les choses nous apparaissent à travers la mémoire, la façon dont certaines atmosphères, certains détails du passé prennent avec le temps une grande importance, se mettent pour ainsi dire à enfler."
Poussières dans le vent
Dans le prolongement d'Un temps pour vivre, un temps pour mourir, Poussières dans le vent est une histoire d'amour subtile et malheureuse sur fond de chronique de fin d'adolescence. Entre la ville et la campagne, les deux protagonistes se suivent, se croisent, s'aiment, et se perdent, sans pathos ni mélodrame.
De son propre aveu, le cinéaste atteint avec ce film une certaine maturité. "J'ai enfin compris que lorsqu'on filme, que ce soit une personne ou une chose, il émane de ce qu'on filme un sentiment. Mon travail de cinéaste est simplement de saisir le sentiment qui émane de ce que je filme", déclare-t-il, éclairant en une phrase la démarche et le travail de recherche qui sont les siens depuis.