Les ressorties de l’été 2016 (5) : 5 œuvres de jeunesse de Hou Hsiao-Hsien

Posté par MpM, le 27 juillet 2016

rétrospective hou hsiao-hsienL'été est décidément faste pour le cinéma de patrimoine ! Après deux films cultes (Macadam à deux voies et Fargo), un film maudit (La panthère noire) et l'étonnant précurseur de la science fiction moderne (Silent running), voici un véritable cadeau estival concocté par Carlotta dès le 3 août : cinq des premiers films du Taïwanais Hou Hsiao-Hsien, dont trois n'étaient jamais sortis en France !

Tournés entre 1980 et 1986, Cute Girl, Green Green Grass of Home, Les Garçons de Fengkuei, Un temps pour vivre, un temps pour mourir et Poussières dans le vent ressortent donc sur grand écran, en version restaurée, permettant de se faire une idée plus précise des débuts de ce cinéaste insaisissable dont Olivier Assayas déclare : "apparu comme par miracle, [il] était le grand cinéaste chinois qui avait toujours manqué."

Cute girl
Son premier film, Cute girl, est une comédie romantique dans la lignée de ce qui se fait à Taïwan à l'époque, tout en évoquant le New York-Miami de Frank Capra. Elle raconte l'histoire de Wenwen, une jeune fille de bonne famille promise au fils d'un riche industriel parti faire ses études en France. Doutant de l'avenir tout tracé qui l'attend, elle décide de partir à la campagne, où elle rencontre un autre homme.

Deux grandes stars de l'époque (Kenny Bee et Feng Fei-fei) incarnent les personnages principaux et interprètent eux-mêmes les chansons du film. Cute girl, qui portait en germes le sens esthétique de Hou Hsiao-Hsien, fut un énorme succès public lors de sa sortie à Taïwan, mais était jusqu'à présent inédit en France.

Green Green Grass of Home

Considéré comme la dernière comédie romantique de Hou Hsiao-Hsien, Green Green Grass of Home tend également vers la peinture rurale et la chronique d'enfance, racontant avec humour le contraste entre l'ancien mode de vie citadin de son héros et sa nouvelle existence rurale.

Le cinéaste laisse une grande liberté d'improvisation à ses jeunes interprètes, ce qui leur confère un naturel désarmant, et fait beaucoup pour le charme du film. On peut aussi y voir l'affirmation de son style (scènes qui se répètent, observation ritualisée du quotidien...) ainsi que la mise en place de certains des thèmes qui parcourent toute son oeuvre.

Les Garçons de Fengkuei

Premier volet d'un cycle autobiographique, Les garçons de Fengkuei revient sur la jeunesse "mouvementée" du réalisateur. Au contraire du précédent, il se déroule en majorité dans un univers urbain où l'on suit souvent à distance les pérégrinations et errances de la bande de copains.

Nostalgie douce amère, humour feutré, regard naturaliste bienveillant porté sur un passé disparu... le film est une formidable chronique de jeunesse incompréhensiblement resté inédit dans les salles françaises jusqu'à aujourd'hui. C'est pourtant grâce à lui, et à la Montgolfière d'or obtenue au Festival des trois continents de Nantes en 1984, que Hou Hsiao-Hsien fit son entrée sur la scène internationale.

Un temps pour vivre, un temps pour mourir

Autre film autobiographique, Un temps pour vivre, un temps pour mourir s'inspire des souvenirs de Hou Hsiao-Hsien pour raconter son enfance et le début de son adolescence, mais aussi l'exil de sa famille et la situation politique taïwanaise des années 50 et 60. Probablement l'une de ses œuvres les plus fortes, où les sensations et une dimension quasi picturale de l'image prennent le pas sur la narration.

A son sujet, Hou Hsiao-Hsien lui-même confiera : "Un temps pour vivre, un temps pour mourir s’inspire entièrement de mes souvenirs, il montre comment les choses nous apparaissent à travers la mémoire, la façon dont certaines atmosphères, certains détails du passé prennent avec le temps une grande importance, se mettent pour ainsi dire à enfler."

Poussières dans le vent

Dans le prolongement d'Un temps pour vivre, un temps pour mourir, Poussières dans le vent est une histoire d'amour subtile et malheureuse sur fond de chronique de fin d'adolescence. Entre la ville et la campagne, les deux protagonistes se suivent, se croisent, s'aiment, et se perdent, sans pathos ni mélodrame.

De son propre aveu, le cinéaste atteint avec ce film une certaine maturité. "J'ai enfin compris que lorsqu'on filme, que ce soit une personne ou une chose, il émane de ce qu'on filme un sentiment. Mon travail de cinéaste est simplement de saisir le sentiment qui émane de ce que je filme", déclare-t-il, éclairant en une phrase la démarche et le travail de recherche qui sont les siens depuis.

The Assassin écrase la concurrence aux Asian Film Awards

Posté par vincy, le 19 mars 2016

Les Asian Film Awards, sorte d'Oscars pan-asiatiques, ont récompensé un peu tous les cinémas: Inde, Japon, Corée du Sud, Hong Kong, Chine... mais c'est un cinéaste taïwanais qui a tout raflé. Hou Hsiao-hsien, prix de la mise en scène à Cannes avec The Assassin, a passé la soirée à voir son film triompher : 8 trophées dont le meilleur film, le meilleur réalisateur et la meilleure actrice piur la sublime Shu Qi.

Il n'a resté que des miettes pour les autres: la star Lee Byung-hun (acteur), enfin récompensé, Jia Zhang Ke (scénario pour Au-delà des montagnes), 9 ans après son prix du meilleur réalisateur pour Still Life, Port of Call de Philip Yung (seul film à recevoir deux prix), Tadanobu Asano (connu aussi à Hollywood avec Thor et le prochain Scorsese)... C'est le film chinois Monster Hunt de Raman Hui, avec ses 380M$ de recettes en Chine, qui a récolté le titre de champion du box office asiatique.

Pour la première fois depuis leur création en 2007, les AFA, remis lors du Festival international du film de Hong Kong, ont donc récompensé Hou Hsiao-hsien. The Assassin rejoint au palmarès The Host, Secret Sunshine, Tokyo Sonata, Mother, Oncle Boonmee celui qui se souvient de ses vies antérieures, Une séparation, Mistery, The Grandmaster et Blind Massage. Le film avait déjà reçu le prix de la meilleure image aux Asia Pacific Screen Awards et les prix du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure image, meilleurs costimes et meilleurs effets sonores aux Golden Horse Awards, les Oscars de Taïwan.

Le palmarès complet

Film: The Assassin
Réalisateur: HOU Hsiao-Hsien - The Assassin
Acteur: LEE Byung-Hun - Inside Men
Actrice: SHU Qi - The Assassin
Second rôle masculin: Tadanobu ASANO - Vers l'autre rive
Second rôle féminin: ZHOU Yun - The Assassin
Espoir: Jessie LI - Port Of Call
Scénario: JIA Zhang-Ke - Mountains May Depart
Montage: William CHANG Suk Ping, CHU Ka Yat, LIAO Ching-sung, WONG Hoi, Philip YUNG - Port Of Call
Image: Mark LEE Ping-Bing - The Assassin
Musique: LIM Giong - The Assassin
Costumes: LEE Ji-yeon, SHIM Hyun-seob - The Throne
Décors: HWARNG Wern-ying - The Assassin
Effets visuels: Prasad SUTAR - Bajirao Mastani
Son: CHU Shih-Yi, TU Duu-Chih, WU Shu-Yao - The Assassin
Prix honorifique pour l'ensemble de leur carrière: Kirin KIKI (Japon), YUEN Wo-ping (Hong Kong)
Champion du box office asiatique: Monster Hunt

Mad Max Fury Road: le choix détonnant de la critique international

Posté par vincy, le 2 septembre 2015

Le grand prix de la Fipresci - qui sera remis lors de la cérémonie de clôture du festival de San Sebastian le 26 septembre - va être remis cette année à... Mad Max Fury Road. Etonnant non? C'est la première fois qu'un blockbuster américain remporte ce prix des prix, qui nous avait plutôt habitué à honorer des films d'auteurs ou du cinéma américain indépendant (Paul Thomas Anderson, Richard Linklater, Terrence Malick). Anderson, avec Almodovar et Haneke, sont les seuls à avoir été primés deux fois depuis la création du prix en 1999.

C'est la première fois aussi qu'un cinéaste australien, ici George Miller, remporte cette récompense. Et c'est surtout la 11e fois qu'un film présenté à Cannes gagne ce prix.

Pourtant face à Mad Max Fury Road (hors compétition à Cannes), le choix était pointu et appréciable:  Le fils de Saul de László Nemes (Grand prix du jury à Cannes), The Assassin de Hou Hsiao-Hsien (Prix de la mise en scène à Cannes), Taxi Téhéran de Jafar Panahi (Ours d'or à Berlin)

Venise 2015: les jurys désormais au complet

Posté par vincy, le 27 juillet 2015

On savait qu'Alfonso Cuaron présiderait le jury de la compétition du 72e festival du film de Venise. Que Jonathan Demme serait en charge de la sélection Orizzonti et Saverio Constanzo à la tête du prix Luigi de Laurentiis (lire notre actualité du 22 juillet). On connaît désormais tous les membres de tous les jurys de la prochaine Mostra.

Pour la compétition, Venise frappe fort avec un jury finalement très cannois: l'écrivain français Emmanuel Carrère (membre du jury cannois en 2010), l'actrice allemande Diane Kruger (membre du jury cannois en 2012), le cinéaste taiwannais Hou Hsiao-hsien (Prix de la mise en scène cette année à cannes avec The Assassin), le cinéaste turc Nuri Bigle Ceylan (Palme d'or l'an dernier avec The Winter Sleep), la cinéaste britannique Lynne Ramsey (membre du jury cannois en 2013) mais aussi l'actrice américaine Elizabeth Banks (Hunger Games, Magic Mike XXL), le cinéaste polonais Pawel Pawlikowski (Ida) et le cinéaste italien Francesco Munzi (Les âmes noires, meilleur film cette année aux prix David di Donatello).

Dans la section orizzonti, on retrouvera la cinéaste française Alix Delaporte, l'actrice espagnole Paz Vega, le cinéaste hongkongais Fruit Chan et l'actrice italienne Anita Caprioli (Corpo Celeste).

Pour le Prix Luigi de Laurentiis, qui récompense un premier toutes sélections confondues, le jury est composé du producteur hongkongais Roger Garcia, de l'historienne française Natacha Laurant, du cinéaste américain Charles Burnett et de la directrice du festival du film de Morelia, Daniela Michel.

Cannes 2015: un palmarès très socio-politique et un peu romanesque

Posté par redaction, le 24 mai 2015

Pas de Cate Blanchett (incompréhensible) aux côtés de Rooney Mara. Pas de Sorrentino ni de Moretti (favori de la critique française). Pas de Jia Zhang-ke. Bref, comme toujours, il y a de gros oublis, des choix étranges dans le classement, et même des injustices. On se félicitera de quelques récompenses pour The Lobster, Vincent Lindon (enfin!), Hou Hsiao-hsien, le premier film de Laszlo Nemes... Le cinéma français est arrivé en force ce soir. Le jury des frères Coen a surtout donné une tonalité socio-politique à son palmarès: l'immigration et les cités chez Audiard, les camps de concentration chez Nemes, la diplomatie plutôt que la guerre chez HHH, les chômeurs et précaires chez Brizé, la fin de vie chez Franco.

Trois parcours romanesques ont pu quand même séduire les jurés: dans un monde dicté par des normes tyrannique, on cherche le grand amour chez Lantimos, l'amour est transgressif et pudique chez Haynes, passionnel et douloureux chez Maïwenn.

Mais ce qu'on retiendra de cette 68e édition, c'est l'absence d'un très grand film et la multiplication de bons films aux regards acérés et esthétiques assumés. Quitte à prendre de forts risques qui ont souvent divisé les festivaliers.

Palme d'or: Dheepan de Jacques Audiard

Grand prix du jury: Le fils de Saul de Laszlo Nemes

Prix de la mise en scène: Hou Hsiao-hsien pour The Assassin

Prix d'interprétation masculine: Vincent Lindon pour La loi du marché. "C'est la première fois que je reçois un prix dans ma vie."

Prix du jury: The Lobster de Yorgos Lanthimos

Prix d'interprétation féminine: Emmanuelle Bercot pour Mon Roi et Rooney Mara pour Carol

Prix du scénario: Michel Franco pour Chronic (Mexique)

Palme d'honneur: Agnès Varda, "Palme de résistance et d'endurance". "Cette palme dorée sera placée dans un placard à côté de celle de Jacques [Demy]".

Caméra d'or du meilleur premier long métrage: La tierra y la sombra de César Augusto Acevedo (Colombie)

Palme d'or du court métrage: Waves'98 de Ely Dagher (Liban)

Cannes 2015: Carte postale de Taïwan

Posté par vincy, le 21 mai 2015

C'est une drôle d'histoire que celle de Taïwan et de Cannes. Une histoire de grand amour qui n'a jamais conduit à la récompense suprême, la Palme d'or. Ce n'est pas faute de grands films ou d'immenses cinéastes. Cette petite île aux confins de l'Orient, toujours revendiquée par la Chine depuis qu'elle a pris son indépendance, n'a jamais manqué à l'appel des grands festivals: quatre Lions d'or à Venise et un Ours d'or à Berlin, notamment grâce à Ang Lee (trois de ces cinq prix). Les deux autres réalisateurs sacrés à Venise sont Tsai Ming-liang et Hou Hsiao-hsien (8 sélections officielles), deux habitués de Cannes: chacun n'est reparti qu'avec un prix, et ont même "partagé" le prix du jury en 2001 pour leur ingénieur du son, Tu Duu-Chih, qui avait travaillé sur Et là-bas quelle heure est-il du premier et Millennium mambo du second.

Le seul prix majeur que le cinéma taïwanais a obtenu à Cannes date d'il y a 15 ans: le prix de la mise en scène, donné à Edward Yang pour son émouvant Yi-Yi.

Sous influence du colonisateur japonais jusqu'en 1945, le cinéma de Taïwan n'a commencé à exister qu'après la seconde guerre mondiale, largement grâce à l'exode provenant de Shanghaï après la conquête du pouvoir chinois par Mao. Il naît réellement - infrastructures, institutions... - qu'au début des années 60, même s'il reste avant tout un outil de propagande, loin du cinéma poétique et allégorique que l'on connaît aujourd'hui. Même si l'esthétisme était déjà très présent, y compris dans les oeuvres populaires (comme celles de kung-fu). A Cannes Classics, cette année, on pourra ainsi revoir le culte A Touch of Zen de King Hu, premier film taïwanais au Festival de Cannes et premier film en langue mandarin à y être présenté: c'était en 1971.

Il faut attendre les années 80 pour que des auteurs s'emparent du 7e art, à leur manière. Outre les quatre cinéastes cités auparavant, les plus connus, d'autres émergent: Chen Kun-hou qui en fut la figure de proue, I-Chen Ko, Yi Chang, Lee You-ning puis plus tard Leste Chen, Yonfan, Lin Shu-yu, Wei Te-Sheng, Stan Lai, ... Et si le nombre de salles diminue sensiblement, le nombre de films produits se maintient autour de la cinquantaine d'oeuvres par an, avec une part de marché très honorable de plus de 20% de spectateurs pour les films locaux. Parfois même, certains, commencent à faire de l'ombre aux blockbusters étrangers. Petit dragon deviendra-t-il grand?

Festival de La Rochelle: Visconti, Assayas, Bellocchio, HHH, Feuillade, MacKendrick à l’honneur

Posté par vincy, le 4 mai 2015

Le 43e Festival international du film de La Rochelle (26 juin - 5 juillet) a révélé l'essentiel de sa programmation. En 2014, la manifestation avait attiré plus de 82 000 spectateurs.

Cette année, La Rochelle rendra hommage à Olivier Assayas, Marco Bellocchio, Hou Hsiao-hsien, dont le dernier film The Assassin est en compétition à Cannes cette année, et à la famille Makhmalbaf avec les films du père Mohsen et de ses enfants, Samira, Hana et Maysam.

Le Festival fera découvrir le cinéma géorgien, avec les films de Levan Koguashvili, George Ovashvili, Nana Ekvtimishvili, Rusudan Chkonia, Tinatin Kajrishvili, Teona et Thierry Grenade et Salomé Alexi.

Côté cinéma classique, les rétrospectives mettront en lumière Louis Feuillade, avec ses Fantômas et ses Vampires, et l'actrice Musidora, égérie de l'affiche du Festival cette année. Une intégrale de Luchino Visconti fera l'évènement, l'occasion de découvrir la récente restauration de Rocco et ses frères, accompagnée de deux documentaires sur le maître. Deux autres rétrospectives concerneront le réalisateur Alexander MacKendrick et les trésors animés des studios d'art de Shanghaï.

La Rochelle présentera aussi des versions restaurées de grands classiques comme Le Troisième Homme, Les Oiseaux, Le Convoi de la peur ou Y aura-t-il de la neige à Noël ?.

Enfin, le Festival projettera en avant-première de nombreux films: Amnesia de Barbet Schroeder (hors compétition à Cannes), At Home d'Athanasios Karanikolas, Chorus de François Delisle, Cosmodrama de Philippe Fernandez, La Vie de Jean-Marie de Peter van Houten, Le Bouton de nacre de Patricio Guzman, primé à Berlin, Les Nuits blanches du facteur d'Andreï Kontchalovski, My Name is Salt de Farida Pacha, The Valley de Ghassan Salhab....

Quant à la Leçon de musique, elle sera conduite par Jean-Claude Petit.

Le programme complet

Vesoul 2014 : 5 invités d’honneur qui ont marqué le Festival

Posté par MpM, le 11 février 2014

A l'occasion de la 20e édition du Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul qui débute ce mardi 11 février, retour sur les temps forts qui ont jalonné l'histoire de la manifestation.

Entre 1995 et 2014, le FICA a présenté le travail de 684 réalisateurs venus de 49 pays et a remis 13 Cyclos d'honneur aux plus hautes personnalités du cinéma asiatique. Cette année, c'est le cinéaste philippin Brillante Mendoza, président du jury international, qui sera ainsi distingué.

En attendant ce temps fort de l'édition anniversaire, sélection arbitraire de cinq réalisateurs ayant reçu un Cyclo d'honneur, qui ont à la fois marqué l'histoire du festival et celle du cinéma mondial.

Hou Hsiao Hsien (2006)

Hou Hsiao Hsien et Jean-Marc ThérouanneCe maître taïwanais figure parmi les plus grands réalisateurs du monde, toutes nationalités confondues. Sélectionné et primé à plusieurs reprises dans les grands festivals internationaux (Lion d’or à Venise en 1989 pour La Cité des douleurs, Prix du Jury à Cannes pour Le Maître de marionnettes en 1993...), il est venu à Vesoul en toute amitié pour une rétrospective d'envergure autour de son œuvre en tant que réalisateur, mais aussi scénariste et même acteur.

Les festivaliers se souviennent de sa simplicité et de son goût immodéré pour la marche à pied dans les rues vésuliennes. Peut-être l'un des seuls endroits au monde où personne ne vient l'importuner ?

A l'occasion de sa "leçon de cinéma", le cinéaste avait révélé la préoccupation qui est au cœur de son travail : "Je ne veux pas être un moraliste : je m’intéresse à l’être humain, à la manière dont il coexiste avec la nature. Autrefois, les gens naissaient de la nature. Aujourd’hui, ils naissent de la société. Mon but, c’est de retrouver la place de l’être humain."

Stanley Kwan (2008)

stanley kwan Injustement méconnu en France où nombre de ses films n'ont jamais été distribué, Stanley Kwan est pourtant un cinéaste et producteur majeur de Hong Kong. Son esthétisme flamboyant et la manière très intime qu'il a de parler des femmes rendent son style reconnaissable entre tous. Il a d'ailleurs reçu un Ours d'argent au festival de Berlin en 1992 pour Center stage, qui valut à Maggie Cheung le prix d'interprétation féminine.

A Vesoul, il a obtenu le Cyclo d'or en 2002 pour Lan Yu, magnifique histoire d'amour entre deux hommes, puis est revenu présenter une vaste rétrospective de son travail, et recevoir le Cyclo d'honneur de la 14e édition du Festival. Les festivaliers qui l'ont croisé cette année-là ont tous été frappés par sa simplicité, sa grande disponibilité et son immense gentillesse.

Mohsen Makhmalbaf (2009)

famille makhmalbafMohsen Makhmalbaf, considéré avec Abbas Kiarostami comme l'un des chefs de file de la nouvelle vague iranienne, a reçu à Vesoul le 100e prix de sa carrière. Il avait d'ailleurs tenu à partager ce Cyclo d'honneur avec sa femme Marzieh Meshkini et sa fille Hana, également réalisatrices. A l'occasion de leur présence à Vesoul, le FICA avait présenté une rétrospective des films de la Makhmalbaf film house, la maison de production du cinéaste, dont certains sont inédits en France.

Il s'expliquait alors ainsi sur la nature singulière de son cinéma : "Je suis à la recherche d’un réalisme poétique. Réalisme, car si le cinéma s’éloigne trop de la vie, il perd son âme. Et poétique car, s’il s’approche trop de la vie, s’il est trop réaliste, cela ressemble à la vie de tous les jours et ça n’a pas d’intérêt non plus. Le mouvement de balancier entre ces deux aspects m’intéresse pour ne pas rester trop terre à terre."

Jafar Panahi (2010)

jafar panahiLe prisonnier politique le plus connu d'Iran, sous le coup d'une interdiction de travailler depuis décembre 2010, est venu à Vesoul en 2004 pour présider le jury international. Il aurait dû être de retour six ans plus tard à l'occasion de la 16e édition du festival qui rendait hommage aux artistes iraniens engagés en lui décernant, ainsi qu'à l'actrice Fatemeh Motamed-Arya, un Cyclo d'honneur. Privé de visa, il n'avait pu faire le voyage, et, quelques mois plus tard éclatait le scandale autour de sa condamnation.

En 2011, Jafar Panahi était une fois de plus absent du FICA qui lui réaffirmait son soutien en montrant en clôture l'un de ses films les plus emblématiques, Le cercle (lion d'or à Venise). Le cinéaste, dont on a découvert avec beaucoup d'émotion le dernier film Pardé à Berlin en 2013, ne sera vraisemblablement pas l'invité surprise de l'édition anniversaire de la manifestation, dans la mesure où il est toujours officiellement assigné à résidence.

Kore-eda Hirokazu (2012)

Le Japonais Kore-Eda Hirokazu, sélectionné et primé à plusieurs reprises à Cannes (Nobody knows, Tel père, tel fils), était présent au FICA lors de sa 18e édition pour présenter en avant-première son film I wish et accompagner une rétrospective de ses 14 films (documentaires et fictions réunis pour la première fois), dont la moitié étaient jusque-là inédits en France.

Extrêmement modeste, le réalisateur s'était dit "intimidé" à l'idée que les festivaliers puissent ainsi découvrir l'ensemble de son oeuvre. "J’ai honte", déclarait-il. "J’ai aussi beaucoup de nostalgie. Je trouve que c’est important de revoir ce que l’on a fait dans le passé, ça me permet de reconsidérer ce que je pensais à l’époque et aussi certaines erreurs, c’est important pour avancer. Mais j’ai un peu honte parce que c’est un peu la même impression que lorsqu'on regarde une vielle photo de l’époque étudiant avec un motif de tshirt ringard et une coupe de cheveux démodée."

Crédits photo : Michel Mollaret et MpM

Cannes 2013 / Un film, une ville : Tokyo

Posté par vincy, le 18 mai 2013

Tokyo Tel père tel fils kore-eda

La plus grande ville du monde n'a jamais cessé d'être un lieu de cinéma : ses différents quartiers, son aspect futuriste ou encore son statut de mégapole mondiale ont évidemment servi de décor à de nombreux films japonais, y compris des mangas, des Godzilla et le dernier Kore-eda, Tel père tel fils (en compétition cette année à Cannes). Le cinéaste filme l'aspect moderne de la ville : ses tours glaçées, son métro bondé, la tour Skytree (la plus haute du monde) au loin, ou encore ses quartiers plus résidentiels, presque tranquilles. Il rejoint ainsi les films dOzu qui aimait filmer les mutations post-guerre de cette tentaculaire urbanité.

Les cinéastes étrangers ne sont pas en reste : James Bond y a posé les pieds dans On ne vit que deux fois. Hollywood y a tourné un épisode de Fast and Furious (Tokyo Drift) et Cars 2 faisait aussi des tours de piste là bas. les films d'action, tels Jumper, Inception, ou plus loin dans le temps Black Rain de Ridley Scott se sont déroulés sur les toits ou dans les ruelles de la ville. Hou Hsiao-hsien (Café lumière) et Abbas Kiarostami (Like Someone in Love) ont exilé leur cinéma durant le temps d'un film. Les Français sont tout autant fascinés : Michel Gondry et Leos Carax (en compagnie du sud coréen Bong Joon-ho) ont réalisé un film en trois segments, Tokyo! ; Jean Reno y goûtait l'action sauce Wasabi. Gaspard Noe nous hypnotisait dans Enter the Void, qui fut en compétition à Cannes. Tout comme Babel d'Inarritu, qui y passait une partie de son film puzzle mondialisé.

Quintessence du monde moderne, et dépaysante pour les occidentaux, Tokyo aura surtout été magnifiée par Sofia Coppola. Avec Lost in Translation, la cinéaste se baladait dans Shinjuki, le quartier qui ne dort jamais, et transformé le Park Hyatt, qui occupe les étages les plus hauts d'un immense complexe de gratte-ciels, en attraction touristique. Avec Tokyo sous nos yeux, étendue à l'infini, et à jamais entrée dans l'histoire du 7e art.

Cannes 2013 : le cinéma de Taiwan se sent pousser des ailes

Posté par MpM, le 16 mai 2013

taipei factoryChaque année, le cinéma taïwanais est à l'honneur dans les plus grands festivals internationaux. Cannes ne fait pas exception. Rarement en compétition, mais souvent dans les sections parallèles, et toujours dans les allées des marchés du film. Si la cinématographie de l'île a le vent en poupe, ce n'est pas seulement grâce à la notoriété de ses grands chefs de file comme Hou Hsiao-Hsien ou Tsai Ming-Liang. Il y a derrière cette visibilité croissante la volonté affirmée de valoriser Taïwan, et notamment sa capitale Taipei, à la fois en tant que centre artistique névralgique d'Asie et comme lieu incontournable dans l'industrie cinématographique mondiale.

La Taipei Film Commission (qui réunit le Maire de Taipei et les professionnels du secteur cinématographique) se consacre ainsi depuis 2008 à la tâche (ardue) de "relier l’industrie du film taïwanais au monde". Pour ce faire, elle assiste et facilite tous les projets se tenant à Taipei, de la recherche des décors aux demandes de subventions, en passant par la gestion des tournages sur la voie publique et la promotion des films. L'idée est avant tout de remettre à flot une industrie en perte de vitesse... et de financements. Et ça marche : en moins de quatre ans, la commission avait déjà aidé 645 films tournés à Taipei, dont 70 en partie financés par des fonds étrangers. Justement, les coproductions avec l'international sont implicitement l'objectif premier de la commission, qui va chercher l'argent là où il se trouve.

Nouvelle étape dans cette redynamisation du cinéma local, la mise en place cette année de la Taipei Factory, une résidence réunissant 8 jeunes cinéastes (4 Taïwanais, 4 venant du reste du monde) invités à écrire, tourner et finaliser (en binôme) un court métrage de 15 minutes. Cette initiative, qui cherche à "déclencher des idées originales à travers les différences culturelles, de langue, de passé et d’expériences" des 8 réalisateurs, a été menée en partenariat avec la Quinzaine des Réalisateurs qui présente le 16 mai en avant-première mondiale les 4 films réalisés.

Edouard Waintrop, le délégué général de la Quinzaine, y voit l'opportunité de vanter sa sélection comme "le coeur artistique du Festival de Cannes et l’événement qui s’engage vraiment à soutenir les nouveaux talents" comme il le déclarait lors de la conférence de presse inaugurale de l'événement en février 2013, soulignant un peu malicieusement : "La Quinzaine cherche toujours des moyens pour permettre aux cinéastes d’échanger, de faire face aux problèmes ensemble et de ne pas seulement fouler le tapis rouge pour regarder des films".

La Commission du Film de Taipei, quant à elle, trouve dans cette expérience l'occasion de renforcer les liens entre cinéastes taïwanais et européens. Mais aussi de faire connaître de nouveaux talents à l'international tout en mettant en valeur les infrastructures de production de la région. Histoire d'attirer des tournages du monde entier, le modèle affiché étant clairement celui de L'odyssée de Pi, d'Ang Lee, membre du jury de la compétition cannoise cette année, en partie tourné au zoo de Taipei, et devenu depuis un succès planétaire (et oscarisé). L'île s'offre ainsi une jolie visibilité sur la Croisette... et se pose dans le même temps en chevalier blanc (asiatique) de la création cinématographique.