Comme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, alors après Un homme à la mer avec Diane Dassigny, voici l’instant Court n° 9.
Le mois de décembre est arrivé avec son froid hivernal qui donne envie de se réchauffer… Parfois le jeu d’amoureux devient dangereux et passion rime avec perversion, alors Eros et Thanatos se rapprochent…
Voila donc le court-métrage Un sale coup réalisé par Pascal Voisine, avec James Thierrée, Sarah Lassez et Claude Aufaure.
Un Sale Coup from Pascal Voisine on Vimeo.
Le réalisateur Pascal Voisine nous raconte cette expérience :
EcranNoir : Quel est votre parcours de réalisateur ?
Pascal Voisine : J’ai découvert le cinéma grâce à Claude Lagrée, un dynamique exploitant de salles de Dinard. J’ai passé toute mon adolescence dans son cinéma et c’est aussi lui qui m’a présenté Yannick Letoqueux, le producteur de "Vue de Chien" mon premier court métrage professionnel (après trois courts métrages amateurs qui avaient remporté quelques prix dans des festivals). Dans la foulée, j’ai réalisé des bandes-annonces pour le Festival du Film Britannique de Dinard et fait de l’assistanat sur quelques longs métrages dont celui de Sophie Tatischeff (la fille de Jacques Tati) et deux jours sur la partie française de Armageddon de Michael Bay. Ensuite pas grand-chose jusqu’à une expérience singulière comme assistant du cinéaste Jacques Baratier sur Rien, voilà l’ordre, un film réalisé dans un véritable hôpital psychiatrique. C’est sur ce film que j’ai rencontré James Thiérrée, Sarah Lassez et Claude Aufaure, les trois interprètes de ce court "Un Sale Coup". Après le tournage du film de Baratier, je suis resté sur le site de l’hôpital pour lancer un centre culturel destiné aux patients. Je pensais y rester six mois, j’y suis depuis huit ans. Mon contrat se termine en décembre pour me laisser revenir à la mise en scène après cette longue parenthèse. Cette aventure humaine en immersion totale dans un milieu hors norme a profondément bouleversé mon existence. Les gens que j'ai rencontrés derrière ces murs font maintenant partie de ma vie et la maladie mentale sera certainement au cœur de l’un de mes prochains sujets. Je travaille actuellement sur l’écriture d’un long métrage provisoirement intitulé Le Chandelier à Roulettes.
EN : Dans quelles conditions a été produit ce film Un Sale Coup ?
PV : Ce film a été réalisé par le plus grand des hasards. Christine Dauvier, une amie étudiante à l'Ecole Louis Lumière, m'a appelé un lundi soir en me disant qu'elle devait tourner un film le jeudi suivant. Avec d'autres étudiants en image, elle devait tester une des premières caméras HD. Nous étions en 2001. La vidéo était encore le parent pauvre du cinéma mais des films comme L’attaque des Clones ou L’auberge espagnole qui venaient d’être tournés avec ces nouvelles caméras étaient en train de changer la donne. Le dispositif était encore assez lourd mais il permettait de voir en direct ce à quoi ressemblerait l’image définitive. Pour faire ces essais, les étudiants avaient un studio, une équipe technique et tout le matériel mais pas de réalisateur, ni de scénario, ni de comédiens. Comme je l’avais fait travailler sur le film de Jacques Baratier, Christine m'a proposé de profiter de cette opportunité. J'ai visité le décor le lendemain et j’ai très vite adapté une petite histoire qui traînait dans mes tiroirs. J'ai appelé mes trois comédiens en leur demandant de venir tourner pour moi durant deux jours avec une toute petite équipe constituée de neuf personnes dont cinq directeurs de la photographie ! Une amie productrice m’a ensuite aidé à superviser la post-production. Le film n’a coûté que le prix des deux ou trois cassettes nécessaires au tournage et au montage.
EN : Quelles limites à ne pas dépasser ou à franchir dans la représentation du sexe et de la mort ?
PV : Comme le film est quasiment une improvisation, les comédiens n’étaient pas préparés à cette expérience. Ils n’ont pas eu de scénario vu que je n’avais pas véritablement eu le temps d’en écrire un. Lorsque James Thiérrée est arrivé sur le plateau et qu'il a vu que la maquilleuse voulait lui poudrer le torse, il a compris qu'il y aurait certainement des scènes peu habillées. Claude Aufaure a tourné ses plans sans savoir ce que seraient vraiment ses contre-champs. Seule Sarah Lassez avait eu connaissance de l’histoire. Ce tournage ne l’a pas du tout impressionnée vu qu’auparavant elle avait déjà été dirigée par Gregg Araki dans Nowhere et par Abel Ferrara dans The Black Out. Alors que dans la vie je suis quelqu’un de très timide et de plutôt calme, j’aime au cinéma exacerber le sexe et la violence même si pour l’instant, je pense ne pas m’être encore totalement lâché. Les limites à se fixer sont celles que le scénario exige. C’est vrai qu’il y a souvent chez moi une envie de choquer mais surtout pas de blesser. De savoir que quelqu’un pourrait mal vivre la vision d’une scène que j’ai tournée ne me plairait pas. C’est pour ça qu’il est important de prévenir son auditoire, de ne pas imposer le sexe et la violence à quelqu’un qui n’y est pas préparé. Quand on va voir un film de Gaspar Noé par exemple, on sait qu’on va vivre une expérience extrême et si on n’a pas envie de voir ça, on n’y va pas.
EN : Parlez-nous de l’acteur James Thierrée dont le grand-père est tellement célèbre…
PV : J’ai donc rencontré James Thiérrée sur le tournage du film Rien, voilà l’ordre de Jacques Baratier. Je ne connaissais pas son travail avant de le connaître mais je suis tout de suite entré dans son univers. J’ai même été quelques semaines son assistant sur la préparation de son spectacle La veillée des abysses. Je ne l’ai jamais senti écrasé par le poids de l’héritage de son grand-père Charlie Chaplin. Nous en avons d’ailleurs rarement parlé. J’ai aussi rencontré sa sœur Aurélia sur Rien, voilà l’ordre et j’ai tourné un court métrage avec elle. C’est une très grande actrice. Je n’ai jamais vu quelqu’un magnétiser autant la caméra. Lorsqu’elle est à l’écran tout ce qu’il y a autour d’elle disparaît. J’ai fait quatre courts métrages avec James Thiérrée. Le dernier en date est un plan séquence de cinq minutes dans lequel, sans effets spéciaux, il tue une femme et se transforme en elle. Sa prestation ultra chorégraphiée m’a souvent donné à penser qu’il était tout autant que moi l’auteur de ce film. Je crois que j’ai trouvé en James Thiérrée mon Antoine Doisnel.