Vesoul 2017 : le Sri-Lanka, la Géorgie et le Japon à l’honneur

Posté par kristofy, le 6 février 2017

Le cinéma asiatique s’est une nouvelle fois révélé particulièrement attractif en 2016 où les nouveautés se sont placées au sommet, vers des records de spectateurs au box-office. Par exemple le nouveau record en Chine est The Mermaid de Stephen Chow. Pourtant, malgré cette réussite commerciale, le film n’a même pas eu de sortie en France.

Alors que les spectateurs durant l'année dernière se sont déplacés en centaines de milliers pour aller voir Les délices de Tokyo de Naomi Kawase, Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, The strangers de Na Hong-jin, Mademoiselle de Park Chan-wook,  Diamond Island de Davy Chou, Ma' Rosa de Brillante Mendoza, le film d'animation Your name de Makoto Shinkai...

On imagine alors que pour ce qui est des films d’auteur bien plus modestes, à l'image de Lost Daughter de Chen Yu-jie, un premier long-métrage de Taïwan, les chances sont encore plus minces d'être montrées. Heureusement, l'opportunité de le voir sur grand écran (parmi bien d'autres perles venues d'Asie) est offerte par le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul !

Le FICA de Vesoul propose du 7 au 14 février sa 23e édition, toujours placée sous le signe de la découverte et de l'éclectisme avec plus de 90 films pour la plupart invisibles ailleurs. Cette année, 3 pays seront plus particulièrement mis en lumière : le Skri Lanka, le Japon et la Géorgie. Il y aura une rétrospective inédite « Les Maîtres du cinéma sri lankais » en présence du réalisateur Prasanna Vithanage et de l’actrice légendaire Swarna Mallavarachchi, qui recevra un Cyclo d’or d’honneur pour ses 5 décennies de carrière, un « Regard sur le cinéma géorgien » avec notamment la présence de la réalisatrice Rusudan Chkonia, et une thématique « Le Japon se met à table ».

Deux compétitions, des avant-premières et 90 films sélectionnés

Une vingtaine de nouveaux films inédits en provenance d’Indonésie, Corée du Sud, Chine, Inde, Géorgie, Cambordge, Irak, Japon, Philippines, Iran, Vietnam… seront par ailleurs en compétition devant sept jurys, dont le jury international présidée par la cinéaste iranienne Rakhshan Bani-Etemad qui elle aussi recevra un Cyclo d’or d’honneur, avec autour d’elle la réalisatrice mongole Byambasuren Davaa, la réalisatrice géorgienne Rusudan Chkonia et le réalisateur sri lankais Vimukthi Jayasundara.

Le film d’ouverture est Après la tempête de Kore-eda Hirokazu qui sera proposé en avant-première avant sa sortie en salles le 26 avril prochain. Le réalisateur japonais était d’ailleurs venu au FICA en 2012 pour accompagner une rétrospective de l’ensemble de ses films (documentaires et fictions réunis pour la première fois, dont la moitié étaient jusque-là inédits en France) et aussi un recevoir un Cyclo d’or d’honneur. Durant cette semaine de projections le FICA de Vesoul proposera d’ailleurs d’autres premières prestigieuses comme The Bacchus Lady de Lee Je-yong (qui sera présenté en même temps au festival de Berlin) ou Tunnel de Kim Seong-hun (sortie le 3 mai).

A noter aussi que certaines personnalités venues lors d’éditions précédentes seront de nouveau présentes à Vesoul comme l’actrice indienne Shanana Goswami ou le réalisateur indonésien Riri Riza : comme chaque année le FICA de Vesoul sera rythmé par des débats après les projections, des tables rondes, des soirées festives, et des séances spéciales pour inviter les festivaliers à une semaine de découvertes 100% cinéma asiatique. Et comme chaque année depuis 2008, on vous y donne rendez-vous !
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23e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 7 au 14 février 2016
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Vesoul 2013 : Sinema Indonesia, un cinéma en suspens

Posté par kristofy, le 10 février 2013

Vesoul 2013Le 19e FICA de Vesoul a su organiser une sélection unique avec le Regard sur le cinéma indonésien : 1954 – 2013 dont son délégué général Jean-Marc Thérouanne souligne qu'elle est  "la première depuis 30 ans en France' et constitue "l'événement majeur du festival avec 22 films clés de l'histoire cinématographique de l'Indonésie".

Cette rétrospective unique en son genre a été accompagnée pour l’occasion du documentaire tout aussi unique Sinema Indonesia, un cinéma en suspens réalisé par Bastian Meiresonne et qui pour la première fois aborde le cinéma indonésien en mettant en perspective à la fois les problématiques de son passé et les perspectives futures. On y trouve notamment des interventions de Riri Riza (Atambua 39° celcius) et de Gareth Evans (The Raid).

Plusieurs générations de cinéastes indonésiens invités Garin Nugroho à montrer leurs films à Vesoul, dont Garin Nugrobo (The blindfold) [photo de droite], Kamila Andini (The mirror never lies), Nia Dinata (Love for share) et Sammaria Simanjuntak (Demi ucok), se sont par ailleurs réunis lors d’une table ronde publique pour mieux faire connaître le cinéma de leur pays .

Depuis les années 1910, époque de l’adaptation de pièces de théâtre et de légendes populaires, le cinéma indonésien a gagné en popularité. Après la guerre et l’indépendance du pays, la plupart des films se partageaient entre deux courants : le cinéma au service du gouvernement, et le cinéma commercial de divertissement.

Le nombre de films produits chaque année a progressivement baissé pour deux raisons : l’arrivée des films américains et ceux de Hong-Kong qui étaient beaucoup mieux et visibles gratuitement à la télévision, et les règles imposées par le gouvernement pour autoriser la production de films. Pendant longtemps, il a fallu d’abord soumettre son scénario à un comité, puis demander l’obtention d’une autorisation de tournage (avec des techniciens imposés), et enfin soumettre le film terminé à un autre comité…

Ainsi, jusqu’au début des années 2000, peu de films indonésiens se produisent et circulent. Pourtant, en moins de cinq ans, un renouveau s'est opéré (une vingtaine de films en 2002, plus de 80 films en 2008) en même temps que le retour du public dans les salles car les films sont bien meilleurs.

Néanmoins, l’Indonésie est toujours confrontée à un manque de structures à développer : il faut plus de circuits de distributions de films (les producteurs doivent eux-mêmes s’occuper de placer leurs films) et il faut plus de salles (environ 600 écrans pour plus de 260 millions d’habitants, une seule société gère tous les multiplexes). Bastian Meiresonne remarque même que ce sont les cinéastes de son documentaire et ceux invités à Vesoul qui font la promotion du cinéma indonésien et non le gouvernement du pays qui n’est pas assez impliqué dans la promotion et la défense de son identité culturelle (sur 2800 films produits depuis 1926 seulement 250 sont conservés dans une cinémathèque).

Garin Nugrobo se souvient de l’époque où faire un film était un combat :  "On n’était ni libre de choisir ses techniciens ni libre d’envoyer nos films dans des festivals étrangers, il fallait passer par les ambassades. Les années 90 ont été une période de transition économique, politique, et cinématographique. Pour faire des films il fallait dire Non au gouvernement. En 1998 mon film Feuille sur un oreiller a été sélectionné à Cannes mais je n’y suis pas allé car  je faisais parti du mouvement pour la destitution de Soeharto au pouvoir depuis 20 ans. On n’avait pas non plus accès aux connaissances du monde et pas aux films d’ailleurs. En 1994, j’ai reçu un prix dans un festival où dans le jury il y avait Quentin Tarantino et Pedro Almodovar, mais je ne savais pas qui ils étaient à ce moment-là."

Sammaria Simanjuntak est confrontée à d’autres difficultés : "pour produire mon film j’ai fait appel au crowfunding avec la participation au budget des internautes, mon film n’est pas assez commercial pour l’Indonésie et il n’est pas assez exotique pour les festival." Kamila Andini qui représente la nouvelle génération avec un second film en préparation à 26 ans a également une analyse pertinente : "Avant se posait la question de l’existence de notre cinéma, maintenant il s’agit de celle de sa consistance. On peut traiter de n’importe quel sujet mais il est difficile de s’imposer avec face à nous les films américains. On va se heurter au problème de la distribution de nos films face au poids de ceux de Hollywood et aussi face au poids grandissant d'internet où on peut tout trouver."