Ruth Bader Ginsburg, doyenne de la Cour suprême des Etats-Unis, est décédée vendredi à l'âge de 87 ans. Nommée par Bill Clinton en 1993, icône de la gauche américaine et des progressiste, elle était devenue l'une des plus âpres défenseuses de la cause des femmes, des minorités, des droits civiques et de l'environnement. Et surtout elle incarnait l'opposition à Donald Trump.
Au début de sa carrière, dans les années 1970, elle avait co-fondé le Women's Rights Law Reporter, premier journal américain qui se concentre exclusivement sur les droits des femmes et les de discriminations sexistes. RBG avait porté six cas de discrimination devant la Cour suprême entre 1973 et 1976 (une seule défaite).
Son parcours comme son aura et ses décisions symboliques en avaient fait un personnage politique de premier plan. Une héroïne américaine, à sa façon, l’une des femmes les plus influentes de l’histoire des États-Unis pour son combat pour l’égalité des sexes. Les drapeaux américains de la Maison Blanche ont été mis en berne. Ruth Bader Ginsburg était devenue extrêmement populaire malgré une fonction réputée à l'ombre du pouvoir. Grâce à son positionnement, qui séduit les jeunes urbains et les modérés, elle était devenue "Notorious RBG".
Pas surprenant alors qu'Hollywood s'empara de son destin. D'abord avec un film Une femme d'exception (On the Basis of Sex), réalisé par Mimi Leder avec Felicity Jones (dans le rôle de Ruth Bader Ginsburg), Armie Hammer, Justin Theroux, Sam Waterston, et Kathy Bates. Le film a totalisé 38M$ de recettes dans le monde et a attiré 91000 spectateurs dans le salles françaises début 2019. Si le scénario est assez classique pour un biopic qui se concentre sur les débuts de RBG, le film est passionnant par ce qu'il décrypte du personnage et de ses combats.
Et puis il y a eu l'excellent documentaire, RBG, réalisé et produit par Betsy West et Julie Cohen. Présenté en avant-première au Festival du Film de Sundance en 2018, ce docu captivant sur cette personnalité passionnante, est deux fois nommé aux Oscars (documentaire, chanson) et remporte treize prix dans le monde. En France, il est présenté en avant-première à Deauville.
A l'heure où l'Amérique se remet à peine de la nomination de Brett Kavanaugh au poste de juge assesseur de la Cour suprême, Betsy West et Julie Cohen dévoilent leur documentaire enflammé sur la désormais légendaire Ruth Bader Ginsburg. Le lien ? A 85 ans, elle siège encore à la Cour suprême !
1. C'est un film nécessaire. Si Ruth Bader Ginsburg est aujourd'hui une figure majeur de la pop culture, cela n'a pas toujours été le cas. Avant de devenir juge à la Cour suprême des Etats-Unis, elle s'est battue pour l'égalité hommes-femmes et toutes formes de discrimination. Véritable force de la nature, Betsy West et Julie Cohen rappellent à travers leur documentaire comment celle que l'on nomme désormais "Notorious RBG" (en référence au rappeur The Notorious B.I.G.) a construit un précieux et incroyable héritage juridique rempli de cas de de jurisprudence. Plus qu'un témoignage sur le passé d'une figure importante de la justice américaine, RBG fait la part belle à l'intelligence et la timidité d'une femme qui s'est battue pour que les femmes puissent accéder à toutes les institutions, soient payées autant que leurs collègues masculins ou encore que les hommes puissent également toucher une pension en cas de décès de leur épouse pour éduquer leur(s) enfant(s). Alors que Cour suprême se fait de plus en plus conservatrice, Ruth Bader Ginsburg est désormais perçue comme "le dernier rempart anti-Trump".
2. C'est extrêmement instructif. Si pour certains Ruth Bader Ginsburg est la "Simone Veil américaine", force est de constater que RBG ne fait pas que se consacrer à l'incroyable destin de cette femme. RBG présente également les changements qui ont touché voire complètement bouleversé le visage de l'Amérique. Comme le rappelle Betsy West, celle qui a été nommée à la Cour suprême par Bill Clinton est souvent comparée à Thurgood Marshall, l'avocat qui a plaidé pour la cause noire dans l'affaire Brown v. Board of Education, qui a notamment permis la déségrégation dans les écoles publiques. Pendant 98 minutes donc, Ruth Bader Ginsburg mais aussi ses proches et ses supporteurs défendent une idée simple : la Constitution doit tous nous défendre. Et si ce n'est pas le cas, c'est qu'il faut la changer ! Des années d'études de la future juge à Cornell, Harvard puis Columbia jusqu'à ses apparitions "surprises" dans quelques opéras, RBG rend hommage au travail des juristes et démontre le manque d'intelligibilité de certaines lois.
3. C'est rempli d'amour. Figure aujourd'hui adorée par des millions d'Américains qui ne manquent pas d'acheter et de partager mugs, t-shirts et carnets à son effigie, le parcours de Ruth Bader Ginsburg aurait été bien différent si elle n'avait pas croisé la route de Martin G. Ginsburg (Marty pour les intimes). Progressiste et féministe à une époque où c'était à la femme de suivre l'homme au gré de ses promotions, Marty a fait passer sa carrière (voire sa vie) après la carrière brillante de son épouse. Voilà sans doute pourquoi Betsy West et Julie Cohen ont tenu à donner un coup de projecteur à leurs plus de 50 ans de mariage. Naissances, déménagements, promotions, ascension, cancers... RBG ne laisse rien de côté et présente les Ginsburg pour ce qu'ils étaient : un #PowerCouple moderne dont l'Amérique elle-même ne savait pas qu'elle avait besoin.
Bonus : c'est extrêmement drôle ! Des petites phrases de Marty au sketchs du Saturday Night Live consacrés à Ruth Bader Ginsburg en passant par les confessions de ses enfants ainsi que de ses anciennes camarades de classe, RBG nous ferait presque oublier le sérieux de son personnage principal ou le fait que cela fasse plus de 25 ans qu'elle siège à la Coup suprême !