Shirley Henderson n'a jamais fait son âge. Cela fait 25 ans que nous la croisons au cinéma et elle semble ne pas changer. Et elle a beau être un visage familier, qui connaît vraiment son nom? Au mieux, si vous montrez sa photo, tout le monde vous répondra Mimi Geignarde. Et là encore, on revient à son âge. Née en 1965, Shirley Henderson -celle dont on ne connaît jamais le nom- avait 37 ans quand elle a commencé à jouer le personnage de Mimi Geignarde (Moaning Myrtle) dans la série Harry Potter (pour le deuxième épisode et 40 ans pour le quatrième épisode). Personnage censé avoir 14 ans. Elle est ainsi la comédienne la plus âgée de tous ceux qui ont incarné un élève de Poudlard.
Combien de comédienne peuvent sans trop forcer jouer une gamine adolescente alors qu'on approche de la quarantaine? Shirley Henderson le peut pour deux raisons: sa petite taille et sa voix enfantine. Ce qui ne l'empêche pas de jouer des rôles adultes. Et pas des moindres. On peut ainsi la voir chez Danny Boyle dans le culte Trainspotting, chez Mike Leigh dans le burlesque Topsy-Turvy, chez Michael Winterbottom dans le rock 24 Hour Party People (elle a tourné trois films avec lui). Mais surtout et avant tout, elle est Jude, l'une des amies de Bridget Jones. Second-rôle aux petits oignons comme savent les cuisiner les britanniques.
Et d'ailleurs, en bonne comédienne britannique, des classiques sur les planches aux téléfilms policiers, elle a tout joué. "Il est évident que je n'aurai pas d'Oscars à 30 ans. J'ai passé la date." D'origine écossaise, toujours avec cette pointe d'humour un peu sarcastique, elle a souvent balayé ses défauts avec dérision. "Je ne sais pas ce que j'aurai fait si j'avais été jolie tout le temps". Ajoutant aussi : "Je n'aurai jamais les rôles d'une femme grande, blonde et glamour parce que je ne suis pas grande, blonde ni glamour. Je suis plus la "petite", la "dérangeante" parce que je ressemble à ça."
Ça ne l'a pas empêché d'être respectée dans le milieu et même d'être récompensée ou nommée pour des prix grâce à son talent et son éclectisme. Car elle peut être fantaisiste, infantile, inquiétante, intrigante, sorcière maléfique ou marraine bienveillante, séduisante ou repoussante, asociale ou amicale. A partir de 2002, alors qu'elle est Mimi ou Jude pour le grand public, elle enchaîne des films aussi différents et appréciés que le sensible Wilbur Wants to Kill Himself de Lone Scherfig, le drame historique Villa des Roses de Frank Van Passel, la comédie romantique American Cousins de Don Coutts ou la comédie policière Intermission de John Crowley...
En 2005, elle reçoit plusieurs prix pour son rôle dans Frozen de Juliet McKoen. Dans ce thriller psychologique, où son personnage est hanté par la disparition de sa sœur aînée, elle impose en force sa fragilité apparente, flirtant avec la folie.
Mais comme il faut bien vivre, Shirley Henderson est aussi présente dans de nombreuses comédies ou en second rôle dans des films "de festivals" anglo-saxons (La dernière piste de Kelly Reichardt, Miss Pettigrew de Bharat Nalluri, Anna Karenine de Joe Wright...), et reprend ses rôles dans les suites de Bridget Jones et Trainspotting. Mais sa qualité de jeu et son physique si singulier en font aussi un choix évident pour des cinéastes plus affirmés. Ainsi, on la voit "jubiler" d'être dans des films aussi peu incorrects et peu convenus que ceux de Sofia Coppola (Marie-Antoinette, en compétition à Cannes), Todd Solondz (Life During Wartime) ou Matteo Garrone (Tale of Tales, en compétition à Cannes).
Cette fois-ci, elle revient à Cannes avec un film sud-coréen et hollywoodien. Elle est du casting très étoilé d'Okja, de Bong Joon-ho. Comme quoi on peut être Mimi Geignarde chialant dans les toilettes du collège et se métamorphoser en papillon s'envolant vers les marches cannoises.