Sundance 2014 : le cinéma indépendant à la croisée des chemins

Posté par vincy, le 16 janvier 2014

robert redford au festival de sundance

Il y a deux ans, Sundance présentait Margin Call de J.C. Chandor en avant-première mondiale. Chandor a ensuite enrôlé Robert Redford pour être l'unique acteur de All is Lost. Robert Redford, 77 ans, va savoir cet après midi s'il reçoit une deuxième nomination à l'Oscar du meilleur acteur pour ce film, 40 ans après celle qu'il a obtenu pour L'Arnaque. Mais aujourd'hui, son esprit est ailleurs. Son festival, Sundance, ouvre sa 30e édition. En fanfare : 121 films présentés, et un statut de manifestation majeure dans l'agenda de l'industrie cinématographique.

Robert Redford est devenu au fil du temps le grand défenseur du cinéma indépendant, même si ce genre a varié avec les années. Les studios hollywoodiens s'en sont mêlés, investissant dans des productions "art et essai" à travers des filiales spécifiques, puisant dans la liste des cinéastes révélés à Sundance pour leur confier des projets plus "ambitieux".

Au fil des entretiens donnés ces jours-ci, l'acteur-réalisateur affirme que cette trentième édition revient à ses origines. "On revient un petit peu à nos racines, puisqu'on retrouve des films indépendants très différents, et même encore plus différents que ce que nous avons pu voir ces dernières années." Mais c'est aussi l'une des rares éditions où de nombreux cinéastes déjà sélectionnés les années précédentes vont revenir, tels de fidèles abonnés à l'événement. Leur intérêt n'est pas de se retrouver au palmarès (ils sont souvent hors-compétition) : il est beaucoup plus pragmatique.

De Sundance aux Oscars

Sundance, festival reconnu, est avant tout un marché. Redford ne l'ignore pas : il faut séduire les acheteurs (distributeurs). La crise de 2008-2011 semble passée. Dans un contexte où les blockbusters et autres tentpoles sont de plus en plus risqués financièrement, les studios n'hésitent plus à financer des films moins coûteux mais souvent plus rentables. Et le label Sundance est un atout : un film primé au Festival accentue son buzz en passant par les cases Berlin ou Cannes. Le box office de films comme Precious, Les bêtes du sud sauvage ou Fruitvale Station confirment les choix du Festival. Les nominations aux Oscars consacrent définitivement, un an plus tard, ces productions tournées à l'écart du système.

Cette année, les professionnels sont optimistes : avec beaucoup de films de genre, la programmation de Sundance affiche un profil plus grand public, de ceux qui séduisaient les Miramax (années 90) ou Focus (années 2000).

Mais là aussi le jeu a changé. Un Lionsgate a désormais les moyens de produire une franchise comme Hunger Games ou un hit comme Insaisissables et s'invite ainsi dans le Top 5 des distributeurs américains en répliquant le modèle des studios. Weinstein Company, Fox Searchlight, Focus Features, le nouveau venus CBS Films et Sony Classics, leaders du cinéma indépendant, pèsent autant que la Paramount au box office nord-américain. Et leur poids pourrait encore croître avec leurs stratégies de plus en plus axées sur des films fédérateurs.

House of Cards

Mauvaise nouvelle pour les cinéastes qui s'aventurent hors des sentiers battus? Pas forcément. Le jeu a changé. Désormais les "deals" se négocient pour des sorties en salles mais aussi pour des diffusion sur des plateformes numériques. De nouveaux acquéreurs comme Amazon ou Netflix sont aux aguets, ce qui stimule le marché, de plus en plus fragmenté, pour ne pas dire segmenté. Certains films de Sundance ne seront jamais dans les cinémas, uniquement visibles en vidéo à la demande, avec l'accord des cinéastes. La forte croissance du secteur (télévision connectée inclue), la place prépondérante des réseaux sociaux leur permettent d'atteindre une notoriété, qui aurait été illusoire avec le circuit traditionnel.

La recette idéale n'est pas encore connue. Sundance se transforme en laboratoire où chacun essaie une formule magique : sortie en salles, en VàD, mix des deux... C'est ici que se joue sans doute le modèle économique du cinéma. Cette année sera déterminante pour comprendre comment les "décideurs" choisissent leurs projets, et la manière dont ils vont le diffuser.

La pépinière Sundance était un festival, puis un institut (accompagnement dans l'écriture, la production), et même une télévision. Retour aux sources artistique peut-être, mais économiquement, Sundance devenu davantage un lieu de prospective.

121 films célèbreront les 30 ans de Sundance

Posté par vincy, le 15 janvier 2014

sundance 2014Le festival du cinéma indépendant de Sundance célèbre sa 30e édition à partir du jeudi 16 janvier et jusqu'au 26 janvier. Sundance est devenu le synonyme de cinéma indépendant et de lancement de saison.

Premier grand festival majeur de l'année, les films sélectionnés parcourent ensuite les autres festivals dans des sélections souvent parallèles, que ce soit Berlin ou Cannes.

Créé par Robert Redford, Sundance a pour but de montrer la diversité du cinéma mais aussi d'offrir une respiration dans un système dominé par les grands studios hollywoodiens. C'est aussi dans ces montagnes de l'Utah que des cinéastes comme Jim Jarmusch, les frères Coen, Steven Soderbergh, Kevin Smith, David O. Russell, Robert Rodriguez, Todd Solondz, Robe Epstein et Jeffrey Friedman, Neil LaBute, Paul Thomas Anderson, Darren Aronofsky, John Cameron Mitchell, Christopher Nolan, entre autres, ont été révélés et même primés pour la première fois. Des films comme Fruitvale Station, Les bêtes du sud sauvage, Little Miss Sunshine, Take Shelter, Winter's bone ont tous commencé leur carrière à Sundance avant d'être sacrés sur la Croisette en France ou aux Oscars à Los Angeles.

Cette année 121 longs métrages (dont 100 avant-premières mondiales) venus de 37 pays (le cinéma français est toujours faiblement représenté) seront projetés. Une sélection drastique puisque 12 218 films, courts et longs, ont été soumis au comité de sélection.

La compétition USA est composée de 16 films:
Camp X-Ray (Peter Sattler) — Cold in July ( Jim Mickle) — Dear White People (Justin Simien) — Fishing Without Nets (Cutter Hodierne) — God's Pocket (John Slattery) — Happy Christmas (Joe Swanberg) — Hellion (Kat Candler) — Infinitely Polar Bear (Maya Forbes) — Jamie Marks is Dead (Carter Smith) — Kumiko, the Treasure Hunter (David Zellner) — Life After Beth (Jeff Baena) — Low Down (Jeff Preiss) — The Skeleton Twins (Craig Johnson) — The Sleepwalker (Mona Fastvold) — Song One (Kate Barker-Froyland) — Whiplash (Damien Chazelle)

La compétition internationale comporte 12 films:
52 Tuesdays / Australie (Sophie Hyde) — Blind / Norvège (Eskil Vogt) — Difret / Ethiopie (Zeresenay Berhane Mehari) — The Disobedient / Serbie (Mina Djukic) — God Help the Girl / Royaume uni (Stuart Murdoch) — Liar's Dice / Inde (Geetu Mohandas) — Lilting / Royaume uni (Hong Khaou) — Lock Charmer (El cerrajero)/ Argentine (Natalia Smirnoff) — To Kill a Man / Chili (Alejandro Fernández Almendras) — Viktoria / Bulgarie (Maya Vitkova) — Wetlands / Allemagne (David Wnendt) — White Shadow / Italie (Noaz Deshe)

Tous les styles sont représentés. La technologie n'est plus le monopole des grosses productions, ouvrant ainsi le cinéma indépendant à des formes de narration jusque là intouchables faute de moyens. Le cinéma de genre arrive donc en force chez les auteurs.

Sundance réussit surtout à rivaliser avec les grands festivals grâce à la présence de stars. Les comédiens ne manquent jamais à l'appel. Ils défendent même souvent avec ardeur leur choix de jouer hors des sentiers battus. Cette année, les festivaliers croiseront Kristen Stewart, Anne Hathaway, Michael Shannon, Phillip Seymour Hoffman, Aaron Paul, Mark Ruffalo, Kristen Wiig, Ethan Hawke, Kelly Reilly, Chloë Grace Moretz, Michael Fassbender, Michael Pitt, Marisa Tomei, Keira Knightley, Willem Dafoe, Steve Coogan, Selena Gomez, Felicity Huffman, Eva Green, William H. Macy, Billy Crudup, Rachel McAdams, Ben Whishaw, Robin Wright, Gemma Arterton, Anna Kendrick et Ryan Reynolds.