Dans le cadre des avant-premières du Festival L’Autre cinéma d’Arras, le documentariste Jean-Xavier de Lestrade avait fait le déplacement afin de présenter son premier long métrage de fiction, Sur ta joue ennemie (sortie le 3 décembre), en compagnie de son interprète principal, Robinson Stévenin. L’occasion pour lui de rencontrer le public et de s’expliquer sur son envie de passer à quelque chose de radicalement différent après avoir reçu l’Oscar du meilleur documentaire 2002 pour Un coupable idéal. "J’avais l’impression d’être arrivé à maturité", explique-t-il. "Cela aurait été confortable de continuer à faire des documentaires, je n’avais aucun problème de financement. Mais on ne peut avancer que si l’on est en situation d’inconfort. J’étais curieux de me confronter à la fiction, de voir ce que je pouvais donner dans ce genre-là."
Frappé par un fait divers mettant en scène un adolescent ayant abattu ses parents et sa sœur sans raison apparente, il s’interroge sur l’avenir de ce jeune homme, sur ce qui arrivera à sa sortie, à lui et à l’unique survivante du drame. De là est née l’idée de Sur ta joue ennemie qui se déroule treize ans après des faits similaires, à la sortie de prison de l’assassin. "Le film aborde des choses qui me tiennent à cœur comme la complexité de l’être humain ou comment un être ayant commis des actes aussi terribles peut retrouver un visage humain", souligne-t-il. "Je voulais obliger le spectateur à aller dans cette zone-là, à faire ce cheminement personnel. D’où la nécessité de ne surtout pas expliquer le geste du personnage, ce qui serait rassurant. En réalité, la plupart des actes ne sont pas motivés. Les gens commettent souvent des actes qui ne leur ressemblent pas. Cela renvoie à notre propre mystère. Au fait que la limite entre une personne "normale" et une personne qui commet des actes irréparables est ténue."
Pour raconter cette histoire, Jean-Xavier de Lestrade a fait appel au scénariste Gilles Taurand qui a été lui-même professeur dans un établissement pour jeunes en difficulté et bénéficie ainsi d’une certaine expérience en terme de problématiques adolescentes. "On a passé plusieurs mois à parler des personnages, de qui pouvait être ce gamin, de quel serait le parcours de cette fille… Ca a vraiment été la plus grosse partie du travail", se souvient le réalisateur. "L’histoire, elle, a été écrite rapidement. Moi, je cherchais des pivots dramatiques classiques, Gilles était plus dans une démarche d’épure. Il ne voulait pas surdramatiser des scènes qui étaient déjà très fortes par elles-mêmes et a tiré le film vers ce style."