Durant cette 15e édition du Arras Film Festival, la compétition européenne a mis en avant des sujets forts, très narratifs, dans lesquels les aspects plus formels restent souvent au second plan, discrets et efficaces.
Il y avait là plusieurs candidats solides pour un grand prix : Aces d'Alfonso Zarauza (Espagne) qui observe les effets de la crise à travers le regard d'une mère célibataire qui devient manœuvre dans le bâtiment ; Quod erat demonstrandum d'Andrei Gruzsniczki (Roumanie) sur les exactions du régime Ceausescu ; Monument to Michael Jackson de Darko Lungulov (Serbie) qui dresse un portrait pessimiste et ironique sur la Serbie actuelle...
Atlas d'or pour Fair play
C'est finalement Fair Play d'Andrea Sedlackova (République tchèque) qui a remporté l'Atlas d'or décerné par Solveig Anspach et ses jurés (Jean-Luc gaget, Sophie Guillemin, Anamaria Marinca et Miel van Hoogenbemt). L'histoire d'une jeune athlète dopée à son insu par les autorités de son pays et dont la mère, sympathisante de l'opposition au régime, se révèle prête à tout pour permettre à sa fille d'émigrer.
Basé sur une construction dramatique assez classique, le film fonctionne sur le plan narratif tout en restant assez convenu dans son rythme, son montage et ses rebondissements. Exactement le genre d'objet qui, à défaut de déchaîner les passions cinématographiques, est suffisamment consensuel pour séduire un vaste public.
Triplé gagnant pour The fool
The fool, l'autre grand gagnant de la compétition, aurait pu faire office de favori tant sa mise en scène sèche, son rythme âpre, son sujet brûlant en faisait le candidat idéal à la récompense suprême.
Au lieu de quoi, il décroche l'Atlas d'argent de la mise en scène, le prix du public et le prix du jury jeunes. Difficile de faire plus unanime. Ce troisième long métrage de Youri Bykov (The major) est une tragédie implacable sur la corruption des élites et le sort cruel réservé à ceux qui tentent de s'opposer au système. Malgré sa véhémence un peu appuyée, c'est une œuvre dense, à la noirceur vertigineuse, qui propose sur la compromission et le cynisme une réflexion dénuée de toute complaisance.
Comme dans The major, ce qui intéresse Youri Bykov, c'est d'observer celui qui ose s'élever contre tous et de le confronter à ses propres contradictions. Les chevaliers blancs, chez le réalisateur russe, ne sont guère récompensés de leur intégrité.
Quod erat demonstrandum et Pause en embuscade
Enfin, deux autres films sont mentionnés au palmarès : le roumain Quod erat demonstrandum qui a convaincu le jury critique avec son noir et blanc élégant et sa lenteur étudiée de thriller totalement intériorisé.
Un film au fond assez classique, pour ne pas dire académique, qui ne prend guère de risques, tout en racontant une histoire tristement convenue de dictature politique. Et puis l'étonnante comédie sentimentale Pause, pleine d'humour et de musique country sensible, qui a reçu une mention spéciale.
Si les palmarès sont parfois décevants, celui de cette 15e édition s'avère au contraire équilibré et évident. Il était impossible de passer à côté de The fool, et son triplé final est à l'image de sa domination sur la compétition. La grande homogénéité du reste des films, en termes de propositions et de style, a permis au jury professionnel de jouir par ailleurs d'une grande souplesse pour les autres prix. Son choix témoigne d'une envie d'éclectisme mais aussi d'exigence, parfaitement à l'image de l'édition 2015.
Le palmarès complet
Atlas d’Or
Fair Play d'Andrea Sedlackova (République tchèque)
Atlas d’Argent de la mise en scène
The fool de Youri Bykov (Russie)
Prix du public
The fool de Youri Bykov (Russie)
Prix Regards jeunes/ région Nord-Pas de Calais
The fool de Youri Bykov (Russie)
Prix de la Critique
Quod erat demonstrandum d'Andrei Gruzsniczki (Roumanie)
Mention spéciale
Pause de Mathieu Urfer (Suisse)
Prix Arrasdays
Free till dawn de Iris Elezi et Thomas Logoreci (Albanie)
The tree de Hafsteinn Gunnar Sigur?sson (Islande)