Trois questions à Im Kwon-Taek

Posté par MpM, le 17 mars 2008

Im Kwon-Taek
Ecran Noir : Vous avez réalisé 100 films en 46 ans. Quel est votre secret ?

Im Kwon-Taek : Ca s’est fait sans que je m’en rende compte… 50 d’entre eux ont été fait au début de ma carrière, sur une dizaine d’années. Ils n’avaient rien à avoir avec la description de la vie et de la société, mais étaient des œuvres purement commerciales. Des séries B et même des séries C ! Lorsque l’on me dit que j’ai réalisé 100 films, j’en ai très honte, car il y en a la moitié que j’aurais voulu ne jamais tourner !

EN : Parlez nous de l'art du chant coréen, le pansori, qui est au coeur de votre dernier film Beyond the years. En quoi cet art vous a-t-il inspiré ?

IKT : Il existe deux sortes de chant en Corée : un chant classique, académique, plutôt destiné aux nobles, et le pansori qui est plus populaire. Aujourd’hui, le pansori est classé patrimoine culturel à l’UNESCO. Il est donc mondialement reconnu comme un trésor. C’est un chant caractéristique de la musique coréenne : il est très difficile à apprendre mais également à écouter. C’est compliqué de percevoir la force, l’énergie mais aussi l’énergie que procure ce chant. On dit des gens qui sont capables de l’apprécier qu’ils ont des "oreilles sopranos" ! Autrefois le pansori comportait douze chants, chacun durant de 4 à 5 h, comme un opéra. Aujourd’hui il n’en subsiste que cinq. Pour le film, nous avons choisi les extraits les plus importants de contes connus, comme notamment Le Chant de la fidèle Chunhyang. Mon défi était de montrer que la musique peut toucher d’une manière autre qu’auditive. Je voulais ainsi transmettre et partager ce trésor avec le monde entier.

EN : Dans vos films, on retrouve souvent des personnages qui ne vivent que pour l'art, notamment dans Ivre de femmes et de peinture et dans Beyond the years. Est-ce une situation qui vous est personnelle ou tout simplement qui vous fascine ?

IKT : J’aspire à être comme ces artistes qui ne vivent que pour leur art... C’est peut-être parce que je n’y arrive pas moi-même que je les mets dans mes films.

Lire la suite de l'interview

LE visage du cinéma japonais

Posté par MpM, le 17 mars 2008

Koji YakushoMême si son nom ne vous dit absolument rien, vous connaissez forcément Kôji Yashuko, grand brun ténébreux au visage comme taillé à la serpe et au regard insondable, pour l'avoir vu jouer chez les plus grands. L'ancien détenu ayant apprivoisé une anguille dans la palme d'or éponyme de Shohei Imamura ? C'est lui. Le chauffeur de bus traumatisé par une prise d'otage dans Eureka de Shinji Aoyama ? Encore lui. Le père d'une adolescente sourde et muette dans Babel d'Alejandro Inarritu ? Toujours lui. Et l'on ne vous parle pas de Mémoires d'une geisha de Rob Marshall ou de Shall we dance ? de Masayuki Suo qui l'a propulsé sur le devant de la scène en 1996...

Bien entendu, cet acteur éclectique et trouble est également connu pour être l'acteur fétiche de Kiyoshi Kurosawa avec lequel il a tourné presque une dizaine de fois depuis 1997 : Cure, Charisma, Kairo, Doppelganger... il promène sa silhouette ambigüe et inquiétante dans les plus grands succès du réalisateur. Et même lorsque le film est raté, lui conserve son élégance lointaine, son mystère nonchalant.

Voilà sans doute pourquoi le festival du film asiatique de Deauville avait-il décidé cette année de lui rendre hommage. Une demi-douzaine de ses films étaient projetés au cours de la manifestation, et une courte cérémonie lui a été consacrée, au cours de laquelle il a déclaré qu'un tel honneur lui donnait du courage pour ses prochains films. C'était d'autant plus gentil de sa part que contrairement au compositeur Joe Hisaichi, dont le panégyrique a été réalisé par Alexandre Desplats lui-même, ou au réalisateur Jia Zhang-Ke, honoré par Jan Kounen, aucune personnalité n'était là pour lui servir un petit compliment bien senti.