L’histoire : Un séminaire en Auvergne, et tout bascule pour Paul Neville, qui ne quitte jamais Paris. Son mariage vacille à la faveur d'une rencontre inattendue avec sa voisine de chambre. Le jour où les amants décident de tout quitter pour vivre leur passion, la jeune femme disparaît.
Notre avis : Qu’on se le dise : le centre du monde est le plateau de Millevaches, avec ses grands espaces sauvages hors du monde. Le magma qui sommeille sous l’écorce terrestre, des forces telluriques, des matières en fusion, il y a de quoi donner le vertige à un homme… Si Pierre Vinour pourrait être un ambassadeur idéal de sa région préférée, il est aussi et surtout un cinéaste méconnu et rare. Son second long-métrage Magma arrive maintenant sept ans après Supernova [expérience #1], avec entre-temps plusieurs courts-métrages. L'expérience Magma est à la fois un voyage en forme de retour aux sources et une fuite en avant troublante.
On découvre le personnage de Paul Neville dans une voiture : un paysage montagneux, un hôtel et sa chambre. Il est ingénieur de système sophistiqué de télésurveillance, il vient de Paris avec d’autres collègues pour un séminaire où ils espèrent remporter un important marché lucratif pour leur société. Entre deux réunions on le découvre qui reste seul, et qui regarde et communique avec sa famille par le biais de son ordinateur.
Le film Magma bouillonne d’une énergie souterraine, chaque séquence semble normale avant qu’un plan ou qu’une sonorité plus anormale arrive à semer le doute. On ressent bien qu’il y a un danger possible, et que la réalité n’est pas ce qu’elle paraît. On passe d’un huis-clos oppressant à une rencontre amoureuse, on a une respiration au milieu d’un paysage formidable avant un suspens policier. Le spectateur découvre la fragilité des liens d’une famille puis un autre trouble… Le réalisateur déplace son personnage de Paris à une immersion au cœur de la nature. Pierre Vinour nous montre beaucoup de gros plans sur les visages, les regards : on perçoit ce qu’ils ne disent pas. La musique pleine de dissonances (composée par Zone Libre, avec Serge Teyssot-Gay guitariste de Noir Désir) vient perturber les apparences. Magma permet plusieurs interprétations qui éclaireront une histoire dramatique.
Tour comme Supernova [expérience #1] offrait un rôle extraordinaire à Philippe Nahon en politicien qui ayant frôlé la mort est frustré de ne pas pouvoir partager ce bouleversement avec ceux qu’il aime, cette nouvelle expérience repose sur une part d’intime des acteurs. Dans Magma, Mehdi Nebbou dissimule et dévoile ses tourments, Arly Jover est à la fois une inconnue inaccessible et en même temps une femme qui se dévoile, Natacha Régnier incarne l’épouse délaissée et la maman rayonnante (avec sa vraie fille à l’écran), et la nature si particulière de cet endroit d’Auvergne joue à être ambivalent. Pierre Vinour semble nous entrainer dans différentes directions alors qu’il s’agit d’une perte de repères. Le film est une expérience sensorielle qui mérite le détour, encore plus que la curiosité. Insolite et salutaire pour le cinéma.