Le réalisateur de La désintégration évoque la déconstruction de certains jeunes

Posté par vincy, le 27 mars 2012

C'est passé relativement inaperçu durant le "feuilleton" de la semaine dernière qui a suivi la tragédie au collège juif Ozar Hatorah de Toulouse. Le bruit des politiques et la fureur médiatique ont réduit au silence les voix extérieures aux événements. Philippe Faucon, réalisateur de La désintégration, film sorti en février avec une critique élogieuse, a rappelé que son film évoquait justement ces jeunes conduits sur un "itinéraire de déconstruction." Dans sa critique, Ecran Noir expliquait : "La manière dont Philippe Faucon décortique le mécanisme qui transforme un jeune ouvert et sympathique en intégriste tenté par le terrorisme est édifiante. Il ne blâme personne en particulier mais additionne implacablement les causes : racisme ordinaire, frustration, vulnérabilité sociale..."

Le cinéaste, interviewé par l'AFP, indiquait : "On en parle très peu ou pas du tout, ou alors sous forme de stigmatisation. On ne sait plus parler à ces jeunes gens, il y a comme une panne du discours politique".

En réalisant son film, Faucon avait en tête le parcours de Zacarias Moussaoui, étudiant français condamné à perpétuité pour avoir été complice des attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York. "J’ai fait beaucoup de rencontres avec des jeunes qui tous avaient été confrontés à des difficultés du même ordre que celles que connaît Ali dans le film ; dont quelques uns avaient été tentés par des engagements du même type, en étaient revenus, etc ; et aussi avec des profs, des éducateurs, des policiers, des intervenants pénitentiaires. Tout cela dans l’intention de parvenir à faire exister de vrais personnages complexes et denses" explique le cinéaste. Il s'est aussi aidé du journaliste Mohamed Sifaoui, connu pour ses enquêtes sur le milieu islamistes. Il a également travaillé avec des sociologues.

Il en retient que ces jeunes "ont un sentiment de mise à l'écart, de ne pas appartenir complètement et réellement à la société dans laquelle ils ont grandi, au même titre que les autres." "Sur certains sujets fragiles, ça peut avoir des conséquences dramatiques. Le rejet de la République, les rejetant vers l'islamisme radical, par le truchement d'un discours violent ou vers l'explosion sociale comme en novembre 2005". Selon lui, "l'entourage familial est déconsidéré aux yeux de certains d'entre eux, les grands frères, les parents".

Evidemment cela n'explique tout, il existe aussi une "dimension pathologique" dans des cas comme celui de Mohamed Merah, l'auteur des 7 meutres de Toulouse et Montauban. Tout cela reste "ultra-minoritaire, ultra-marginal" rappelle-t-il. "Mais ça n'empêche pas de chercher à comprendre pourquoi ça arrive". "Quand on déserte ces terrains, on laisse un vide que d'autres savent occuper".

La Désintégration raconte l'histoire de trois jeunes en quête de réponses, qui font la rencontre de Djamel, charismatique et attentif. Peu à peu, les trois jeunes se laissent convaincre par les discours de plus en plus radicaux de leur mentor et se laissent endoctrinés par ce prêcheur salafiste qui va les conduire au terrorisme. Toute ressemblance avec des faits et des personnes ayant vraiment existé...

Le film est encore diffusé dans une quinzaine de villes en France. Il a attiré un peu moins de 50 000 spectateurs depuis sa sortie.

Cinélatino 2012 : La vida util, réussite exemplaire du programme Cinéma en construction

Posté par MpM, le 27 mars 2012

Avant de sortir sur les écrans ce mercredi 28 mars, La vida util de Federico Veiroj était présenté en avant-première au Festival Cinélatino de Toulouse en présence du réalisateur et de l'acteur principal. Un retour aux sources pour ce film uruguayen qui a bénéficié du programme Cinéma en construction créé en 2002 par le Festival toulousain en association avec celui de San Sebastian pour répondre à la demande de jeunes cinéastes et producteurs latino-américains.

Cinéma en construction permet en effet à des longs métrages arrivés au stade de la post-production, mais manquant de moyens, de compléter leur financement et de voir le jour. En dix ans, ce sont plus de cent films qui ont ainsi été soutenus, parmi lesquels Tony Manero de Pablo Larrain (ensuite remarqué à Cannes),  Historias minimas de Carlos Sorin et donc La vida util de Federico Veiroj.

Ce dernier raconte l'histoire à la fois cocasse et touchante de Jorge, un passionné de cinéma qui travaille à la cinémathèque de Montevideo depuis 25 ans. et dont toute l'existence est remise en cause par la mauvaise santé économique de l'institution. Dans un noir et blanc très atemporel, le film raconte par petites touches le quotidien de Jorge (la présentation des films, la réception des copies, l'émission de radio consacrée au cinéma...) dans lequel surgit parfois la poésie de l'absurde ou l'ironie tragique du destin.

Le format très court du film lui permet de jouer avec un rythme volontairement lent et un scénario plutôt dépouillé qui privilégie l'observation à l'action. Des plus petits détails surgit ainsi le portrait d'un homme dévoué au 7e art, qui a mis sa propre vie entre parenthèse pour mieux se consacrer à ce véritable sacerdoce. L'humour qui émane du personnage n'est jamais moqueur et propose au contraire une mise en abyme tendre et respectueuse, tant Jorge se comporte au quotidien comme un des personnages de cinéma qu'il affectionne tant.

Pensé comme une déclaration d'amour à ceux qui œuvrent dans l'ombre pour faire découvrir et partager le cinéma dans toute sa diversité, La vida util se déguste comme tel, avec une vraie reconnaissance et pas mal de plaisir.