Venise 2012 : The Master, entre folie et emprise, un nouveau coup de maître, ou presque, de P.T. Anderson

Posté par kristofy, le 1 septembre 2012

La nouvelle oeuvre de Paul Thomas Anderson était le film le plus attendu de ce Festival de Venise. Il avait pour lui déjà un effet d’attente (programmée ?) énorme : sa présence à Venise avait été annoncée d’abord par les américains mais il était absent de la compétition officielle annoncée lors de la conférence de presse, puis il a été confirmé comme étant le film surprise de la compétition.Diffusé sur pellicule 70 mm, comme au bon vieux temps.

Le réalisateur est venu accompagné de ses deux acteurs vedettes Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman : The Master était l’évènement attendu du week-end, avant d'être présenté à Toronto puis de sorti dans les salles américaines le 14 septembre. En France, on ne le verra pas avant le 9 janvier 2013. Il est aussi l'un des grands favoris pour les prochains Oscars.

Les premières sensations

Ecran noir puis le titre s’affiche en blanc. On se retrouve en mer, on entend des violons. Apparaît alors la moitié du visage d’un soldat… Toute la première partie, jusqu’à la rencontre des deux personnages principaux est remarquable. Au sortir de la seconde guerre mondiale, un américain qui a servi l’armée sur un bateau contre l'ennemi japonnais essaie de se réadapter comme il peut, tout en s’étourdissant d’un alcool artisanal qu’il fait lui-même. Après plusieurs mésaventures il va trouver refuge sur un bateau en route pour New-York à bord duquel il va rencontrer un homme charismatique, auteur d'un livre. Celui-ci va le questionner tout en enregistrant leurs conversations…  Entre Joaquin Phoenix déboussolé et Philip Seymour Hoffman manipulateur va naître une amitié qui va muer vers une emprise psychologique... On pourrait imaginer une histoire d'amour passionnelle et refoulée entre les deux hommes, mais le film se repose sur une solide documentation autour d'un personnage réel.

Le personnage du Maître a dans le film un nom de fiction mais on y reconnaît le véritable Ron Hubbard fondateur de la scientologie, mouvement devenu religion aux Etats-Unis, mais catégorisé en France et en Allemagne comme une secte. Plusieurs séquences montrent différents jeux de paroles (question-réponse à répétition, simulacre d’hypnose…) qui nous sont en fait inconnus, et dont les mécanismes ne sont familiers qu' à un public connaissant les techniques de la secte d'Hubbard. Il s’agit en fait de la ‘dianétique’ qui se vante de soulager des problèmes émotionnels, et même de se souvenir de vies antérieures…

En conséquence le film The Master perd de beaucoup de son intérêt pour la majorité des spectateurs qui n’ont pas toutes les clés pour saisir la portée des pratiques de ce maître (Philip Seymour Hoffman) dont devient dépendant (Joaquin Phoenix). Le réalisateur place le public dans une position d’observateur d’une évolution sur plusieurs années (de la préparation d’un nouveau livre à la première ‘église’) sans pour autant  nous alerter d'un éventuel danger que ces théories peuvent avoir sur un individu.

Au-delà de la scientologie

Toutefois si le sujet de The Master concerne le fondateur de la scientologie, le film, complexe et d'une grande beauté, se concentre beaucoup plus sur le personnage de Joaquin Phoenix et ses dérèglements. La névrose est le moteur des films du cinéaste qui adore filmer les pétages de plombs et sortir l'animal qui est en l'humain, notamment au contact de la morale ou d'un Dieu (argent, sexe, pétrole, télévision, peu importe...). Ici Phoenix, absent des écrans depuis quatre années, livre une performance mémorable, qu’il s’agisse de son regard perdu qui trahit ses troubles intérieurs ou de ses nombreux accès de violence, qui pourrait lui valoir un prix d’interprétation.

The Master, aussi imprévisible que son personnage central, aussi maîtrisé que le mentor qui lui fait face, fait ressentir quelques longueurs dans sa durée de 2h17 (et quelques séquences inutiles, comme cette course dans le désert) mais le réalisateur Paul Thomas Anderson possède à l'évidence un sens de la mise en scène brillant - sans égaler celui de There will be blood : il n'est ni aussi explosif, ni aussi passionnant.

La compétition pour le Lion d’or de Venise reste encore ouverte…

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Bande annonce américaine

Venise 2012 : Bad 25, l’hommage de Spike Lee à Michael Jackson

Posté par kristofy, le 1 septembre 2012

Happy Birthday Michael Jackson ! Si le "king of pop" n’avait pas été retrouvé mort le 25 juin 2009, il aurait eu il y a quelques jours 54 ans (il est né le 29 août 1958), mais ses fans pourront fêter le 25ème anniversaire de son disque Bad (45 millions d'exemplaires vendus), sorti le 31 août 1987.

Bad 25 c’est aussi le titre du documentaire réalisé par Spike Lee, présenté au Festival de Venise hors-compétition. Le cinéaste revient sur la genèse de l’enregistrement de cet album mythique.

Spike Lee s’est déclaré grand fan de MJ : «Ces dernières années les médias se sont intéressés à Michael Jackson pour divers motifs sauf sa musique, mon film se concentre sur la musique de Bad. Le film est une confirmation de combien il travaillait dur pour atteindre le meilleur. Quand j’ai vu petit les Jackson’s 5 à la télévision je voulais être Michael, j’ai grandi avec Michael Jackson.»

Contenus inédits

Le documentaire s’ouvre avec plusieurs images d’archives remontant à 1986, au moment où l’histoire de Bad va commencer. A cette époque Michael Jackson est l’artiste qui a le plus vendu de disques au monde avec son précédent album Thriller : après un tel succès quel genre de disque enregistrer ? On découvrira un Michael Jackson perfectionniste et "performer" sachant réunir autour de lui les meilleurs talents, tout en essayant de se renouveler : depuis Thriller, Madonna et Prince sont aux sommets des charts.

Spike Lee a eu accès a du contenu audio et vidéo inédit ; il a interviewé une quarantaine de collaborateurs de la star - surtout ceux qui ont participé à l’enregistrement du disque (batteur, pianiste, ingénieur du son…) ou à la réalisation des clips (réalisateur, actrice, chorégraphes…). On découvre les coulisses de la réalisation du clip Bad par Martin Scorcese (avec l’acteur Wesley Snippes alors débutant), l’enregistrement de I Just Can’t Stop Lovin’ You en duo avec Siedah Garrett, la collaboration avec Stevie Wonder pour Just Good Friends, et bien sûr de nombreuses interventions du producteur Quincy Jones. On y apprend quelques anecdotes amusantes : pourquoi l’actrice du clip Liberian Girl n’a pas embrassé Michael, la signification des paroles "are you ok Annie ?" dans la chanson Smooth Criminal

Stars invitées inutiles

Le film est quelque peu parasité par des interventions de chanteurs contemporains (Kanye West, Mariah Carey, Cee Lo Green, et même Justin Bieber…) dont la présence est plus que regrettable tellement ils n’ont rien d’intéressant à dire; pire, le choix n’est justifié en rien si ce n’est qu’ils ont été imposés là (il ne s’agit que d’artistes liés à Sony Music, qui produit ce film). Le documentaire est presque exclusivement consacré à Bad (l’enregistrement du disque, les clips, la tournée de concert ensuite) et rien ne concerne la période d’après sauf une longue séquence où ses proches évoquent sa mort avec les larmes aux yeux. Séquence émotion, comme disait l'autre... Bad 25 se termine Man In The Mirror interprété par la star au Wembley Stadium.

Pour l’occasion cet album sera re-édité le 18 septembre sous le titre Bad 25 sous plusieurs formats, dont un coffret 3cd + 1dvd avec des remix et le concert du Wembley Stadium du 16 juillet 1988.

Avec la présentation de ce film Bad 25, Spike Lee a reçu du Festival de Venise le prix Jaeger leCoultre du Glory to the Filmmaker Award 2012. Il avait auparavant déjà travaillé avec Michael Jackson comme réalisateur du clip de la chanson controversé They Don't Care About Us (1996), dont il existe deux versions (une en prison et une au Brésil).