Elle fut Emma Peel "forever". Dans la série "Chapeau melon et bottes de cuir", elle était la partenaire parfaite pour Patrick Macnee. Elle était à ses côtés durant deux saisons (4 et 5), mais on ne retient que celles-ci. Dame Diana Rigg s'est éteinte à l'âge de 82 ans, mais elle aura contribué à incarner la femme moderne des sixties, celle qui humait l'air du swinging London avec une garde-robe cuir et pop. Surtout elle a donné ses lettres de noblesses à la femme d'action, capable de tenir n'importe quel arme ou de manier l'art martial, mettant K.O. les hommes.
Comédienne de théâtre, passant de Brecht à Shakespeare, du théâtre privé à la Royal Shakespeare Company, de Racine à Molière, de Sondheim à Almodovar (une version de Tout sur ma mère), elle négligea sa carrière cinématographique. Finalement c'est le petit écran qui fut pour elle assez royal. Pas seulement avec Chapeau melon, où taquine, coquine, séductrice, et libre, elle imposa un personnage d'anglaise très novateur pour l'époque. Elle fut aussi Mme Davers dans une version TV de Rebecca, Hedda Habler, et bien entendu Lady Olenna Tyrell durant 18 épisodes de Game of Thrones.
Au cinéma, elle fut moins sollicitée. Elle est Helena dans Songe d'une nuit d'été de Peter Hall à l'âge de 20 ans. Elle donna la réplique à Oliver Reed dans Assassinats en tous genres, à Charlton Heston dans Jules César, à Georges C. Scott dans L'Hôpital de Arthur Hiller, ... Sa filmographie très modeste, qui passe par La Grande aventure des Muppets, Heidi et des mélos moyens comme Un Anglais sous les tropiques et Le Voile des illusions, est sauvée par sa présence dans un James Bond, Au service secret de Sa Majesté, 007 de transition avec George Lazenby (unique aventure avec l'Australien). Cet épisode de la franchise est d'autant plus particulier que Rigg incarne sans aucun doute la plus classe des James Bond Girl, une comtesse italienne qu'il va épouser, avant que le film ne prenne le virage d'une tragédie. Inoubliable, Rigg insuffle du drame dans un personnage habituellement plus sexué et plus soumis.
On reverra une dernière fois Diana Rigg dans Last Night in Soho d'Edgar Wright, qui se déroule dans les années 1960. Cette décennie fabuleuse à laquelle l'actrice est perpétuellement rattachée.
C'était en 2012 que Benh Zeitlin, à peine 30 ans alors, a été révélé à la planète cinéma avec son premier film Les Bêtes du Sud sauvage. Il se paye un grand chelem de récompenses : Grand Prix au Festival de Sundance, Caméra d'or au Festival de Cannes, Grand Prix au Festival de Deauville doublé aussi du Prix de la Révélation, puis enfin quatre nominations aux Oscars.
Depuis l'annonce de la finalisation de son second film Wendy, celui-ci était très attendu. Présenté à Deauville, après un premier passage à Sundance en janvier, et une sortie américaine en février, il sera dans nos salles le 9 décembre.
Le pitch: Perdue sur une île mystérieuse où l'âge et le temps ne font plus effet, Wendy doit se battre pour sauver sa famille, sa liberté et garder l'esprit jovial de sa jeunesse face au danger mortel de grandir...
Si ce prénom d'une enfant qui voudrait ne plus grandir vous semble familier, il s'agit effectivement d'une adaptation très libre de la mythique histoire de Peter Pan. Après plusieurs films hollywoodiens et spectaculaires comme celui, en 2003, de P. J. Hogan ou, en 2015, de Joe Wright (sans oublier ce Peter Pan adulte en 1991 dans Hook ou la Revanche du capitaine Crochet de Steven Spielberg), c'est une toute autre approche de l'histoire que Zeitlin propose, sans fée Clochette.
C'est justement le personnage de la fillette, Wendy, qui est l'héroïne du récit de Benh Zeitlin.
L'histoire débute de de nos jours. Wendy a deux frères, James et Douglas. Leur mère a un travail prenant dans un restaurant. Ils s'amusent avec innocence à leurs jeux d'enfants. Plusieurs choses font entrevoir la réalité du monde des adultes quand on grandit : une affiche d'un enfant disparu, la maman qui leur dit que "la vie change, les rêves changent" avec une petite amertume... La vie passe et rien ne se produit jamais ? Pas pour Wendy qui ne souhaite pas grandir. La voilà suivie de ses deux frères sur un train, dans une barque à découvrir une île volcanique guidés par Peter (un petit garçon noir) avec d'autres enfants. Leurs jeux dans les arbres et dans l'eau sont de joyeuses aventures, mais il y a aussi un bateau et le danger que représentent des adultes... Grandir semble toujours être une malédiction redoutée, d'autant plus quand on croise un homme ayant eu une main coupée (remplacée par un crochet), véritable menace sur l'innocence.
Evacuer la tristesse
Benh Zeitlin a pris le risque de s'inspirer du mythe de Peter Pan pour nous proposer à sa manière la version contemporaine et naturaliste de Wendy. Certains spectateurs ont été désarçonnés avec ce film d'enfance qui ne s'adresse pas aux enfants. En épousant la morale de l'histoire originelle de J.M. Barrie, il rappelle plutôt aux adultes la part d'enfance qui est en eux. Et tout ceux qui attendent Wendy, après avoir été séduit par Les Bêtes du Sud sauvage devraient être totalement sous le charme. On y retrouve beaucoup d'éléments similaires : une histoire avec le point de vue d'une fillette en premier rôle, une musique symphonique de fanfare semblable, et cette symbolique écologique avec le vivant qu'il faut préserver.
Wendy est autant une aventure fabuleuse qu'un conte onirique. Il serait à ranger entre Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro et Chasseuse de géants de Anders Walter, tant il partage une thématique commune : "ne pas laisser la tristesse nous envahir". Pour cela, il suffit de se laisser emporter par la poésie de Benh Zeitlin.