Séraphine n’est plus un scénario original : rendez à César…

Posté par vincy, le 28 novembre 2010

Flash-back. César 2009. Le prix de la meilleure adaptation revient au grand favori de la cérémonie, Entre les murs, Palme d'or 2008. Celui du scénario original est remis à un outsider, Séraphine, nommé neuf fois au total (le film raflera le César du meilleur film, et un total de 7 César ce soir-là). Martin Provost et Marc Abdelnour vont peut-être devoir rendre leur César du meilleur scénario original car jeudi 25 novembre, le Tribunal de grande instance a condamné pour plagiat le scénariste-réalisateur Martin Provost, ainsi que son producteur.

L'historien Alain Vircondelet, spécialiste de la peintre Séraphine Louis (1864-1942), sujet de sa thèse de doctorat, avait porté plainte, trouvant trop de similitudes avec sa biographie, "Séraphine de Senlis", édité par Albin Michel, qui avait révélé l'existence de cette plasticienne oubliée. Il estimait que le scénario du film étaient "la reproduction servile ou quasi servile" de cet ouvrage publié en 1986, identifiant "35 emprunts".

Certaines phrases, présentes à l'identique dans le livre de M. Vircondelet et dans le scénario de Martin Provost, laissent en effet songeur. Ainsi de ce moment où Séraphine parle de son processus créatif d'essence divine: "C'est comme vous diriez du miel, des liqueurs chaudes". "Il y a quelques phrases regrettables", avait concédé l'aovcat de TS Productions, Maitre Yves-Henri Nédélec, "mais ce n'est pas une contrefaçon de l'oeuvre, car le traitement n'a rien à voir."

Neuf cas précis similaires, parfois au mot près

Mais cela touche aussi des situations : "M. Vircondelet a imaginé Séraphine peignant avec de la terre molle et du sang, une image reprise purement et simplement dans le film: le plagiaire est pris la main dans le sac", donne en exemple Maître Bigot, avocat de l'auteur et de l'éditeur.

Le Tribunal en a relevé neuf. Le jugement fait état de "neuf cas précis pour lesquels, outre la reprise d'éléments biographiques inventés par M. Vircondelet, on note une similitude dans la formulation employée, parfois au mot près, ce qui permet d'exclure la simple réminiscence derrière laquelle se retranchent les défendeurs". "En reproduisant neuf passages de cette oeuvre dans la première version du scénario du film Séraphine sans autorisation préalable, la société TS Productions et M. Martin Provost ont commis des actes de contrefaçon", a-t-elle jugé.

La justice les a condamnés à payer des dommages : 25 000 euros à M. Vircondelet "en réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur" et 25.000 euros à Albin Michel "en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux". L'auteur et l'éditeur recevront aussi 6 000 euros chacun au titre de frais de justice. Enfin, ils devront publier le jugement dans trois médias. C'est toujours moins que les 600 000 euros de dommages et intérêts réclamés par les plaignants, en se basant sur le succès en salles du biopic. Le film avait séduit 850 000 spectateurs.

Seul le scénario est une contrefaction

Le pire était évité puisque les plaignants avaient demandé l'interdiction du film. Mais le Tribunal a considéré que "seule une version du scénario est contrefaisante, et non le film". Ce qui était la crainte des producteurs qui avaient lancé au moment de l'audience : "C'est un procès de censure, on veut la mort du film".

L'audience avait lieu le 14 octobre. Les accusés s'étaient défendus en citant d'autres sources de travail, d'autres livres, et notamment celui de Wilhelm Uhde, le critique d'art qui découvrit Séraphine Louis.

Pour un "mauvais procès" (ce que dénonçait l'avocat des accusés), ça se termine surtout en sale affaire (pour reprendre une expression chère Yolande Moreau, l'interprète de Séraphine).

Séraphine traînée au Tribunal…?!

Posté par vincy, le 19 septembre 2009

820 000 entrées, 7 césar (les plus importants) : Séraphine était le film inattendu de la production française en 2008. Et un an après sa sortie, Alain Vircondelet, historien, accuse les producteurs (TS productions) et les scénaristes (Martin Provost et Marc Abdelnour) d'avoir plagié un de ses ouvrages. Le film ne fait mention d'aucune référence bibliographique (adaptation) dans son générique.

Regrettant d'avoir été "totalement évincés du succès de ce film, alors même que le scénario reproduit à de nombreuses reprises des parties de l'ouvrage dont ils détiennent les droits", l'écrivain et les éditions Albin Michel réclament 600 000 euros de dommages et intérêts. Ils s'aventurent même à demander que l'exploitation du film soit interdite tant en France qu'à l'étranger. Il est actuellement en salles aux Etats-Unis (où il cumule pour le moment 715 000 $ de recettes).

Ce docteur en histoire de l'art et universitaire est un spécialiste reconnu de Séraphine Louis (mais aussi d'Antoine Saint-Exupéry). Selon la dépêche de l'AFP, il a soutenu en 1984 une thèse de doctorat sur cette domestique un peu illuminée devenue peintre autodidacte. En 1986, Albin Michel publie une biographie intitulée "Séraphine de Senlis", un ouvrage qui selon son avocat, Me Christophe Bigot, "révélait pour la première fois la vie publique et secrète de Séraphine de Senlis". Le livre ressort en 2008 quelques mois avant l'arrivée du film dans les salles.

Or cette biographie contient, "outre quelques éléments d'information bien réels, déjà établis par les premiers commentateurs de Séraphine, ceux inédits, recueillis par l'auteur, et enfin des scènes romancées, inventées par l'auteur pour donner corps à l'interprétation de Séraphine, personnage hautement énigmatique". M. Vircondelet et son éditeur estiment que de nombreux passages du long-métrage "sont la reproduction servile" de passages publiés en 1986.

"Il y a quelques phrases regrettables"

TS Productions s'indigne : "Nous contestons expressément l'existence d'une contrefaçon", a réagi leur avocat, Me Yves Henri Nédélec, arguant que les passages litigieux trouvent leur origine "dans des ouvrages antérieurs" (ceux de Jean-Pierre Foucher en 1968 et Wilhelm Uhde en 1949). Les auteurs du film avancent également comme source Françoise Cloarec qui a soutenu en 1984, soit la même année que M. Vircondelet, une thèse sur Séraphine, mais sur le terrain de la psychopathologie clinique.

Certaines phrases, présentes à l'identique dans le livre de M. Vircondelet et dans le scénario de Martin Provost, laissent pourtant songeur. Ainsi de ce moment où Séraphine parle de son processus créatif d'essence divine: "C'est comme vous diriez du miel, des liqueurs chaudes".

"Il y a quelques phrases regrettables", concède Me Nédélec, "mais ce n'est pas une contrefaçon de l'oeuvre, car le traitement n'a rien à voir", assure-t-il. Selon lui, le film s'intéresse "à la relation de l'artiste avec le collectionneur, et à l'homosexualité de Uhde", ce qui n'est pas la préoccupation majeure d'Alain Vircondelet dans son ouvrage.

L'affaire pourrait être tranchée d'ici un à deux ans.