César 2021: un président, une présentatrice, des révélations et des courts métrages

Posté par vincy, le 18 décembre 2020

Ce sera le 12 mars, soit un peu plus tard que d'habitude. La 46e cérémonie des César, aka celle de la résurrection, consacreront un cinéma français qui aura souffert en 2020, avec près de cinq mois d'absence pour cause de confinement des salles.

Roshdy Zem, César du meilleur acteur en 2020, présidera la soirée, tandis que Marina Foïs, jamais récompensée malgré cinq nominations, présentera la soirée, coécrite par Blanche Gardin et Laurent Lafitte. Cette cérémonie - en présentiel dans un lieu à déterminer - devra surtout effacer l'historique, soit celle de 2020 piégée par les polémiques et les scandales.

En 2020, les César ont opéré un reboot: conseil d'administration, gouvernance, règles (le César du public disparaît)...

En attendant, deux pré-listes ont été déjà communiquées: les révélations pour les César du meilleur espoir et les courts métrages candidats.

Révélations 2021 - les Comédiennes :

Noée Abita dans Slalom
Najla Ben Abdallah dans Un fils
Aïcha Ben Miled dans Un divan à Tunis
Nisrin Erradi dans Adam
India Hair dans Poissonsexe
Liv Henneguier dans Douze mille
Annabelle Lengronne dans Filles de joie
Pauline Parigot dans Frères d'arme
Julia Piaton dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
Camille Rutherford dans Felicità
Lauréna Thellier dans K contraire
Anamaria Vartolomei dans Just Kids

Révélations 2021 - les Comédiens :

Abdel Bendaher dans Ibrahim
Lucas Enlander dans Les Apparences
Sandor Funtek dans K contraire
Thomas Guy dans Un vrai bonhomme
Guang Huo dans La Nuit venue
Félix Lefebvre dans Été 85
Nils Othenin-Girard dans Un vrai bonhomme
Jules Porier dans Madre
Bastien Ughetto dans Adieu les cons
Benjamin Voisin dans Été 85
Alexandre Wetter dans Miss
Jean-Pascal Zadi dans Tout simplement noir

Courts métrages :

19
Réalisé par Marina ZIOLKOWSKI
MARS COLONY
Réalisé par Noël FUZELLIER
L'AVENTURE ATOMIQUE
Réalisé par Loïc BARCHÉ
MASSACRE
Réalisé par Maïté SONNET
BAB SEBTA
Réalisé par Randa MAROUFI
MATRIOCHKAS
Réalisé par Bérangère MCNEESE
BALTRINGUE
Réalisé par Josza ANJEMBE
MORTENOL
Réalisé par Julien SILLORAY
BLAKÉ
Réalisé par Vincent FONTANO
OLLA
Réalisé par Ariane LABED
COMMENT FAIRE POUR
Réalisé par Jules FOLLET
QU'IMPORTE SI LES BÊTES MEURENT
Réalisé par Sofia ALAOUI
FELIX IN WONDERLAND
Réalisé par Marie LOSIER
SAPPHIRE CRYSTAL
Réalisé par Virgil VERNIER
HOMESICK
Réalisé par Koya KAMURA
SHAKIRA
Réalisé par Noémie MERLANT
L'IMMEUBLE DES BRAVES
Réalisé par Bojina PANAYOTOVA
THE LOYAL MAN
Réalisé par Lawrence VALIN
INVISÍVEL HERÓI
Réalisé par Cristèle ALVES MEIRA
TSUMA MUSUME HAHA
Réalisé par Alain DELLA NEGRA et Kaori KINOSHITA
JE SERAI PARMI LES AMANDIERS
Réalisé par Marie LE FLOC'H
UN ADIEU
Réalisé par Mathilde PROFIT
JUSQU'À L'OS
Réalisé par Sébastien BETBEDER
YANDERE
Réalisé par Wiliam LABOURY

Court métrage d'animation :

BACH-HÔNG
Réalisé par Elsa DUHAMEL
SORORELLE
Réalisé par Frédéric EVEN et Louise MERCADIER
LE GARDIEN, SA FEMME ET LE CERF
Réalisé par Michaela MIHÁLYI et David ŠTUMPF SWATTED
Réalisé par Ismaël JOFFROY CHANDOUTIS
GENIUS LOCI
Réalisé par Adrien MÉRIGEAU
SYMBIOSIS
Réalisé par Nadja ANDRASEV
L'HEURE DE L'OURS
Réalisé par Agnès PATRON
TÊTARD
Réalisé par Jean-Claude ROZEC
MOUTONS, LOUP ET TASSE DE THÉ...
Réalisé par Marion LACOURT
LA TÊTE DANS LES ORTIES
Réalisé par Paul CABON
L'ODYSSÉE DE CHOUM
Réalisé par Julien BISARO
TRACES
Réalisé par Hugo FRASSETTO et Sophie TAVERT MACIAN

Véronique Cayla et Eric Toledano à la tête des César

Posté par vincy, le 29 septembre 2020

Ce mardi 29 septembre 2020, les 180 membres de l’Assemblée Générale ont procédé à l’élection de Véronique Cayla, ancienne présidente d'Arte, et d’Éric Toledano, scénariste, réalisateur et producteur, à la Présidence et Vice-Présidence de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, pour un mandat de deux ans.

C'est "avec vous que nous pourrons inventer un nouveau modèle pour les César, un modèle collectif, imaginatif, utilisant la modernité des moyens techniques pour pallier les difficultés actuelles en particulier sanitaires" a déclaré Véronique Cayla, à qui l'on doit la transformation réussie d'Arte. Eric Toledano ajoute que ce mandat devra apporter "des changements, en s'ouvrant d'avantage" aux jeunes générations et à la diversité.

À l’occasion de cette Assemblée Générale Extraordinaire, ont également été élus les 42 représentants des 21 branches de métiers qui viennent constituer, aux côtés du tandem Présidente/Vice-Président, le nouveau Conseil d’Administration de l’Académie :
Marina FOÏS - Antoine REINARTZ dans la branche de l’interprétation,
Pascale FERRAN - Cédric KLAPISCH dans la branche de la réalisation,
Olivier GORCE - Julier PEYR dans la branche du scénario,
Gréco CASADESUS - Marie SABBAH dans la branche de la composition musicale,
Catherine BOISGONTIER - Pierre-Yves GAYRAUD dans la branche des costumes,
Chloé CAMBOURNAC - Laurent TESSEYRE dans la branche des décors,
Bertrand COLLARD - Sophie REINE dans la branche du montage,
Yves CAPE - Jeanne LAPOIRIE dans la branche de la photographie,
Lucien BALIBAR - Claudine NOUGARET dans la branche du son,
Chantal LEOTHIER - Christophe OLIVEIRA dans la branche du maquillage et de la coiffure,
Roxane FECHNER - Matthias WEBER dans la branche des effets spéciaux et visuels,
Nathalie CHÉRON - Daniel DELUME dans la branche des autres collaborations techniques,
Alain ATTAL - Marie-Ange LUCIANI dans la branche de la production,
Sébastien CAUCHON - Elisabeth TANNER dans la branche des agents artistiques et attachés de presse,
Danièla ELSTNER - Alexandre MALLET-GUY dans la branche de la distribution et de l’exportation,
Christine BEAUCHEMIN-FLOT - Richard PATRY dans la branche de l’exploitation en salle,
Marc DU PONTAVICE - Pascale FAURE dans la branche de l’animation,
Rebecca HOUZEL - William JÉHANNIN dans la branche du documentaire,
Justin PECHBERTY - Pauline SEIGLAND dans la branche du court métrage,
Didier DIAZ - Sophie FRILLEY dans la branche des industries techniques,
Frédérique BREDIN - Vincent TOLÉDANO dans la branche des professions associées.

Il y a deux semaines, les 4 313 membres de l’Académie des César à jour de leur cotisation avaient élu les 164 nouveaux membres de l'Association pour la Promotion du Cinéma (APC) qui régit l'Académie. Cette nouvelle Assemblée Générale, qui comprend 182 membres au total en y incluant les membres historiques, a donc élu ce nouveau Conseil d'Administration de l'Association.

Cette nouvelle gouvernance paritaire pourra commencer à préparer la prochaine Cérémonie, l’ensemble des événements organisés par l’Académie, et procéder à la rénovation du règlement de l'Académie. Cinq groupes de travail plancheront sur cinq réformes prioritaires: conditions d'adhésion à l'Académie des César ; contribution financière versée par les membres de l'Académie des César ; présentation des films ; format de la Cérémonie ; et événements associés.

Les César continuent d'être pris dans la tourmente. Lors de l'élection des nouveaux membres à la mi-septembre, les statuts ont permis à Roman Polanski et au producteur Thomas Langmann, condamné en 2019 pour harcèlement envers sa femme, tout comme Alain Terzian, critiqué par les frondeurs pour sa gestion de l'ancienne Académie des César, à être admis d'office en tant que "membre historique" après en avoir fait la demande. Le psychodrame a continué quand deux membres historiques ont démissionné en apprenant la présence de ces hommes dans l'Assemblée générale.

Il reste quelques mois pour préparer la prochaine cérémonie, après le chaos et les scandales de cette année.

Les César veulent « une plus grande parité, diversité et représentativité parmi les votants »

Posté par vincy, le 9 juillet 2020

Les nouveaux statuts des César ont été adoptés au CNC ce jeudi 9 juillet 2020. Il s'agit maintenant pour les 4313 membres de faire acte de candidature puis de désigner au plus tard le 30 septembre leurs 170 représentants (21 branches) au sein de la nouvelle Assemblée Générale de l'Association. Cinq branches sont représentés par plus de 10 représentants dans cette AG: production, réalisation, interprétation, composition musicale et scénario. Toutes les autres auront entre 6 et 8 représentants. L'Assemblée Générale sera élue pour quatre ans, et élira pour un mandat de deux ans renouvelable une seule fois le nouveau Conseil d'Administration de l’Association (45 membres), dont un tandem paritaire pour sa Présidence et Vice-Présidence.

Ces nouveaux statuts vont permettre de réaliser la parité intégrale au niveau des membres élus de l'AG, du CA, du Bureau et de la Présidence de l’Association. Il s'agira ensuite d'atteindre "une plus grande parité, diversité et représentativité parmi les votants, en augmenter le nombre, et prendre toutes les décisions nécessaires pour organiser l’édition 2021 des César." Ce que font les César depuis une dizaine d'années.

Les nouveaux statuts de l'Académie des César sont disponibles sur son site.

Cette refonte totale des statuts de l'Académie des Césars intervient après l'hiver mouvementé de l'association qui a vu ses secrets de famille dévoilés en plein jour: une gestion opaque, des pressions sur les listes de nominations, des nominations contestées, un certain sexisme, des parrainages refusés pour les espoirs, un bureau dans l'ignorance, un collège électoral pas assez diversifié et pas très mixte.

Pas étonnant alors que la parité soit le nouvel axe central de cette réforme qui cherche à réparer les dysfonctionnements et à améliorer la gouvernance des César. La cérémonie fut tendue et fraîche. Il faut dire que la crise était à son paroxysme et, comme dans Festen, le carnage au sein de la famille du cinéma, a eu lieu.

Alain Terzian, contraint à démissionner face à tous ces scandales a laissé la place à une présidente par intérim, la productrice et distributrice Margaret Menegoz. Avec un ministre soucieux de calmer la tempête, le CNC et l'Association pour la promotion du Cinéma (qui gère les César) ont donc pu finaliser en quatre mois un document qui doit transformer l'organisation.

Les César auront alors seulement quelques mois pour montrer comment leur mue opère.

César 2020 : de Polanski à Sciamma

Posté par kristofy, le 28 février 2020

Pas de César d'honneur. Un réalisateur révolté contre un changement de règle (Philippe de Chauveron, qui concoure pour le César du public) et qui décide de boycotter la soirée. Des polémiques à foison du côté des révélations, des finances, des règlements. Une présidente intérimaire tout juste nommée. Une humoriste qui a de quoi ne pas se louper. Une présidente - Sandrine Kiberlain - piégée dans la pire année. Une diffusion en différé pour éviter les couacs en direct. Les César sont trainés dans la boue depuis deux mois. Année zéro ou année de transition: les révélations sur la cuisine des César ont fini par nous en désintéresser.

J'accuse absent de la salle Pleyel

Mais le ministre de la Culture, Franck Riester, a remis une pièce dans le juke-box hier. Un peu tard pour influencer les votes, autant dire inutile, il a déclaré qu'un César pour Roman Polanski serait un "symbole mauvais". Ispo Facto, Alan Goldman, producteur de J'accuse, de Roman Polanski, en tête avec 12 nominations, a déclaré cette après midi qu'aucun membre de l'équipe du film ne viendrait ce soir. Après tout, pourquoi aller à une soirée où on va se faire conspuer, même si les professionnels de la profession ont voté pour que J'accuse apparaisse dans 12 catégories...

Petit rappel. Voici la présentation de l'Académie des César : « La gloire vient à un film de cinéma de trois manières : par le plaisir du public (les entrées en salles, les achats vidéo, les audiences télévisées), par les faveurs de la critique (les médias et les festivals), et par la reconnaissance des professionnels de l’industrie cinématographique (les Académies nationales de cinéma). L’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, usuellement appelée l’Académie des César, est l'institution qui, en France, organise cette troisième voie de distinction cinématographique, dédiée aux films et aux personnes qui les font. Elle est composée de plus de 4700 membres qui vont chaque année distinguer par leurs votes les artistes, les techniciens et les films qui leur ont paru les plus remarquables, en leur décernant un trophée appelé "César". »

Recevoir des nominations ou recevoir un César est bel est bien une récompense qui symbolise la reconnaissance des professionnels de l’industrie cinématographique pour une oeuvre ou l'un des membres qui y a participé.

C'est donc uniquement cette reconnaissance qui est mise en lumière ce soir, alors que les César sont trainés dans la boue depuis deux mois.

Nominations légitimes?

Les 12 nominations pour le film J'accuse de Roman Polanski ont pour seule valeur de saluer le travail artistique réalisé sur ce film, et ces nominations concernent la musique, les décors, les costumes, les acteurs... Ainsi il n'y a pas du tout 12 nominations pour Polanski. En fait, il y en a seulement 3 (meilleur réalisateur, meilleur adaptation pour le scénario partagée avec le romancier Robert Harris, et meilleur film partagée avec le producteur Alain Goldman). Il n'y a donc qu'une seule nomination qui concerne pleinement Roman Polanski, celle de meilleur réalisateur. Et vu le contexte, on parierait presque que le film reparte bredouille.

Et cette nomination n'est pas absurde. Son film J'accuse a déjà été récompensé deux fois : Un grand prix du jury au Festival de Venise, avec une présidente du jury féministe argentine, et un Prix Lumières décerné par la presse internationale dans la catégorie réalisateur. Ni tribunal, ni défenseur de l'ordre moral, les César n'ont pas vocation à envoyer un message particulier hormis saluer un talent artistique pour une œuvre spécifique.

L'avis d'Adèle

Les nominations aux César de J'accuse sont indépendantes du passé judiciaire de Roman Polanski, mais c'est pourtant la cause de la polémique actuelle. Les violences faites aux femmes en écho au mouvement #MeToo aux Etats-Unis se cristallisent en France, en particulier par les différentes prises de parole de l'actrice Adèle Haenel.

Elle s'est exprimée sur le sujet, sur son expérience personnelle (avec un autre réalisateur mis en cause) à trois moments.

Octobre 2019 : le film J'accuse de Roman Polanski est projeté au festival de La Roche-sur-Yon. Invitée à la manifestation, Adèle Haenel demande à y organiser un débat sur 'la culture du viol' et sur la notion de 'différence entre l'homme et l'artiste' pour accompagner la séance.

Novembre 2019 : Adèle Haenel livre un témoignage de son expérience (sur le site Mediapart) et provoque un débat national. « Les monstres ça n'existe pas. C'est notre société. C'est nous, nos amis, nos pères. Il faut regarder ça. On n'est pas là pour les éliminer, mais pour les faire changer » dit-elle à propos du viol.

Février 2020 : Adèle Haenel radicalise son propos dans une interview au New York Times avec cette sortie liée aux César « Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, ‘ce n’est pas si grave de violer des femmes’ ».

Il y a certes plein de choses à revoir et cela est déjà en cours de réflexion avec une nouvelle direction et des nouveaux statuts pour l'Académie des César: les règles et accès aux nominations, les oublis incompréhensibles qu'il faut éviter, le manque de diversité, le choix du César d'honneur, des catégories à revoir (animation, film étranger), etc...

Mais cette année, soyons objectifs, il y a eu principalement quatre films français qui ont été reconnus pour leur impact en France et à l'international : Grâce à Dieu de François Ozon, Grand prix à Berlin; Portrait de la jeune fille en feu de Céline Siamma (avec donc Adèle Haenel), prix du scénario à Cannes; Les Misérables de Ladj Ly, prix du jury à Cannes; et J'accuse de Roman Polanski, Grand prix du jury à Venise.

Ethique variable

C'est logique que ces films aient autant de nominations (respectivement 8, 10, 11 et 12) dans la plupart des catégories artistiques. Le casier judiciaire de Roman Polanski et celui de Ladj Ly deviennent pour certains un motif de protestation contre ces nominations : une 'bonne moralité' devrait-elle être exigée avant une reconnaissance d'un travail artistique sur un film ? Si le critère du casier judiciaire est retenu, on pourrait alors en inventorier d'autres : domiciliation fiscale hors de France, consommation de drogue, opération de chirurgie esthétique, contrat publicitaire avec une marque de luxe qui pollue et exploite des enfants ailleurs dans le monde..., et il n'y aurait plus beaucoup d'actrices et d'acteurs qui pourraient alors recevoir une nomination !

Est-ce que l’avenir des César est d'exclure des gens (Polanski comme d’autres) sur des critères de moralité ? Le défi est bel et bien celui d'une meilleure inclusion et d'une meilleure représentativité des femmes et autres minorités (le racisme et l'homophobie sont aussi des sujets à évoquer) dans le cinéma français. Bref, les César gagneraient à rendre visible les invisibles. En cela, les tribunes, prises de paroles qui vont dans ce sens sont le bienvenues. Et les protestations qui auront lieu le 28 février en dehors et dans la salle Pleyel ne sont pas à moquer.

Mais on espère que ce qui rassemblera un jour ces familles du cinéma fracturées sera plus artistique que politique. Si les César déçoivent c'est avant tout pour le manque d'audace des votants à choisir des films moins formatés.

Portraits de la jeune fille en feu et de la jeune fille et la mort

Ainsi on imaginerait bien une rencontre autour du 7e art entre Céline Siamma et Roman Polanski. À travers des personnages féminins forts dans les films de Roman Polanski (Repulsion, Rosemary's baby, Tess, La jeune fille et la mort, qui d'ailleurs forment une condamnation de l'acte de viol et parlent de ce traumatisme), il y a une discussion à avoir sur la représentation de la femme à l'écran.

La dernière séquence de Portrait de la jeune fille en feu de Céline Siamma montre Noémie Merlant dans une salle de spectacle qui observe en hauteur Adèle Haenel qu'elle avait aimée, un regard lourd de sens puisque ici les convenances de la société patriarcale ont gagné contre elles (le féminisme a perdu, temporairement).

La dernière séquence qui termine La jeune fille et la mort de Roman Polanski est identique : Sigourney Weaver dans une salle spectacle observe en hauteur Ben Kingsley, qui avait reconnu l'avoir violée et torturée. Un regard lourd de sens puisque ici elle ne s’est pas vengée en tuant son bourreau ni en détruisant sa famille (#MeToo nait en fait dans ce film de Polanski).

Etonnant mais vrai, Céline Sciamma a donc mis en scène une fin de film de la même manière que Roman Polanski 20 ans avant elle : il y a déjà une amorce de dialogue de cinéma entre eux. Ce qui n'empêche pas d'avoir sa propre opinion sur le réalisateur. Le reste, et Adèle Haenel l'a très bien compris, est une affaire de justice. Quiconque est accusé doit être jugé et pouvoir se défendre. C'est un Etat de droit. Ce n'est pas l'Académie des César.

Sophia Loren revient sur … Netflix

Posté par vincy, le 20 février 2020

Un beau coup de plus pour Netflix. la plateforme s'offre Sophia Loren, qui n'a rien tourné pour le cinéma depuis Nine en 2009 et pour la télévision depuis La mia casa è piena di specchi en 2010. Une si longue absence. Netflix a acquis les droits de La vita davanti a sé (La vie devant soi), adaptation du roman de Romain Gary.

Elle incarnera Madame Rosa. Rôle mythique, Simone Signoret l'avait interprété dans le film de Moshé Mizrahi en 1977. L'actrice avait reçu un César de la meilleure actrice en 1978 et le film a obtenu l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Myriam Boyer a repris le rôle pour un téléfilm en 2010.

La version italienne avec l'icône italienne sera réalisée par son fils Edoardo Ponti.

L'histoire est celle de Madame Rosa, une vieille femme juive qui a connu Auschwitz et qui, autrefois, fut prostituée à Paris. Elle a ouvert un bordel, où elle accueille aussi les enfants des prostituées pour qu'ils soient protégés de l'Assistance publique. Momo, qui sera incarné par Ibrahima Gueye, est un jeune musulman timide qui voit en madame Rosa la seule « mère » qui lui reste. Il va l'accompagner jusqu'au crépuscule de sa vie...

Les César meurent, et ça n’est pas plus grave que ça

Posté par redaction, le 14 février 2020

Ça n'en finit pas. Les César sont dans la tempête. Et on n'a rien écrit dessus. On reçoit bien les communiqués des uns et des autres, de l'Académie qui se défend et de ceux qui l'attaquent, des parties de ping-pong où l'Académie s'enfonce chaque fois un peu plus dans la crise, jusqu'à personnaliser, cristalliser le débat autour de son président, le producteur Alain Terzian. On comprend bien les polémiques. On aurait tendance à soutenir les accusateurs. Et pourtant, on a attendu la Saint-Valentin pour en parler. C'est une histoire de divorce, ça tombe bien.

Pourquoi ça nous indiffère? Parce que cela fait longtemps que les César ne sont plus un événement à nos yeux. On couvre la cérémonie en annonçant les nominations et le palmarès. Service minimum de l'information. Mais sinon, quel intérêt? Quel impact? A part faire parler les professionnels de la profession, flatter les vainqueurs, qui peut s'intéresser à une telle branlette médiatique? L'acte courageux serait de ne pas aller aux César, si on ne soutient pas l'actuelle et future défunte direction, ni sa politique. Des 400 signataires d'une tribune aussi juste que virulente, combien feront quand même acte de présence salle Pleyel? On pense aux producteurs, à Karin Viard, Roschdy Zem, Céline Sciamma, Anthony Bajon, tous nommés cette année. On vous encourage à libérer votre soirée, et vous amuser davantage ailleurs.

Influenceurs

Il suffit de connaître les cuisines depuis quelques années pour comprendre notre point de vue. Il faut débourser 90€ pour être membre. Les dernières révélations nous ont confortés dans notre appréciation. Le fameux coffret n'est pas exhaustif. Le ticket d'entrée est même assez cher (6600€, ça peut calmer les petits distributeurs ou même les moyens qui doivent défendre plusieurs films). Et ne parlons pas de l'empreinte carbone. Pourquoi ne pas tout mettre sur une plateforme numérique et cryptée? Ainsi les nominations sont influencées: les petits films n'ont aucune chance d'être repérés, même en étant soutenu par la critique. Et entre la liste des préconisations pour les espoirs (qui en plus rejettent des Virginie Despentes et Claire Denis comme marraines) et les labels techniques qui ferment le choix à quelques films, les nominations n'ont plus rien de représentatif des goûts d'une profession, qui n'a de toute façon pas le temps de voir le quart des films en course.

Perte d'influence

Ne parlons pas du vote: l'ergonomie de la plateforme est digne d'un site de vidéo à la demande français. Avec des menus déroulants infinis. L'Académie est sous le feu des critiques (elle a démissionné hier, après avoir demandé une médiation au CNC, après avoir cru que le gros vent se calmerait), son président est accusé de conflits d'intérêts avec Canal + dans un quotidien ce matin, sa tambouille apparaît au grand jour. Il faut dire que les César, avec leur soirée souvent ratée, leur audience faiblarde et le manque d'impact pour les films récompensés au box office, sont plus à cheval sur l'idée de ne pas mettre un s à César au pluriel que de pouvoir justifier l'incompatibilité d'un césar du meilleur film et d'un césar du meilleur réalisateur, ou le quota obligatoire de deux films francophones dans la catégorie film étranger (ça donne des nominations étranges), ou d'une année sur l'autre une catégorie animation fusionnant les courts et les longs ou scindant les deux.

Branding

Sans parler des César d'honneur, choix du chef. Aucun français depuis 2008 (et encore c'était le second pour Jeanne Moreau et un posthume pour Romy Schneider) et une allégeance à Hollywood qui devient insupportable. Rappelons que Nanni Moretti, Mike Leigh, Ken Loach, Wim Wenders, Claude Lellouch, Michel Piccoli, Charlotte Rampling, Kristin Scott Thomas, Ridley Scott, Wong Kar wai, Costa Gavras manquent à l'appel...

A la vue des prochains César, on se dit surtout que quelques beaux films, récompensés qui plus est, ont été zappés au détriment d'un certain cinéma. Notamment des films de femmes comme Atlantique, Proxima, C'est ça l'amour, Tu mérites un amour, Les estivants... Formellement, c'est consensuel, voire répétitif. A force de privilégier des films du milieu, d'inventer le César du public, de bouder les propositions audacieuses d'un cinéma éclectique et cosmopolite, les César sont devenus moyens. Aucune surprise. Et si les films cannois dominent toujours, c'est bien parce que Cannes est le seul endroit où la profession voit les films. Sans parler de la non représentativité des 4600 votants avec seulement 35% de femmes parmi eux.

Tout cela pourrait-on dire n'est finalement qu'un vote de la profession. Mais on voit bien à quel point, au fil des années, la belle cérémonie s'est dévoyée, surtout en interne. Ce n'est pas une question de bon joueur, mauvais joueur. On doit accepter le vote démocratique des professionnels membres de l'Académie. Mais les propositions (coffret, catégories labellisées) et les résultats (le César du meilleur réalisateur peut revenir au 2e dans l'ordre des votes) sont manipulés, les César d'honneur décidés par un seul homme, truquent le jeu. Le président peut même imposer une nomination, grâce à un règlement fait sur mesure pour lui donner tous les pouvoirs. Tout cela est opaque, sent l'entre-soi, refuse le changement. Alors, non, pas une larme pour ces César. Et soutien total à ceux qui veulent révolutionner l'Académie.

Avé César, morituri te salutant. Oops, finalement c'est César le tricheur qui est mort. Le temps de se refaire une petite santé. Cela ne peut-être que salutaire.

Anémone a pris le grand chemin (1950-2019)

Posté par vincy, le 30 avril 2019

La comédienne et scénariste Anémone, née Anne Bourguignon, est morte aujourd'hui à l'âge de 68 ans. L'inoubliable Thérèse du Père Noël est une ordure, avait reçu le César de la meilleure actrice pour Le Grand chemin.

Elle venait d'annoncer l'an dernier qu'elle quittait définitivement le métier après avoir joué La pièce Les Nœuds au mouchoir, où elle incarnait une mère qui perdait la boule.

Ecolo depuis 45 ans, grand gueule, altermondialiste en perpétuelle révolte, à l'écart du milieu, farouchement, Anémone était une personnalité singulière dans le cinéma français. Pas franchement prête à faire des compromis, plutôt têtue. Toujours emmerdée à l'idée de faire la promo. Elle en avait régulièrement ras-le-bol. Elle voulait même qu'on l'oublie, préférant buller sur son canapé à la campagne, "loin de la ville qui pue". Pour élever ses enfants, elle a supporté ce monde de fous et les navets qu'on lui proposait, ce qui faisait au moins plaisir à son banquier. Ne parlons pas de ses enfants, elle a confessé à la télévision qu'elle regrettait de les avoir mis au monde, soumise à une pression sociale. Au final, elle aurait sans doute eu une carrière différente, moins dictée par le fric, si elle avait suivi son instinct : ne pas se reproduire.

Anémone a toujours voulu être actrice. Elle préférait les hippies, la grande rigolade du Splendide, qu'elle a quitté fâchée à cause du fric (et de leurs opinions de droite). D'origine bourgeoise, éduquée chez les catholiques, elle prend les chemins de traverse dès sa vingtaine, choisissant en pseudonyme le titre de son premier film (en 1968), celui de Philippe Garrel. C'est le seul film où Anémone est créditée comme Anne Bourguignon.

Elle enchaîne les petits rôles chez Philippe de Broca, Gérard Pirès, Yves Robert. Coluche lui donne une dimension un peu plus importante dans Vous n'aurez pas l'Alsace et la lorraine. Avec son physique qui incite à la maladresse et sa voix proche du burlesque, elle manie avec génie des personnages stéréotypés pour en faire des caractères comiques. Le Splendid va changer son destin. En 1979, elle devient Thérèse, qui rit quand on la..., vieille fille pas vraiment douée pour la couture, et franchement nympho quand elle a vu enfin le loup. Le Père noël est une ordure l'immortalise pour des décennies avec ses multiples passage à la télévision.

On la croise ainsi beaucoup dans les comédies à la française de l'époque: Ma femme s'appelle revient, Pour cent briques t'as plus rien, Le quart d'heure américain, Le mariage du siècle, sorte de Valérie Lemercier dans Palais-Royal, souvent avec Lhermitte, Blanc et autres camarades en partenaires.

Mais ces pantalonnades la frustrent. En 1985, elle opère un tournant dramatique, à l'instar de Michel Blanc et Josiane Balasko. Elle incarne une étrange voisine dans un polar sulfureux, Péril en la demeure de Michel Deville. Deux ans plus tard, elle accepte le rôle d'une villageoise pas très heureuse depuis la mort de son enfant. C'est Le grand chemin de Jean-Loup Hubert. ce rôle dramatique lui vaut un plébiscite public (3,2 millions d'entrées, 4e film de l'année) et un César de la meilleure actrice. Elle a été nommée quatre autres fois.

Paradoxalement, la suite sera plus irrégulière, passant de Jugnot (Sans peur et sans reproche) à Garrel (Les baisers de secours), de Nicloux (Les enfants volants) à Goupil (Maman), de Deville (Aux petits bonheurs) à Marshall (Pas très catholique), de Trueba (Le rêve du singe fou) à Lelouch (La belle histoire). Les grands auteurs ne sont pas au meilleur de leur forme quand ils la choisissent. Elle-même s'égare chez Luis Rego ou Serge Kober dans des séries Z. Parfois, elle trouve quand même un grand rôle, comme celui de mère indigne dans Le petit prince a dit de Christine Pascal, Prix Louis-Delluc en 1992.

Anémone continue dans des films qui ne trouvent pas leur public ou de grandes fresques coûteuses (Marquise, Lautrec) où elle n'est que second-rôle. A partir des années 2000, elle se fait plus rare, figurante dans des comédies populaires (ou pas), comme Le petit Nicolas. Elle peut être cruelle ou attachante, paumée ou charmante. Elle étale quand même son talent avec autorité dans Jacky au royaume des filles, en générale d'une dictature féministe, de Riad Sattouf. On semble la redécouvrir. Alexandra Leclère, Julien Rappeneau (Rosalie Blum) et Anne Le Ny lui offrent ses derniers rôles.

Finalement depuis 2005, elle était plus présente à la télévision. mais, surtout, elle n'a jamais cessé de faire de la scène, s'amusant avec Musset, Feydeau, Molière pour Planchon, Obaldia, Colas...

Atypique, engagée, franche, Anémone était sans doute l'une des comédiennes les plus populaires de sa génération. Elle n'a sans doute pas eu les films qu'elle méritait, en partie à cause de son caractère sans doute, mais pas seulement. Mais les quelques beaux films qu'elle a tournés, comme les plus dérisoires, révélaient une femme libre, qui refusait assurément d'être prise pour ce qu'elle n'était pas.

Jusqu’à la garde reçoit le premier César des lycéens

Posté par vincy, le 27 février 2019

On se demandait bien pourquoi le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer assistait aux César. on avait oublié que le César des lycéens, sur le modèle du Goncourt des lycéens, allait être décerné pour la première fois.

Le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma ont donc annoncé le lauréat de ce premier "César des Lycéens". Et les votants ont suivi les professionnels de la profession en choisissant parmi les nommés, Jusqu'à la garde de Xavier Legrand. Le film avait remporté vendredi soir 4 prix: Meilleur film, Meilleure actrice (Léa Drucker), Meilleur scénario (Xavier Legrand) et Meilleur montage (Yorgos Lamprinos). Le film a séduit près de 400000 sectateurs en France. Haut et Court a décidé de le remettre en avant avec 70 salles supplémentaires (soit une centaine au total) ce mercredi.

"Ce "César des Lycéens" a été attribué par un corps électoral de 1 276 élèves de terminale issus de 54 lycées généraux, technologiques et professionnels situés sur tout le territoire métropolitain, en Angleterre et à Mayotte, choisis par le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse" précise le communiqué. Les lycéens ont visionné en compagnie de leur professeur référent les sept films nommés au César du Meilleur Film.

La remise du "César des Lycéens" s’effectuera le mercredi 13 mars 2019 à 13h30 au Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, à l’occasion d’une rencontre-débat avec les lycéens et en présence du lauréat et de son équipe, du Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse et du Président de l'Académie des César.

Un César d’honneur pour Robert Redford

Posté par vincy, le 18 janvier 2019

robert redford au festival de sundance

Incontestablement classe. Le vendredi 22 février 2019 sur la scène de la Salle Pleyel, le César d’Honneur de la 44e Cérémonie des prix du cinéma français sera remis à Robert Redford, producteur, réalisateur, acteur américain pour ne pas dire icône et légende du 7e art. Le fondateur et président de Sundance, fervent écologiste depuis près de 50 ans, a été la star de films aussi mythiques que La Poursuite impitoyable, qui le relève en 1966, Butch Cassidy et le Kid, L’Arnaque, qui lui vaut sa seule nomination à l'Oscar du meilleur acteur, Jeremiah Johnson, Nos plus belles années, Les 3 Jours du Condor, Out of Africa, Gatsby le Magnifique, Les Hommes du Président, Pieds nus dans le Parc, Votez Mc Kay, ou le plus récent All Is Lost...

Oscar du Meilleur réalisateur et du Meilleur film en 1981 avec Des gens comme les autre, il a été derrière la caméra pour huit autres film, dont Et au milieu coule une rivière, L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux, La légende de Bagger Vance ... Il a reçu un Oscar d'honneur en 2002, mais jamais

"Robert Redford est définitivement un Monument. Nombre de ses films, devant ou derrière la caméra, sont aujourd’hui des classiques. Rares sont les carrières qui ont eu un tel impact sur l’Histoire du Cinéma ! (...) Et c’est à nous à présent, d’avoir l’immense privilège d’honorer l’artiste et l’homme qui symbolisent depuis plus de cinquante ans la légende du cinéma américain" salue l'Académie des César.

Son dernier film - il a annoncé que ce serait le dernier en tout cas - The Old Man and the Gun, inspiré d'une histoire vraie de David Lowery, avec Casey Affleck, Sissy Spacek, Danny Glover, Tom Waits et Elisabeth Moss, où il incarne un vieux braqueur multirécidiviste, sera diffusé en Vidéo à la demande en France dès la fin janvier, sans passer par la case cinéma.

Dernier tango pour Bernardo Bertolucci (1941-2018)

Posté par vincy, le 26 novembre 2018

Le réalisateur italien Bernardo Bertolucci est mort à Rome à l'âge de 77 ans, ont rapporté ce matin les médias italiens.

L'un des grands maîtres du cinéma italien, né le 16 mars 1941, a connu une consécration mondiale avec sa fresque Le dernier empereur en 1987: Oscar du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario (au total 9 Oscars), 4 Golden Globes, un César du meilleur film étranger, 3 BAFTAs... Il a été nommé deux autres fois aux Oscars, dans la catégorie du meilleur scénario adapté avec Le conformiste (deux fois primé à Berlin), et dans la catégorie réalisateur pour Le Dernier Tango à Paris.

Bertolucci, Palme d'honneur à Cannes en 2011, Lion d'or d'honneur à Venise en 2007 et European Film Award d'honneur en 2012, a écrit et réalisé 25 films - y compris documentaires - entre 1962 et 2012, signant notamment de belles épopées internationales (1900, Un thé au Sahara, Little Buddha) et des œuvres plus intimes et romantiques (Beauté volée, Innocents, Moi et toi) ou dramatiques et politiques (Le conformiste, La Tragédie d'un homme ridicule, La stratégie de l'araignée).

Donnant un nouveau souffle au cinéma italien dès la fin des années 1960, cherchant différentes voies narratives, en s'éloignant du néo-réalisme et s'approchant d'un cinéma plus clinique, Bertolucci était un esthète et un explorateur (son dernier film a été tourné en 3D). Son aura a cependant été entachée ces dernières années par les révélations de l'actrice Maria Schneider (Le dernier tango) sur les conditions de tournage d'une scène de sexe avec Marlon Brando, qu'elle a subit (à juste titre) comme un viol. La manipulation du cinéaste, avec la complicité de la star américaine masculine, ont été violemment critiquées depuis quelques années, accusant Bertolucci d'avoir détruit la jeune femme. Dans son dernier livre, Tu t'appelais Maria Schneider (Grasset), la journaliste Vanessa Schneider rédige un hommage à sa cousine comédienne, où elle détaille les séquelles psychologiques et artistiques de cette séquence sodomite humiliante.

Le succès du film est en fait un cauchemar pour l'actrice, qui ne s'en remettra jamais. Brando sort du tournage exsangue. Ce Dernier tango va hanter longtemps Bertolucci, jsuqu'à détruire sa réputation vers la fin de sa vie. C'est ironique finalement.

Car en effet, il aimait lui aussi déboulonner les statues, particulièrement celles des Commandeurs, qu'il soit un militant politique héroïque ou un empereur chinois historique. Il interroge finalement la vérité et le mensonge, l'artifice et le romantisme, la honte des uns et la gloire des autres. Là c'est le fantôme de Maria qui a renversé l'icône.

Dans ses jeux de miroirs, le cinéma de Bertolucci cherche des tonalités tantôt sensuelles tantôt oniriques, épurées ou baroques, passant de l'opéra à une nocturne. En bousculant ses personnages, qu'ils soient un occidental dans une culture orientale ou un fasciste refoulé et lâche, en les confrontant au plaisir, au crime ou à la pauvreté extrême, le réalisateur stylise une révolution intime qui rend la classe moyenne monstrueuse et les puissants intouchables.

Obsessions et dilemmes

Le fils du poète Attilio Bertolucci et frère du cinéaste Giuseppe Bertolucci, il a surtout été le cinéaste italien qui s'est emparé de la Nouvelle vague française. Innocents est une histoire de trouple en plein Mai 68 - le sexe et la révolution, deux de ses obsessions - et un énorme clin d'œil à Bande à Part et Godard. Bertolucci aimait transgresser. Il voulait choquer le bourgeois, bouleverser l'ordre social. A la fois idéologiquement et sans doute pour se rebeller contre son éducation. L'ancien assistant de Pier Paolo Pasolini (ami de son père) sur Accatone et co-scénariste d'Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone, était un marxiste, fasciné par l'Histoire et le communisme (Le dernier empereur et 1900 en sont les plus belles preuves épiques).

Mais qu'on soit jeune étudiant ou patron d'usine, veuf partagé entre les pulsions sexuelles ou l'aspiration à mourir ou empereur de naissance impuissant à résister aux flux de l'Histoire, le cinéma de Bertolucci est avant tout celui des dilemmes: ses personnages sont toujours partagés entre deux mondes, deux visions, deux sentiments. Leur quête existentielle ou identitaire, amoureuse ou intellectuelle, est le moteur de tous ses récits, fondés sur les conflits (parents/enfants, patron/ouvrier, mari/femme, pouvoir/exploité...), en bon marxiste.

Malgré cela, sa filmographie, après Le dernier empereur et son sacre mondial, évolue vers de nouveaux horizons. Il ne délaisse pas le libertinage et ce libéralisme des mœurs qui le tentent tant, il n'abandonne pas la chair et le désir (Beauté volée, Shandurai) ni les idéaux dans un monde où le communisme s'efface. Il est même assez nostalgique d'une Révolution, qui n'a finalement pas eu lieu, mais dont il s'est approché, pour ne pas dire avec laquelle il a flirté. Ses derniers films sont davantage dans la réconciliation (rien que dans les titres de ses films). Après la douce mort d'Un thé au Sahara, on le suit dans chemins de sagesse de Siddhartha dans Little Buddha, pour aboutir à une folle utopie érotisante et cinéphile dans The Dreamers (Innocents) et un mélange d'espoir et de dignité dans son ultime œuvre, Moi et toi.

Le réalisateur aimait chercher ses limites, montrer les lignes rouges (et parfois les dépasser). Adversaire de la censure, combattant des films à message, nostalgique d'une rêverie communiste, il espérait que sa génération allait changer le monde. De la même manière qu'il essayait de changer le cinéma. Il voulait expérimenter formellement mais il poursuivait surtout l'envie de aire un cinéma aussi sincère qu'intelligent, même si, en apparence, cela semblait plastique, méniéré, esthétisé. Il en reste finalement un cinéma qui fait une équation entre la transmission et l'héritage. Les personnages y sont déjà condamnés, enfermés dans leur statut (social, personnel, psychologique). Ils sont "conditionnés" et la fin n'est jamais très claire. "J'aime que les fins de films soient ambigües, parce que c'est ainsi dans la vie réelle" disait-il.