Pour lutter contre l’ennui durant ce long confinement, Ecran Noir vous propose de (re)découvrir certaines séries passées ou encore sur vos écrans. Et tandis que Netflix mettra en ligne la quatrième partie demain on ne saurait que trop vous recommander de jeter un coup d’oeil au phénomène La Casa de Papel !
C’est une série qui divise. A l’instar de Game Of Thrones, Breaking Bad ou encore Mad Men, La Casa de Papel fait partie de ces séries qui ne peuvent pas faire l'unanimité. Les fans de la première heure l’assurent : la série dramatique qui mêle braquage et thriller est une petite merveille. Ceux qui l’ont prise en cours de route ou n’ont regardé aucun épisode restent convaincus qu’il y a supercherie. Cette une série centrée sur le casse de la Fabrique nationale de la monnaie espagnole par un génie à la morale discutable et sa bande de criminels aux noms de métropoles ne peut pas faire rêver les millions d’abonnés français et internationaux de Netflix. Cette version de Robin des bois high-tech serait du toc plutôt que du teck.
Et pourtant, en mettant en scène une attaque manipulatrice auquel la plupart d’entre nous n’aurait jamais pensé, Alex Pina permet à Netflix de prouver que les plateformes de streaming n’enlèvent rien au suspense d’une série si celle-ci est bien montée et enfin que le plus grand succès télévisuel espagnol en France ne peut pas rester Un, dos, tres ! Bien évidemment, et comme c’est souvent le cas avec les séries dont la survie des protagonistes dépend de leur capacité à s’exfiltrer d’un endroit, les rebondissements de La Casa de Papel sont parfois un peu tirés par les cheveux (le découpage peut-être palpitant et brillant, on ne peut s'empêcher de remarquer quelques incohérences dictées plus par l'action que par le récit).
Du syndrome de Lisbonne et Stokholm aux passés pas très heureux de Nairobi (de loin le personnage le plus passionnant) et Moscou, en passant les attirances troubles de Berlin ou de Helsinki, la série s'amuse avec de la psychologie de mélodrame (façon telenovelas) dans une intrigue où l'on s'interroge avant tout sur l'issue. Car on a envie qu'ils s'en sortent ces bandits. Leur cause n'est pas moins juste que d'autres. Et en face, on sent surtout une partie adverse prête à tout pour affirmer son pouvoir.
En l'espace de 26 épisodes, nous avons donc vu des snipers aguerris se prendre une raclée, une moto faire un bond vers une porte blindée, un tank être abattu au bazooka et un coffre-fort transformé en piscine... Mais si Ocean’s Eleven, Inside Man, The Town et Bady Driver nous ont appris quelque chose, c’est que plus c’est plus gros, plus cela a des chances de passer. . Une idée qui se voit sublimée dans La Casa de Papel quand elle faisait un plat dès la saison 2 de Prison Break !
En cela la saison 3 a réussi, malgré quelques bidouillages, a s'aligner sur les deux premières, avec l'ajout de personnages, de faiblesses et de suspens. Bien malin qui pourrait deviner la fin tant les scénaristes nous ont habitués à nous méfier des apparences et à jouer des ambivalences. Et les fans jouent le jeu, imaginant la suite, sur-réagissant à certains épisodes, s'enflammant pour des erreurs ou des scènes brillantes.
C’est un programme conçu pour la pop culture. Série espagnole incontournable du moment, La Casa de Papel est devenue un phénomène partout en Europe parce qu’elle traite de situations, d’antagonistes et de modèles financiers qui sont loin de nous êtres inconnus. Plus encore, tout le programme semble avoir été formaté pour toucher la corde nostalgique du spectateur. Mix incroyable mais réussi d’influences diverses, le programme diffusé à l’origine sur la chaîne espagnole Antena 3 est un pot-pourri télévisuel et cinématographique presque sans précédent. C'est Mission:Impossible avec l'extravagance espagnole, le talent du cinéma ibérique pour le polar, une déclinaison de Die Hard (huis-clos) dont la série a hérité la dérision, et en superficie, une belle critique des régimes libéraux-autoritaires.
Et puis les faits de la série sont loin d’être si impensables que cela (un braquage d’imprimerie à Rennes a failli avoir lieu en 2014), le personnage de Tokyo (Ursula Corbero) serait inspiré de celui de Natalie Portman dans Léon, les masques portés par les braqueurs en référence à Salvador Dali ne sont pas sans rappeler ceux des Anonymous, de V pour Vendetta ou plus récemment Joker. Quant à “Bella Ciao”, son refrain et l'enthousiasme des personnages qui l'entonnent auront suffi à le faire passer de chant partisan italien né chez les antifascistes à symbole de la dimension politique de la série espagnole. Sans oublier tous les remix nés depuis par les rapeurs et autres chanteurs à la monde. On est dans l'air du temps.
C’est un vivier de talents. A l’image de la série qui a fait de Wentworth Miller une star planétaire, La Casa de Papel tient autant la route pour la qualité de ses intrigues que pour son casting particulièrement multiculturel et consistant. Quand les personnages féminins sont subtilement écrits et joués avec beaucoup de maîtrise, les acteurs de la série ne sont pas en reste. Grâce à La Casa de Papel, Álvaro Morte qui joue le Professeur a décroché son premier rôle dans un long métrage, reçu l’équivalent espagnol d’un SAG Award de meilleur acteur de série dramatique et enchaîné sur deux séries pour les plateformes Hulu et Amazon Prime Video.
Quand aux deux beaux gosses de la série, Miguel Hérran (Rio) et Jaime Lorrente (Moscou), Netflix n’a pas manqué de les caster dans sa première série originale espagnole destinée aux plus jeunes Elite après avoir acheté les droits de diffusion de la première saison de La Casa de Papel.
La Casa de Papel, trois parties disponibles ici. La quatrième (sans doute la dernière) débute demain. A coup sûr, la bande passante va exploser. Vous êtes prévenus !