Pas de bug en l'an 2000. Cannes est présidé par Luc besson. Et on retient que Tigre et Dragon est hors-compétition. Il n'y avait qu'une petite salle pour la projection dédiée à la presse. Nous étions quelques dizaines à découvrir avant tout le monde ce film qui allait relancer l'art des fresques où arts martiaux, mélodrame et effets visuels donneraient le ton du cinéma asiatique des prochaines années. Tout comme l'année d'avant, dans la même salle, nous étions restés jusqu'au bout du festival pour voir Rosetta, finalement sacré Palme d'or.
Cannes c'est aussi ça, son lot de surprises. Le cinéma européen et américain est en petite forme, hormis les films de Roy Andersson et James Gray, peu de cinéastes livrent un grand film. Car en 2000, c'est bien le cinéma venu d'Asie qui domine par sa qualité. Le tableau noir de Samira Makhmalbaf, le somptueux Les Démons à ma porte de Jiang Wen, le sublime Yi Yi d'Edward Yang, disparu trop tôt, le somptueux et inoubliable Chant de la fidèle Chunhyang d'Im Kwon-taek, Un temps pour l'ivresse des chevaux de Bahman Ghobadi... Et puis le chef d'oeuvre de l'année: In the Mood for Love de Wong Kar-wai. Au delà de la beauté du film, de ses deux interprètes et de ce scénario presque abstrait, le film entête avec ses musiques. Il est présenté le dernier jour du festival et ceux qui sont restés sont ensorcelés, malgré la fatigue.
C'est pourtant une autre musique qui sera palmée. Lars von Trier présente Dancer in the Dark. Il faut se rappeler l'émotion au début de la projection de 8h30 dans le Grand Théâtre Lumière, quand durant le prologue sans images, on se laisse envahir par la musique symphonique de Björk. Les larmes coulent à la fin lorsqu'elle est conduite dans le couloir de la mort. Von Trier nous manipule avec son histoire d'injustice terrible et un personnage innocent transformé en coupable par la seule volonté des hommes. Mais il le fait avec brio et avec les chansons et la sensibilité de Björk. L'un récolte la Palme, l'autre le prix d'interprétation. Choix logique tant le film est une co-création, qui s'est d'ailleurs faite dans la douleur.
Mais a posteriori, nous n'en avons retenu que le plaisir de voir dans une même édition Björk jouer avec les sons et Maggie Cheung déambuler dans Hong Kong.