Au fil des années, Romain Duris est devenu une "icône". Mais de quoi au juste ? Nous pourrions dire de la masculinité mais ce serait sans doute trop subjectif. Évoluant habilement entre comédies populaires et films d'auteur, il fait aujourd'hui partie de ces rares acteurs français à ne pas s'être brûlé les ailes à un moment donné et que l'on retrouve à chaque fois avec un plaisir loin d'être coupable. Depuis le début de cette décennie, Romain Duris est ainsi de tous les bons films, grands ou petits.
Wannabe caméléon
Si la plupart d'entre nous pense à Cédric Klapisch dès lors qu'il est question de Romain Duris, n'oublions pas que si l'on enlève son doublage pour Raiponce c'est L'Arnacœur de Pascal Chaumeil qui lui a offert son plus gros carton au box-office français : 3,7 millions d'entrées. Un score qui fait rêver d'autant plus en 2017. Sensuel et versatile, il semble aujourd'hui tout à fait normal de dire que Romain Duris peut tout jouer (et même danser).
Bourreau des cœurs donc dans L'Arnacoeur puis avocat frustré - "homo occidentalus" - dans L'Homme qui voulait vivre sa vie, il se mue en assureur obsédé par la compétition dans Populaire avant de finir en amant maudit dans l'adaptation de L’Écume des jours. Un chapitre final avec le fameux Cédric Klapisch (Casse-tête chinois) et Romain fait sensation chez François Ozon. Dans Une nouvelle amie, l'acteur de 42 ans incarne en effet David, jeune père veuf qui tombe en dépression avant de retrouver une forme de liberté dans le travestissement. Transgression de la masculinité, qui se confond ainsi avec la maternité. Avec Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz et François Ozon himself au casting, Une nouvelle amie ne manque pas de faire du bruit à sa sortie et permet à Romain Duris de décrocher une nomination aux César, la cinquième.
Que ce soit dans le téléfilm Démons, la comédie Un petit boulot - en prolo qui franchit la ligne rouge avec un certain humour noir pour survivre - ou le drame La Confession, dans les pas de Bébel, il continue de faire ce qu'il fait le mieux : retenir l'attention du spectateur avec un personnage central, fort, singulier. Une présence, un sourire, un regard. Il en faut parfois peu pour que son jeu élève le projet en question. Même lorsque ce dernier s'avère un peu bancal, comme le thriller Iris de Jalil Lespert.
Icône virile
Cette semaine, Romain Duris récidive dans le très bon Cessez-le-feu d'Emmanuel Courcol, un drame historique centré sur Georges, un soldat rongé par ses mauvais souvenirs de la Première Guerre mondiale qui se réfugie en Afrique. Si le film dispose d'un casting plus qu'impressionnant (Grégory Gadebois, Céline Sallette, Maryvonne Schiltz, Julie-Marie Parmentier), c'est encore une fois Romain Duris qui fascine. Très attiré par la masculinité de son personnage, Romain Duris reconnaît avoir effectué un travail similaire à celui d'Une nouvelle amie pour entrer dans la peau du personnage. Avec la même coach, il a ainsi tenté de "trouver la manière d'être imposant et d'exprimer le vécu de Georges sans mots." Ça tombe bien, c'est amplement réussi.
A l'image de son personnage dans Cessez-le-feu, Romain Duris semble constamment en mouvement, toujours prêt à apprendre de ses erreurs. Et si le film d'Emmanuel Courcol n'en connaît pas, c'est un pur hasard car Georges l'anti-héros est loin d'être un personnage facile dans ce scénario casse-gueule. Mais Cessez-le-feu traite avec brio des traumatismes de soldats revenus du front. Le film passionne et trouble. Georges finira-t-il sa vie là où il peut fuir ses problèmes ? Combien de temps dureront encore ses cauchemars ? Ses souvenirs cesseront-ils un jour de le hanter ? Le cinéma a souvent traité de la Première Guerre mondiale, de l'horreur du conflit, du désastre humain qu'elle a causé, mais rarement de ces traumatismes qui ont balafré physiquement une génération (La chambre des officiers) ou psychologiquement (comme ici, à la fois remuant et tendre).
Au Burkina Faso, au Sénégal et à Nantes, la caméra d'Emmanuel Courcol capture parfaitement l'aura d'un Romain Duris complètement habité par son personnage. Il impose une certaine puissance, une détermination qui fait de ce soldat paumé, de ce "revenant", un homme entre deux mondes, absent des présents et à cause d'une guerre encore trop présente. Démarche alourdie, voix plus grave, plus profonde et gestes précis pour celui qui a débuté dans Le Péril jeune et qui se transforme cette semaine en véritable icône virile de 2017. Outre le fait d'incarner un homme, un "vrai", Romain Duris prouve à ceux qui en doutaient encore qu'il peut être tous les hommes de notre vie et de notre imaginaire.
On l'attend en survivant pour Dans la brume, le prochain film fantastique d'Erick Zonca, Fleuve noir, et face à Isabelle Huppert dans Madame Hyde.