Cyd Charisse incarnait la Danseuse idéale, celle dont les jambes interminables semblent douées de vie propre. D'ailleurs ses guiboles étaient assurées une fortune (quelques millions de dollars) tant elles étaient une matière première qui valait de l'or pour les studios de l'époque... On la surnommait The Legs.
La native du Texas nommée Tula Ellice Finklea avait commencé, à 13 ans, dans le corps des ballets russes. Elle commença à changer de noms, souvent connotés d'un certain "exotisme slave" avant de faire ses premières pointes devant la caméra en 1943 (Something to shout about) et surtout en 1945 aux côtés de Fred Astaire (Ziegfeld Stories), qui la surnommera "Beautiful Dynamite". Elle attendra quelques années avant de devenir Cyd Charisse. Le nom lui vient de son premier mari. Le prénom serait lié au surnom que lui donnait son petit frère zozottant "sis' de "sister").
Le grand public ne l’a pourtant réellement découverte que sept ans plus tard, dans une scène d’anthologie de Chantons sous la pluie : tout de vert vêtue, cheveux courts et fume-cigarette, elle ensorcelait Gene Kelly en quelques entrechats, après avoir fait tourner son canotier au bout de ses escarpins vertigineux… Elle incarne le fantasme (la femme vamp, belle, et la danseuse exceptionnelle, à l'égale du danseur) dans un décor onirique et daliesque. Un quart d'heure de chorégraphie millimétrée qui l'a fait rentré dans le bal des grandes.
Elle allait ensuite être très vite associée à l’âge d’or de la comédie musicale américaine, notamment grâce à ses rôles dans des cartons de l'époque comme Brigadoon, Tous en scène, Traquenard (l'un de ses plus grands rôles, qui plus est dans un film noir) ou encore la Belle de Moscou, remake de Ninotchka. Hélas, le genre s’essoufflait déjà, et pour elle le début des années 60 marque le commencement du déclin. Elle figure au générique du dernier film de Marilyn, inachevé et de triste mémoire (Something’s got to give), puis dans des œuvres mineures de Vincente Minnelli et Stanley Donen. Privée de son moyen d’expression favori, la ballerine disparut peu à peu des plateaux. "Hurler et crier, ce n'était pas vraiment mon style" avait-elle déclaré en 1994.
Agée de 87 ans, elle a exécuté mardi sa dernière révérence et s’en est allée, sur la pointe des pieds, rejoindre tous ses compagnons de la grande époque.