Si le documentaire a trouvé légitimement sa place dans les salles pour évoquer le génocide rwandais de 1994, (voir Le Rwanda depuis le génocide, dossier de Courrier International), la fiction a plus de difficultés à traiter du sujet. Délicat politiquement, complexe humainement, il part nécessairement d'un point de vue individuel. Le plus connu est Hotel Rwanda (2004), avec trois nominations aux Oscars et un certain succès international. Porté par une vedette hollywoodienne, Don Cheadle, le film de Terry George a réussi à sensibiliser les Occidentaux - qui ont une mémoire "zapping" - à une guerre ethnique qui a souvent été traitée de manière confuse par les médias.
Le cinéma a aussi porté à l'écran Shake Hands with the Devil en 2007, l'adaptation canadienne de l'autobiographie de Romeo Dallaire (incarné par Roy Dupuis) par Roger Spottiswoode. Autre faiseur connu d'Hollywood, le britannique Michael Caton-Jones qui a réalisé Shooting Dogs en 2005. Du Canada, on avait aussi remarqué Un dimanche à Kigali en 2006, de Robert Favreau, d'après le roman de Gil Courtemanche. Les trois films ont été nommés dans les prix les plus prestigieux de leurs pays respectifs. De quoi se donner bonne conscience? Enfin on note quelques téléfilms remarquables (notamment ceux de Raoul Peck et Nick Hughes).
Dix ans pour digérer un tel massacre et pouvoir le livrer en sujet de fiction, d'émotion. Quinze ans même pour que Philippe van Leuuw (voir interview) puisse filmer Le jour où Dieu est parti en voyage, qui est sorti hier en salles. "(Ce film) ne tente pas d’expliquer, ni même de raconter le génocide rwandais. C’est à peine s’il ose en esquisser le contexte, réduit à un déferlement de violence aveugle et incompréhensible qui se déroule hors champ. Exactement comme les Tutsis ont dû le ressentir au début : une chose inimaginable, dépassant l’entendement, à laquelle il fallait avant tout échapper" explique EcranNoir.fr.
Le cinéaste belge explique pourquoi le Rwanda n'est pas n'importe quel sujet, n'importe quel génocide. "Avant le Rwanda, j’avais l’impression qu’on était arrivé à la théorisation et à la sacralisation de la notion de génocide. Le Rwanda, je l’ai pris en pleine figure. C’était très concret. Sur la place publique. On était tous témoins et impuissants."
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