Un état du monde grâce au cinéma: Haïti, Russie, Corée, Iran…

Posté par vincy, le 28 janvier 2010

etatdumonde.jpgPour conclure notre partenariat avec Courrier International, évoquons le 2e Festival Un état du monde ... et du cinéma. Il a lieu au Forum des images à Paris, du 29 janvier au 7 février. Cette année, il est parrainé par Jacques Attali et le réalisateur haïtien, ancien Ministre de la culture de son pays, et nouveau Président de la Fémis, Raoul Peck.

Faisant le lien entre cinéma et politique, société, peuples, cette manifestation mélange les regards du monde : Jeon Soo-il, Nikita Mokhalkov, Claire Denis, Merzak Allouache, Hana Makhmalbaf, Michel Ciment, Florence Aubenas, William Karel...

Dix avant-premières rempliront chacune des dix soirées : White Material en ouverture, puis 12, le remake russe de 12 hommes en colèreThe Messenger, Himalaya, Moloch Tropical, qui lui s'inspire du Moloch de Sokourov, Lola, le nouveau Mendoza, Harragas, Bassidji, Pepetuum Mobile et Téhéran.

Deux grands thèmes traverseront la programmation. Corée : bouleversement d'une identité avec en plus une table ronde, "Corée, singulier ou pluriel?" le 6 février. Des films peu connus de l'avant-garde cinématographique décriront une Corée inédite, en pleine mutation, entre tradition et modernité. Parallèlement, Le retour du religieux? posera aussi la question identitaire, et cet équilibre préilleux entre valeurs ancestrales et monde contemporain complexe. Avec des films de Chahine, Darabont, Reygadas et Makhmalbaf, on fera le tour du monde et des cultes.

Le festival organise aussi une rétrospective Raoul Peck , une rencontre avec Nikita Mikhalkov et un Focus sur l'Iran. Manière de mettre en avant trois destins qui nous concernent au premier plan ces temps-ci : Haïti, la Russie de Poutine, la rébellion contre le régime de Téhéran.  Quatre films réalisés ces derniers mois débarqueront en avant-première en Frnce, avec la possibilité de discuter avec leurs auteurs.

Le cinéma ne sera pas oublié avec un bilan 2009 en cinq conférences. La désobéissance, la crise, la planète écologique, la prison seront ainsi analysées et commentées grâce à un 7e art qui a témoigné de ces enjeux.

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Site officiel Forum des Images

Haïti, les tremblements de terre et le cinéma

Posté par vincy, le 15 janvier 2010

haiti1.jpgLe séisme de 7.3 qui a frappé Haïti, et dans une moindre mesure la République Dominicaine et Cuba restera parmi l'un des plus violents de ces dernières décennies. Je vous invite à suivre l'actualité de cette tragédie dans l'excellent dossier de Courrier International. Cela montre bien qu'une image est vecteur d'émotion, vaut 1000 discours. Ainsi est notre époque: l'image est le premier témoignage. Et là, d'images, il n'y en avait point durant les premières heures. Nous, consommateurs avides de sensations visuelles fortes, étions aveugles.

Alors on s'imaginait. Un tremblement de terre, nous savons ce que c'est. Dans 2012, dans Volcano, dans autant de films catastrophes, on "voit" bien à quoi cela peut ressembler en matière de dévastation. De San Francisco à Tremblement de terre, la Californie en a bavé au cinéma. Sans parler du cinéma japonais, très friand de secousses et de bétron friable. Produire des images terrifiantes pour évacuer nos peurs... Les immeubles s'écroulent, les routes se fissurent puis se déchirent, le mobilier tombe, le feu s'embrase, ... les morts, les blessés s'accumulent.

Le cinéma en a fait sa catastrophe naturelle préférée.

Mais on ne s'imaginait pas Haïti. Que conaît-on de ce pays, l'un des plus pauvres du monde? Qui sait qu'Anthony Kavanagh, Garcelle Beauvais et Sidney Poitier sont originaires de là-bas? Michelange Quay, Raoul Peck, Lise Constantin sont parmi les rares cinéastes haïtiens, mais ils tournent (à l'étranger). N'oublions pas le peintre Jean-Michel Basquiat ou l'écrivain Dany Laferrière (qui réalisa Comment conquérir l'Amérique, comédie canadienne sur un jeune immigré haitien).

On connaît Haïti, mais avec des images de bidonvilles, de pauvreté, de cocotiers. Ironiquement, l'un des premiers films montrant le pays, est un reportage sur un incendie qui ravageait la Place Pétion à Port-au-Prince, "Dernier incendie du 15 décembre 1899 à Port-au-Prince", qui fut diffusé le 30 décembre.

haiti2.jpgUne île isolée de la planète 7e art ou presque

Peu de cinéastes eurent l'occasion ou l'inspiration de tourner sur place. Et la production locale est presqu'inexistente (à l'exception de l'art vidéaste), malgré la présence d'institutions éveillant aux arts visuels. Le régime du dictateur Duvalier a coupé la population du 7e art qui devait se contenter de westerns ou de films avec Bruce Lee. Les haïtiens disposent de quelques complexes de cinéma qui appartiennent quasiment toutes au même groupe local.

Cela a conduit de nombreux artistes à l'exil. Personne ne voulait filmer Haïti, dont les besoins appelaient à d'autres priorités. C'est donc un cinéma de diaspora dont la figure historique s'appelle Arnold Antonin, documentariste et cinéaste, et le plus connu Raoul Peck, récemment nommé Président de la Fémis.

Haiti était pourtant mentionné dans Quantum of Solace, le plus récent James Bond. Mais Panama a fait l'affaire en matière de décors. Territoire du vaudou, quelques films y ont planté leur scénario, mais pas forcément leurs caméras. On mentionnera The Comedians (1967) avec Liz Taylor et Richard Burton , tourné au Bénin!, ou Vers le Sud  (2005) de Laurent Cantet (tourné entre Haïti et son voisin la République Dominicaine). L'horreur a souvent été comblée avec une telle île, de White Zombie en 1932 à un Wes Craven (L'emprise des ténèbres) en 1988, qui faisait d'Haïti le cadre du script à défaut d'en faire le décor.

haiti3.jpgDes célébrités se mobilisent

Deux jours après le séisme, Port-au-Prince est, vue du ciel, blessée de toutes parts, cicatrices béantes, urbanistiquement amputée. 50 000 morts selon les dernières estimations. D'inombrables blessés, des centaines de milliers de personnes sans toits, sans rien. Il est inutile de parler de cinéma : il y a un besoin de vivres, de médicaments et de soins, d'eau potable, ... La révolution twitter attendra, malgré la fascination des médias pour ces nouveaux outils qu'ils maitrisent si mal.

Aux Etats-Unis, comme nous vous l'annoncions sur Facebook hier, George Clooney a lancé l'idée d'un téléthon dès mercredi soir lors d'une soirée en l'honneur d' In the Air. MTV diffusera la collecte de fonds, présentée par Clooney lui-même, vendredi prochain. Son copain Brad Pitt et sa femme, Angelina Jolie, ont déjà versé un million de dollars en faveurs des secours. Charles Aznavour , ainsi que Stomy Bugsy, Grand Corps Malade, Princess Erika et une quarnataine d'artistes, vont enregistrer une chanson "Un geste pour Haïti chérie". Le clip incitera à faire un don pour la Croix Rouge et Médecins sans frontières. Le comédien et humoriste Anthony Kavanagh a lancé un appel ce matin sur une radio nationale pour que les chaînes télévisées organisent " une levée de fonds ou faire un Téléthon pour aider Haïti." Robert Hossein a indiqué que l'intégralité de la recette du 24 janvier de son spectacle Seznec sera reversée à Médecins du Monde.

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haiti4.jpg Pour les dons, cette très bonne intiative du Monde : Haïti : à qui donner?

Actuellement, plus de 6 millions d'euros de dons ont été récoltés en France par les organisations humanitaires en France, dont 1 500 000 euros pour la Fondation de France (actions et projets postérieurs pour la reconstruction), 700 000 euros pour Terre Solidiaire, 650 000 euros pour Action contre la famin. Médecins du Monde et MsF ont chacun reçu 400 000 euros.

2009, année prophétique et apocalyptique ?

Posté par vincy, le 28 décembre 2009

tehotihuacan.jpgCourrier international vient de consacrer un énorme dossier sur un sujet que n'importe quel cinéphile connaît sur le bout des doigts : Prophéties, apocalypses et fins du monde.

C'est dans l'actu : le Musée du Quai Branly expose triomphalement la civilisation mésoaméricaine de Tehotihuacan (photo). Au bout du parcours, un panneau pédagogique nous apprend, selon les croyances des habitants de cette grande cité antique, que les Dieux, en tant que créateurs, décideront eux-mêmes de la fin de leur civilisation.

Plus au sud, les Mayas avaient prédit une fin du monde pour 2012. Prétexte au film de Roland Emmerich sorti cet automne, avec succès. Car l'apocalypse est un produit inusable. Fantasme destructeur imparabale, Hollywood nous en fait régulièrement des variations sur le même thème. En fait le cinéma a commencé à s'en préoccuper dès les années 1915.

Rien que cette année, des robots ont menacé notre planète dans Transformers, un super-héros a sacrifié les centres des plus grosses mégapoles dans Watchmen, un religieux du Vatican a survécu (temporairement) à une explosion à forte déflagration au dessus du Vatican dans Anges et démons, sans oublier Prédictions, District 9, ou le post-apocalyptique La route. A une différence de taille pour le spectateur : dans 2012, les êtres humains sont des silhouettes et des petites poupées numériques écrasées par l'intérêt du réalisateur de montrer des villes te des régions entières se détruire. L'Homme n'a que peu d'importance dans ce jeu de massacre. Dans La Route, c'est l'inverse, seule compte la détresse des survivants, et finalement leur désolation psychologique.

Les occasions n'ont pas manqué pour casser la belle planète bleue dans tous les sens. Et ce n'est pas nouveau. Emmerich avait déjà réalisé deux films dans le domaine, Independance Day et Le jour d'après. Extra-terrestre, spatiale (Armageddon), scientifique (Mr. Nobody, à venir en salles) ou climatique, les menaces sont toujours "bigger than ever". Et pourtant, à chaque fois, le monde est sauvé.

Fascinations qui jouent avec nos peurs et titillent notre existentialisme. Nous sommes si peu. De Nostradamus (mauvais biopic) à la science-fiction, les hommes ont toujours eu besoin de vivre par procuration l'ultime mort : celle de leur espèce. Mais à ce jeu là, le cinéma produit des visions inégales. La guerre des mondes de Steven Spielberg, farce horrifique sentimentale, a peu de choses à voir avec Terminator 2 : le jugement dernier de James Cameron, série B dopée aux emphés mais dotée, aussi, d'une scène ultra-réaliste d'une explosion nucléaire à Los Angeles. Là on rigole beaucoup moins. Très loin de Mars Attacks! de Tim Burton qui s'amuse avec les codes, tout en montrant les inévitables monuments du patrimoine mondial se faire dévaster.

Mais, sans effets spéciaux, et souvent avec une sobriété toute aussi saisissante, le cinéma, parfois imagine cette fin du monde sous le regards d'auteurs comme Don McKellar dans Last Night. Tout s'arrête à l'heure dite. Il n'y a plus rien. Ou comme les frères Larrieux cette année, dans Les derniers jours du monde, où, la nuit envahit tout, le temps s'est arrêté, la vie n'existe plus vraiment. Deux fables où l'écran, soudainement, devient noir.

Nul n’est prophète en son pays

Posté par vincy, le 7 décembre 2009

unprophete_prison.jpg 

De quels prophètes accouchent les prisons ? Film de genre en soi, le film « incarcéré » a donné quelques grandes œuvres au cinéma. Huis-clos au destin souvent fatal. Le journaliste russe d’Expert profite de la sortie du film de Jacques Audiard, Un prophète, dans son pays pour tisser un intéressant parallèle entre la prison française, très fictive pourtant, et l’histoire communiste de la Russie, alors territoire enfermé dans ses barbelés. L’éloge de ce Rastignac sans caractère et adaptable à toutes les situations semble avoir séduit le monde entier : Grand prix du jury à Cannes, meilleur film  au Festival de Londres, meilleur film étranger selon le Bureau national des critiques américains, six fois cités aux European Film Awards, nommé aux Independant Spirit Awards dans la catégorie meilleur film étranger, le film fait figure de favori aux prochains César (trois de  ses acteurs sont sélectionnables dans la catégorie meilleur espoir masculin) et de sérieux candidat pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.

Un an après l’emballement pour la vision désenchantée du collège dans Entre les murs, le cinéma français propose une observation lyrique de la prison. Courrier International, dans son n°996 du 3 décembre, fait un tour du monde des cellules à barreaux. Et si le journaliste se désole que le cinéma russe (dont la production va assez mal ces temps-ci) ne s’y intéresse pas, le cinéma mondial est riche en films, souvent critiques sur les conditions (in)humaines ou historiques, traitant du sujet. On se souvient récemment d’Hunger en Irlande du Nord, de Buenos Aires 1977 ou encore de Leonera en Argentine, de Carandiru au Brésil, ...

Hollywood n’a pas été avare : des films comme The Shawshank redemption (ou du même réalisateur La ligne verte), Papillon, La grande évasion, Midnight Express, L’évadé d ‘Alcatraz… montrent l’étendue des possibilités scénaristiques. Sans compter les séquences « en prison » des thrillers. De Soderbergh à Scorsese, tous les cinéastes y passent.

Du coup, comme le souligne le Changjiang Shangbao, dans le même numéro de Courrier International, ils ne sont pas censurés, car ils reflètent une vérité. Aussi l'article se plaint quand il invoque que le thème est « ignoré par le cinéma chinois ». Le cinéma officiel, en effet, ne veut pas regarder cette face la plus sombre du régime communiste. Pourtant, comme il le mentionne, il y a matière à inspiration avec tous les faits divers chinois qui meublent les colonnes des journaux. Bien sûr le cinéma indépendant a flirté avec. Il suffit de (re)voir Train de nuit, de Diao Yinan, où l’on assiste à des exécutions de femmes condamnées. L’article d’An Ping rappelle quand même qu’une version chinoise de Vol au-dessus d’un nid de coucou a pu être produite cette année. L’internement psychiatrique semble une voie « politiquement acceptable » par le régime pour un film.

Reste que ce genre si particulier, avec ses codes et ses contraintes, empêche parfois de se libérer de quelques clichés ou détours obligatoires. C’est sans doute pour ça que ce Prophète d’Audiard a su plaire : il est davantage du cinéma que du documentaire, bien plus proche du thriller initiatique que du western moraliste.

La prison reste un décor fascinant pour le cinéma, sans doute parce qu’elle révèle toutes les contradictions d’une civilisation qui se dit démocratique, civilisée, tolérante, alors qu’elle garde au fond d‘elle de violents démons et de noirs desseins.

Tourisme sexuel : sujet tabou pour le 7e Art

Posté par vincy, le 15 novembre 2009

Courrier International a souvent relaté des affaires de tourisme sexuel, et pa sseulement en Thaïlande mais aussi en Belgique ou en Espagne. Les interprétations autour du livre de Frédéric Mitterrand, La Mauvaise vie, ont été l'objet de manipulations et de justifications par toute la classe politique française. Il y décrivait précisément, mais plutôt pudiquement, une forme de consommation sexuelle de jeunes gens. Michel Houellebecq, dans Plateforme, avait été autrement plus cru et surtout amoral, en y voyant la seule issue à la déchéance de l'homme occidental. André Gide avait tracé la voix. Ce que, dans l'article de Akram Blekaïd (Le Quotidien d'Oran), on nomme "les salopards bedonnants à la peau cramoisie" (voir article dans Courrier International 991, du 29 octobre).

Le cinéma a souvent traité de toutes les formes de sexualité, dans tous les genres. Le tourisme sexuel, cependant, est plus rare. Hormis l'ambivalent chef d'oeuvre Mort à Venise - qui n'est pas à proprement parler lié au tourisme sexuel, mais peut s'y rapporter -  les rares films abordant le thème sont restés confidentiels. Combien de cinéastes ont été filmer les Occidentaux faisant leur marché à Phuket en Thaïlande, à Marrakech au Maroc, ou même de l'autre côté du périph', dans les banlieues de grandes villes? Sans oublier l'Europe de l'est (les mariages arrangés, façon Je vous trouve très beau), le Brésil, la Chine...
Sujet tabou. Seul Laurent Cantet a osé, récemment, aborder le tourisme sexuel a cinéma, avec Vers le sud, en 2005. Charlotte Rampling faisait son commerce de beaux blacks à Haïti. Comme d'autres femmes blanches le font au Sénégal ou en Jamaïque. Sinon on peut noter d'autres fictions comme le film allemand Via Appia (1990), How Stella Got Her Groove Back (1998), Shirley Valentine (1989)

Objet de documentaires essentiellement, de nombreux téléfilms, cette mondialisation et marchandisation de la sexualité répond surtout, pour certains, à un fantasme issu de la mode, de la littérature et du cinéma. Le cinéma coupable de nourrir le tourisme sexuel en glorifiant le culte de la jeunesse? En tout cas, il devient urgent qu'il apprte un point de vue sur ces moeurs, et ce, peu importe la morale.

Le génocide au Rwanda n’est pas un sujet facile pour le cinéma

Posté par vincy, le 29 octobre 2009

le jour où dieu est parti en voyage

Si le documentaire a trouvé légitimement sa place dans les salles pour évoquer le génocide rwandais de 1994, (voir Le Rwanda depuis le génocide, dossier de Courrier International), la fiction a plus de difficultés à traiter du sujet. Délicat politiquement, complexe humainement, il part nécessairement d'un point de vue individuel. Le plus connu est Hotel Rwanda (2004), avec trois nominations aux Oscars et un certain succès international. Porté par une vedette hollywoodienne, Don Cheadle, le film de Terry George a réussi à sensibiliser les Occidentaux - qui ont une mémoire "zapping" - à une guerre ethnique qui a souvent été traitée de manière confuse par les médias.

Le cinéma a aussi porté à l'écran Shake Hands with the Devil en 2007, l'adaptation canadienne de l'autobiographie de Romeo Dallaire (incarné par Roy Dupuis) par Roger Spottiswoode. Autre faiseur connu d'Hollywood, le britannique Michael Caton-Jones qui a réalisé Shooting Dogs en 2005. Du Canada, on avait aussi remarqué Un dimanche à Kigali en 2006, de Robert Favreau, d'après le roman de Gil Courtemanche. Les trois films ont été nommés dans les prix les plus prestigieux de leurs pays respectifs. De quoi se donner bonne conscience? Enfin on note quelques téléfilms remarquables (notamment ceux de Raoul Peck et Nick Hughes).

Dix ans pour digérer un tel massacre et pouvoir le livrer en sujet de fiction, d'émotion. Quinze ans même pour que Philippe van Leuuw (voir interview) puisse filmer Le jour où Dieu est parti en voyage, qui est sorti hier en salles. "(Ce film) ne tente pas d’expliquer, ni même de raconter le génocide rwandais. C’est à peine s’il ose en esquisser le contexte, réduit à un déferlement de violence aveugle et incompréhensible qui se déroule hors champ. Exactement comme les Tutsis ont dû le ressentir au début : une chose inimaginable, dépassant l’entendement, à laquelle il fallait avant tout échapper" explique EcranNoir.fr.

Le cinéaste belge explique pourquoi le Rwanda n'est pas n'importe quel sujet, n'importe quel génocide. "Avant le Rwanda, j’avais l’impression qu’on était arrivé à la théorisation et à la sacralisation de la notion de génocide. Le Rwanda, je l’ai pris en pleine figure. C’était très concret. Sur la place publique. On était tous témoins et impuissants."

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jeu concours sur le site de courrier international pour gagner des places et aller voir le film Le jour où Dieu est parti en voyage.

L’Islande proche du krach cinématographique

Posté par vincy, le 22 octobre 2009

dreamland islandeLa crise économique a touché de plein fouet un tout petit pays, l’Islande. Une nation à part, posée sur le nord de l’Atlantique, près de l’Arctique. L’Islande, malgré ses 320 000 habitants, a toujours été un terreau culturel très riche, d’abord littéraire, surtout musical (Björk mais aussi Sigur Ros *), mais aussi cinématographique.

Dans l’article du quotidien québécois Le Devoir paru dans Courrier International 988 (voir article) on apprend que la culture souffre terriblement de la faillite financière du pays. Qui est étonné ? Le secteur culturel des plus petits pays dépend, plus que les autres, des subventions publiques ou de crédits bancaires. Ainsi Le Devoir nous apprend que le Centre Cinématographique islandais  verra ses fonds diminuer de 20% et peut-être plus.

La fréquentation n'avait jamais souffert. Sur les dix dernières années, elle est restée stable, entre 1,4 et 1, 57 million de spectateurs (chiffres Observatoire européen de l’audiovisuel). Cela fait en le pays le plus cinéphile d’Europe avec 4,77 films vus par habitants, devant les Irlandais, les Espagnols et les Français. L’Islande possède déjà 21 écrans numériques sur la cinquantaine de salles du pays et dispose de 3 chaînes de VOD. Mais les murs se fissurent...

En effet, cette année, les productions nationales ont du mal à s’imposer face aux productions américaines. Depuis le week-end du 9 janvier, aucun film islandais n’a été numéro 1 du box office. Il s’agissait de Solskinsdrengurinn (quoi, vous ne parlez pas islandais ? The Sunshine Boy, donc en version anglophone) qui a peiné pour cumuler les 100 000 $ cumulés de recettes. Il s’agit pourtant, à date, du plus gros succès local de l’année, et seulement le 24e toutes nationalités confondues.

Enfin presque. Car il ne faut pas oublier Draumalandid (Dreamland) (en photo), documentaire d’Andri Snær Magnason et ses 123 000 $ de recettes (17e champion de l’année pour l’instant). Le film est l’adaptation de l’essai écrit par le réalisateur, primé par le Goncourt local, et traitant d’un scandale écologique et financier en pleine crise économique…

On note une véritable chute de la fréquentation par rapport à l’an dernier. En 2008, sept films dépassaient les 300 000 $ de recettes, dont l’islandais Brúðguminn (i.e. White Night Wedding, 800 000$) et trois autres films au dessus des 100 000$ au box office. Cette année, seuls deux films, Harry Potter et Very Bad Trip, ont réussi à passer le cap des 300 000$.

Ces mauvais chiffres, et les problèmes de financement, ne rassurent personne dans la profession. Le cinéma islandais, né en 1906, assez anémique dans les années 60 et 70, a connu une renaissance dans les années 80, devenant une cinématographie à part entière et reconnue dans le monde entier. Les années 90 confirmèrent la tendance, et le pays produisit 5 à 7 films par an. Avec 101 Reykjavik et le succès phénoménal de Björk (prix d’interprétation à Cannes pour Dancer in the Dark), le début du millénaire alimenta ce bouillonnement. Hélas, même dans un pays aussi cinéphile que la France, on ne connaît que quelques films – notamment ceux de Solveig Anspach ou de Baltasar Kormakur. L’absence de financements et l’assèchement de marchés extérieurs condamnent le cinéma islandais.

Avec le risque de ne produire que deux ou trois films par an, l’Islande risque de revenir à ses années les plus pauvres… Un revirement de situation inattendu pour un pays qui n’a jamais autant fasciné les européens.

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* Ne manquez pas Le cinéma de Sigur Ros, à l’Elysée Biarritz le 28 novembre à partir de 19h, site internet

Detroit, ton univers impitoyable…

Posté par vincy, le 30 septembre 2009

Il y a quelques semaines, je vous évoquais le destin déclinant des villes du Michigan chères à Michael Moore, comme Detroit ou Flint, ravagées par la crise de l’automobile et une pauvreté rampante (il suffit de voir Eight Mile ou Out of Sight…). Dans le Courrier International du 17 septembre, le USA Today titrait « Quand Detroit rêve de supplanter Hollywood ».

Ancienne grande métropole nord-américaine, Detroit, à cheval entre les grands lacs et le Canada, espère séduire les producteurs pour dynamiser son économie locale, mais aussi revaloriser son image, très atteinte par 35 ans de crise.

Certes, la ville dispose de tout ce qu’il faut pour attirer d’importants tournages : chambres d’hôtels de luxe, décors variés, y compris naturels, et quelque part un environnement « neutre ». Detroit peut ressembler à n’importe quelle ville américaine, hormis celles qui ont du cachet, comme New York ou San Francisco.

Cette reconversion n’a donc rien d’une lubie. De là à dépasser Hollywood, il n’y a qu’un raccourci journalistique, qui s’apparente plus à de la provocation sensationnaliste qu'à de la réflexion rationnaliste. Avec une politique de crédits d’impôts et un niveau de vie moins cher qu’à Los Angeles, Detroit a en effet des avantages financiers indéniables pour un producteur. Cependant, Detroit a un climat très rude durant six mois de l’année. Malgré le Renaissance Center au cœur de la ville, l’urbanisme n’a rien de glamour. Et même si Los Angeles est un lieu de tournage très cher, les stars préféreront toujours bruncher et négocier leurs contrats sur une terrasse sud-californienne et se promener avec leur chien sur la plage (pour la photo dans le magazine people). On voit mal ces accros du bronzage migrer dans les pleines enneigées du Michigan.

Detroit prend davantage au Canada qu'à Hollywood

Mais surtout, les studios ont toujours choisi « à la carte » leurs lieux de tournages, en fonction de différents critères – fiscaux, humains, techniques… En fait Detroit bénéficie surtout de trois facteurs : la crise économique et la pression des actionnaires qui obligent à contrôler au plus près les budgets favorisent les villes à bas coûts. Le protectionnisme ambiant qui a délocalisé les tournages de Montréal ou Toronto (à une heure d’avion de Detroit) aux Etats-Unis. Enfin, les villes dépeuplées ne gênent pas les rares habitants; mais au delà de cette donnée, beaucoup de films ont pour cadre la chute du modèle américain, dont Detroit est le parfait symbole.

Bien sûr la roue tourne. Hier Toronto, La Nouvelle Orléans ou Vancouver. Aujourd’hui Detroit, Albuquerque ou Philadelphie. Demain, ailleurs. Sans parler de la concurrence étrangère. La Hongrie annonce la construction d’une cité du cinéma composée de huit studios. Besson prévoit un équivalent à Babelsberg ou la Cinecitta en Seine Saint-Denis. Et la Nouvelle Zélande sait accueillir des films comme Avatar.

Detroit va devoir investir pour garder son rang. Ironiquement d’anciennes usines automobiles vont se transformer en studios de production. Montréal avait opté pour cette politique ruineuse et subit actuellement un gros trou d’air. Au delà, il faut former les gens, et pas seulement les techniciens.

Car si L.A. garde son rôle de capitale mondiale de l’image c’est que les décideurs, les financiers, mais aussi les créatifs (et leurs avocats) y sont tous concentrés. Detroit pour l’instant n’est jamais qu’une « usine à rêves », apte à être délocalisée facilement.

Pour les Américains, le cinéma n’est qu’une industrie comme les autres. Et ce qui a tué Detroit, c’est l’absence de regénérescence de l’automobile, incapable de s’adapter.
Ce qui a sauvé Montréal c’est d’investir dans les images de demain, comme les jeux vidéos. Pas de tout miser sur le 7e Art.

Le jeu vidéo, ultime conquête du cinéma?

Posté par vincy, le 28 août 2009

princeofpersiapic2.jpgDans Ultimate Game, qui sort mercredi 2 septembre sur les écrans français, un créateur de jeux invente des logiciels si puissants que ce sont de vrais humains qui sont contrôlés par les joueurs, à travers des nanotechnologies implantées dans le cerveau des « personnages ». Society ressemble ainsi furieusement aux Sims. Quant à Slayers il démontre avec quel cynisme on s’amuse de l’ultraviolence. Si le film, en soi, est trop binaire pour que la satire soit profonde, il s’interroge avec pertinence sur la surenchère du jeu vidéo dans nos sociétés, le rapport du consommateur avec l’interactivité et le virtuel. Le premier tiers du film n’est qu’un jeu vidéo réalisé pour le cinéma : sans joy-stick. Et c’est là que le spectateur est frustré, là où le joueur se serait éclaté. Le jeu vidéo est une menace plus grande pour le cinéma que le piratage. Les cinéastes en ont bien conscience. Tous les plus beaux et spectaculaires effets numériques ne remplaceront pas un jeu interactif où le joueur est l’acteur principal. En termes de sensations, le jeu sera toujours plus fort que le film, même si le cinéma reste le plus beau vecteur d’émotions.

Les critiques désastreuses autour de ce type d’adaptations ont freiné les inspirations

Courrier International
fait sa couverture avec le phénomène des jeux vidéo qui désormais s’adressent à tous les sexes et tous les âges. Le Los Angeles Times note qu’après la grande vogue des adaptations de bande dessinées, la mode est aux transpositions de jeux vidéo sur grand écran. Ce n’est pas vraiment nouveau, mais jusqu’à présent il s’agissait de séries B. Ainsi la trilogie des Resident Evil, avec Milla Jovovich, a cumulé 377 millions de $ dans le monde. Silent Hill (100 millions de $ dans le monde), Hitman (100 millions de $ dans le monde aussi), Mortal Kombat (122 millions de $), Doom (54 millions de $), Street Figther (100 millions de $) peuvent être classés dans la catégorie navets. Gros succès en jeux, Super Mario Bros ou encore Wing Commander ont été d’énormes fiascos au cinéma… La plupart dépasse rarement les frontières japonaises et finissent en imports ou en vidéo en occident. Beaucoup ont été réservés pour le petit écran, souvent formatés en séries animées. On aurait pu croire que les cartons de Tomb Raider (430 millions de $ dans le monde en deux épisodes) allaient entraîner une vogue du genre. Mais les critiques désastreuses autour de ce type d’adaptations ont freiné les inspirations.

Artistiquement, seul Final Fantasy : The Spirits Within (à peine 85 millions de $) est regardable.Il semblerait qu’Hollywood veule désormais y mettre les moyens. Après Max Payne (86 millions de $ au BO mondial), les studios commencent à réinvestir dans le secteur. On va ainsi revoir un Mortal Kombat en 2010. Tekken finira sans doute dans les rayons DVD assez rapidement après sa sortie en salles. Cependant Spy Hunter, Clock Tower, Driver, Splinter Cell, Halo sont déjà en pré-production. Les Sims pourraient envahir les salles d’ici 3-4 ans.Aucun Myst à l’horizon ni de Space Invaders. Pas de Quake, de Donkey Kong, ou de Grand Theft Auto. Mais World of Warcraft est attendu pour 2011, réalisé par Sam Raimi lui-même. On change de niveau. Lara Croft serait de retour, sans Jolie, en 2012.

Inventer le spectacle du XXIe siècle
Surtout, Walt Disney et Jerry Bruckheimer (Benjamin Gates, Pirates des Caraïbes, Armageddon, « Cold Case ») ont produit l’adaptation du jeu vidéo d’Ubisoft, Prince of Persia. Tourné principalement au Maroc durant l’été 2008, il sortira dans les salles en mai 2010. Réalisé par Mike Newell (Harry Potter 3, 4 mariages et un enterrement), il met en vedette Jake Gyllenhaal. Autant dire qu’il s’agit du premier blockbuster calibré pour être un succès mondial au cinéma, et pas une simple extension de jeu vidéo pour le samedi soir.

Si Prince of Persia encaisse les dollars, on peut imaginer les studios se jeter sur tous les jeux vidéos de ce style. D’autant que la jeune génération de cinéastes a baigné dans ces jeux. Le divertissement leur est familier. Il s’agit même pour certains d’une source d’inspiration, comme peut l’être la peinture, la photographie ou le cinéma étranger. Les réalisateurs pourront même s’amuser à imaginer et réaliser des jeux comme on fait appel à des comédiens célèbres pour incarner des personnages. Il est fort probable qu’un film puisse être le départ d’une histoire qui se déclinera en jeu vidéo, ou l’inverse : que la conclusion d’un jeu soit un film de cinéma. Le 7e Art a encore une petite lognueur d'avance avec la technologie 3D. mais elle sera de courte durée, puisque le relief arrivera assez vite sur les écrans d'ordinateur et de télévision. Il est dans ce cas assez logique que le Comic Con de San Diego soit devenu un lieu incontournable pour les Jackson, Spielberg, Cameron et autres Verbinski. BD, jeux vidéos et cinéma s’allient désormais pour inventer le spectacle du XXIe siècle.

R&sonn@nces

Posté par vincy, le 3 juillet 2009

Ce n’était pas dans la rubrique cinéma. Il s’agissait juste de la une de Courrier International. « Iran : Pourquoi la révolution n’a pas eu lieu (pas encore) ». Quel rapport avec le 7e Art ? Il faut revenir au festival de Cannes. Ouverture de la sélection Un certain regard par le film Les chats persans, de Bahman Ghobadi. Le film recevra un prix spécial par le jury.

Bahman Ghobadi, Caméra d’or en 2000 pour Un temps pour l’ivresse des chevaux, est un des cinéastes les plus représentatifs de la Nouvelle vague du cinéma iranien, celle qui délaisse les allégories poétiques pour privilégier un regard plus social et réaliste. Dans un entretien à Télérama, il s’explique sur ce style plus radical. « J’ai laissé de côté les considérations esthétiques, raconte Ghobadi. Il était temps de foncer et de montrer la société iranienne. Le cinéma iranien s’est trop affadi ces dernières années en essayant de composer avec la censure. On avait peur de faire des films. Les techniciens et les acteurs refusaient de tourner si on n’avait pas d’autorisation gouvernementale. Tout est contrôlé, alors que le pays bouge et que les sujets de films sont innombrables. C’est pour ça que dès qu’on m’a suggéré de faire un film sur les musiciens, je me suis lancé. Dans la clandestinité. »

Ghobadi, primé dans de nombreux festivals du monde entier avec ces cinq longs métrages, n’est pas le bienvenu dans son propre pays. Ses films ne sont pas autorisés par les autorités islamiques. Dans Les chats persans, il démontre, avec une scène qui fait rire jaune l’absurdité du discours des Censeurs.

Si le film, en tant qu’œuvre cinématographique, subit son scénario puzzle, il devient, en tant qu’œuvre politique, une fiction documentaire incontournable. Les récents événements en Iran montrent à quel point la tragédie des Chats persans résonne avec justesse. Dans ce film, la musique « underground », du punk au hip-hop en passant par le rock alternatif, est souvent interdite sous le seul prétexte que ces chants persans sont en anglais. Cette jeunesse iranienne, en écho à la jeunesse chinoise évoquée par Lou Ye dans son film sur la répression de Tian An Men, résiste déjà à sa manière : soirées, concerts, chansons… et l’exil quand tout devient insupportable, quand les séjours en prison se multiplient. A peine remis de a dépression nerveuse, Bahman Ghobadi vient lui-même d’être arrêté et incarcéré avant d’être libéré, tandis qu’il revenait, à ses risques, dans son pays (voir actualité du 11 juin).

Finalement le film de Ghobadi montrait déjà les raisons de la colère iranienne, les moyens de sa résistance (Internet, le bouche à oreille…), l’aspiration à s’exprimer librement comme objectif fondamentaliste. L’arrestation du réalisateur prouvait par la même occasion que le régime iranien ne supportait pas cette liberté de parole. Le résultat est évidemment l’inverse de ce qu’ils souhaitaient. Ces tyrans prouvent qu’il est légitime de se battre contre une tel dictat, qu’ils répriment aveuglément toute opposition.

 Les Occidentaux, pour un coût raisonnable, celui d’une place de cinéma, peuvent ainsi afficher leur solidarité en allant voir (et écouter) le mélancolique film de Ghobadi. En France, il faudra attendre le 23 décembre. Drôle de date, si lointaine alors que les événements sont si proches. Car, d’ici là, l’Iran aura peut-être versé beaucoup trop de sang. Ils découvriront un Iran moderne, jeune, musical mais, hélas, désenchanté.