Pour ce troisième volet consacré aux courts métrages cannois, un thème incontournable et même un peu tarte à la crème : la jeunesse. Qu'il se décline sous forme de coming of age, de teen movie, de portrait intime ou d'instantané d'une génération, il semble représenter un court métrage sur deux, et mettre d'accord les réalisateurs de tous les pays. Pas si étonnant quand on réalise qu'observer l'enfance, l'adolescence et le début de l'âge adulte, et surtout les phases de transition entre chaque époque, s'avère souvent assez fascinant. Peut-être parce que cela permet aux sélectionneurs que nous sommes de garder un contact avec les jeunes générations. Ou tout simplement que cela nous rappelle une période de notre vie de plus en plus lointaine...
Pour les réalisateurs, c'est plus ou moins la même chose : les plus jeunes parlent de ce qu'ils connaissent, de sensations et de situations qu'ils viennent à peine de quitter. Les autres renouent avec leur passé, ou s'interrogent sur cet âge si particulier et si mouvant, qui ne cesse d'évoluer avec les époques.
Pour commencer notre voyage, on part aux Etats-Unis avec Too cool for School de Kevin Phillips, sélectionné à la Semaine de la Critique en 2015 (réservé à un public adulte). Un ado apathique, plus préoccupé par le fait de coucher avec sa petite amie que par ses études, décide de sécher le lycée. De retour chez lui, un étrange phénomène le confronte à sa vraie personnalité, et le masque du jeune cool et sûr de lui tombe brutalement. Le film, lui, bascule du teen movie propret vers le cauchemar éveillé qui met en lumière avec brio les angoisses et l'ambivalence du personnage.
On passe ensuite à un grand classique du court métrage cannois, C’est gratuit pour les filles du duo Marie Amachoukeli - Claire Burger, présenté en 2009 à la Semaine de la Critique. On y suit Laetitia qui s'apprête à passer son brevet professionnel de coiffure et rêve d'ouvrir un salon avec sa meilleure amie Yeliz. Mais une vidéo diffusée largement sur internet vient tout remettre en cause. Dans le style documentaire qui est le leur, les deux réalisatrices se penche sur un véritable fléau moderne, accentué par la prédominance des réseaux sociaux, la diffusion en ligne de vidéos intimes. Le film, malheureusement toujours extrêmement d'actualité, suit avec pudeur et justesse le parcours de Laetitia, dont il réaffirme le droit de faire ce qu'elle veut de son corps, n'en déplaise à la fois aux moralistes hypocrites et aux harceleurs décomplexés.
Troisième étape de cette sélection, Selva de Sofía Quirós Ubeda nous emmène au Costa Rica, sur la presqu'île de Tortuguero, aux côtés de la jeune Selva qui observe son monde en train de disparaître. La réalisatrice tisse un récit lumineux et doux sur la fatalité des départs et des séparations, où même la nostalgie a quelque chose de joyeux. Il faut accepter de lâcher prise devant cette histoire qui nous parvient depuis les origines du monde, transcendant l'espace et le temps pour nous parler de ce qui nous fait grandir et apprendre.
Enfin, notre programme se termine en beauté, comme en apothéose, avec le flamboyant court métrage d'Agnès Patron, L'Heure de l'ours, sélectionné en compétition officielle l'an passé. Les lecteurs assidus d'Ecran Noir connaissent déjà ce succès incontournable de 2019, qui raconte, dans des éclats de rouge et de vert sur fond noir, le combat immémorial des enfants pour gagner leur liberté et s'affranchir des adultes. Au-delà de sa force d'évocation et de sa beauté singulière, le film est comme le symbole du mouvement de flux et de reflux qui oscille entre l'attachement à l'enfance et le désir de lui échapper.
Pour découvrir notre mini-programme en ligne :
Too cool for school de Kevin Phillips
C'est gratuit pour les filles de Marie Amachoukeli et Claire Burger
Selva de Sofía Quirós Ubeda
L'heure de l'ours d'Agnès Patron
Et pour retrouver nos deux premiers programmes, c'est par ici et par là !