La 33e édition du Bruxelles International Fantastic Film Festival (BIFFF pour les intimes) a fait couler des larmes et du sang, et sa résurrection d’outre-tombe est bien entendue déjà prévue pour 2016, ‘à l’aise’ selon l’expression belge.
Pendant 13 jours il y a eu une centaine de films, quelques unes en avant-première mondiale. Plusieurs jurys se répartissaient la Compétition Internationale, la Compétition Européenne, la Compétition 7ème Orbit, la Compétition Thriller… Pour les films en Compétition Internationale le jury 2015 était composé de Richard Stanley, Andy Muschietti, Timo Vuorensola et Jonas Govaerts.
Une fois n'est pas coutume, c'est un film britannique qui a remporté le Corbeau d'or. C'est la quatrième fois qu'un film anglais repart avec le prix suprême et la deuxième fois que Bernard Rose est sacré, 26 ans après Paperhouse. Le cinéma espagnol, toujours très en forme, est quand même reparti avec quelques prix puisque 3 des 6 films que nous avions vus sont repartis récompensés.
- Corbeau d’Argent ex aequo: The Infinite Man réalisé par Hugh Sullivan
- Corbeau d’Argent ex aequo: Goodnight Mommy réalisé par Veronika Franz et Severin Fiala
-mention spéciale :Starry Eyes réalisé par Kevin Kolsch & Dennis Widmyer -Prix spécial du jury (prix Hong-Kong Economic and Trade Office pour leur 50e anniversaire de présence à Bruxelles) : The Blue Elephant réalisé par Marwan Hamed
Le palmarès des autres sections :
- Méliès d’Argent : L’altra Frontera réalisé par André Cruz Shiraiwa - mention spéciale pour la direction artistique :Musaranas réalisé par Juanfer Andres & Esteban Roel
- Prix Thriller : La Isla Minima réalisé par Alberto Rodriguez
- Prix du 7e Parallèle : Liza,The Fox-Fairy réalisé par Karoly Ujj-Meszaros -mention spéciale : l’acteur Leland Orser dansFaults réalisé par Riley Stearns
-Prix du Public : Liza,The Fox-Fairy réalisé par Karoly Ujj-Meszaros
L’année dernière le Corbeau d’Or et le Prix du Public était du même avis en sacrant Les Sorcières de Zugarramurdi de Alex de la Iglesia, et cette année 3 films espagnols sont encore cités. Pour la Compétition Internationale il y avait 15 films. Frankenstein, The Infinite Man, Goodnight Mommy étaient clairement dans les favoris, aux côtés deSpring et The House at the end of times.
Certains des films les plus forts étaient hors-compétition ou n’ont pas été récompensés puisque la plupart des jurys délibèrent pour un seul prix (et cette année plusieurs mentions spéciales), comme par exemple Sea Fog (sorti déjà en France le 1er avril), Eat, Therapy for a vampire, The stranger, Luna de miel, The terror live… Un élément troublant distingue l’ensemble de ce palmarès : certains films primés reposent sur une ambiance étrange où presque tout est permis (même à la limite du crédible) pourvu qu'un twist final sauve l'absurde situation. C’est le cas de Goodnight Mommy, Starry Eyes, Another Frontier, et Faults où selon le cas seule la fin justifie un film un peu mou dans sa durée.
Dans le vaste programme des films toutes sections confondues le public a préféré Liza,The Fox-Fairy qui est une comédie très réussie, avec une histoire romantique contrariée par un fantôme (le BIFFF c’est aussi quelques films romantiques drôles). En voici une bande-annonce :
Au BIFFF, les films espagnols ont toujours eu la côte. Pour ce qui de la compétition internationale le trophée du Corbeau d’Or a d’ailleurs été gagné par Ghost Graduation de Javier Ruiz Caldera en 2013 et par Les Sorcières de Zugarramurdi de Alex de la Iglesia en 2014.
La Isla Minima (Marshland) réalisé par Alberto Rodriguez (El traje, Les 7 vierges, Groupe d’élite)
C’est le film espagnol qui vient de remporter 10 Goya (les César espagnols) contre l’autre film multi-nominé El nino, pourtant meilleur. Le film se déroule à l'époque de la fin de la dictature de Franco. Dans une région où les ouvriers des champs font grève pour obtenir une augmentation, deux sœurs d’environ 16 ans ont disparue. Les pistes d’une fugue ou d’un enlèvement sont envisagées avant que l’affaire ne soit reliée à un autre crime sexuel sur une autre adolescente… Deux policiers suivent les différents indices qu’ils reçoivent au fur et à mesure (y compris des envois anonymes) plutôt que d'enquêter véritablement. Ils vont parler à différents protagonistes… La Isla Minima est un film qui souffre d'être (trop) proche de la série True detective ; avec deux détectives dans le bayou, ici transplantés dans la pampa espagnole. Même la fin ouverte pour une suite fait attendre un nouvel épisode au spectateur. Sortie en salles le 15 juillet.
C’est l’autre film espagnol multi-nominé (13 catégories) aux Goya. Le film raconte plusieurs histoires en parallèle. Elles vont se croiser, avec la description de l’organisation d’un trafic de drogue entre le Maroc et l’Espagne via Gibraltar. Ceux qui en profitent et ceux qui essaient de le combattre. Il y a l’histoire des policiers qui enquêtent sur les gros bonnets d’un réseau international et qui patrouillent en hélicoptère au dessus de la mer pour intercepter les embarcations chargées de marchandises, le récit de trois jeunes qui après avoir participer au transport pour une bande vont organiser eux-mêmes leur réseau, et la chronique de différents gros trafiquants qui ont des indics dans la police pour organiser des leurres et faire passer des tonnes de marchandises dans des containers… Au casting on retrouve Luis Tosar, Sergi Lopez, et la révélation du jeune Jesús Castro qui est ici la vedette du film (il a aussi un rôle dans La Isla Minima). Le film serait comme une version européenne du Traffic de Steven Soderbergh, avec un aspect plus documentaire et une immersion encore plus réaliste.
La Ignorancia de la Sangre réalisé par Manuel Gomez Pereira (Entre ses jambes , Reinas)
Ici, malheureusement, le film ne parvient pas à convaincre, il commence en Espagne avec des mafieux russes proxénètes et se termine avec des terroristes islamistes au Maroc, avec, comme fil rouge, l’enlèvement du fils de Paz Vega, la compagne du policier Juan Diego Botto . L’histoire est l’adaptation d’un roman de Robert Wilson (le quatrième volume d’une série dans le style Robert Ludlum). Dans le film, seul le charisme du héros parvient à convaincre dans une narration sans réel intérêt…
Automata réalisé par Gabe Ibanez (découvert à La Semaine de la Critique de Cannes 2009 avec Hierro)
Dans un futur peut-être pas si éloigné, les conditions de vie sur Terre se sont bien dégradées avec quelques pluies acides sur la Cité où demeure à peine 1% de la population, cohabitant avec quelques robots. Comme dans la plupart des films sur la robotique, il y a au départ les célèbres principes d’Asimov: ici les robots ont été conçus selon deux protocoles : un robot ne peut pas nuire à une forme de vie humaine et un robot ne peut pas se modifier lui-même. Tout comme le film I Robot avec Will Smith, Eva de l’espagnol Kike Maillo (avec Daniel Brühl et Marta Etura ) ou la série danoise Real Humans, on se doute que quelque chose d’imprévu va arriver avec les machines… Antonio Banderas est un agent d’assurance qui trouve le cas d’un robot qui se serait réparer tout seul : ‘uneauto-réparation implique la notion de conscience’. Ici Antonio Banderas va être emmené dans le désert où des robots ont un projet… Il est question de Biokernel modifié (le système opérationnel des robots) qui va amener plusieurs interrogations métaphysiques. Par deux fois on entendra la phrase clé du roman de Michael Crichton Jurassic Park : ‘la vie finit toujours par trouver son chemin’ à propos des progrès de la science qui ne sont pas forcément un progrès pour l’Homme. Automata est un récit d’anticipation qui évoque la possible fin de l’humanité sur Terre.
L’altra Frontera réalisé par André Cruz Shiraiwa
On découvre des gens qui marchent péniblement sur des routes, c’est semble-t-il la guerre et il n’y a plus ni essence ni eau. Une mère et son petit garçon vont emmener avec eux une fillette. La destination est un refuge où ils espèrent être accueillis; il s’agit en fait d’un immense campement où chaque famille peut vivre dans un genre de mobil-home à condition de suivre les règles de cette nouvelle communauté, comme travailler à des tâches imposées. Dans cette vaste enceinte, tout est filmé et écouté pour un programme de téléréalité, et à l’intérieur on comprend vite les règles. Pour passer du niveau C au niveau A (plus de confort et l’espérance d’un visa pour une vie meilleure), il faudra faire tout ce qu’il faut pour gagner des points de popularité : être le plus fort, être la plus séductrice, protéger son secret, trahir… Le film est une énième critique de la téléréalité qui a des années de retard pour être pertinent, sauf avec un rebondissement surprise à la fin…
Musarañas réalisé par Juanfer Andrés et Esteban Roel (coproduit par Alex de la Iglésia)
Dans l’Espagne des années 50, deux sœurs imprégnées des principes de la religion vivent ensemble confinées dans le même appartement depuis trop longtemps, depuis la mort de leurs parents. L’ainée inquiète de l’avenir est couturière mais souffre d’une agoraphobie qui l’empêche de sortir de l’appartement, l’autre qui vient tout juste d’avoir 18 ans espère s’éloigner de son passé. Un jour un homme blessé tombe devant leur porte. Les deux sœurs vont s’en occuper de manière différente et vont devoir s’affronter… On y retrouve Macarena Gómez, extraordinaire, Nadia de Santiago, Hugo Silva et Luis Tosar et Carolina Bang.
Chaque année ou presque l’Espagne produit un film de genre qui fait date comme L’echine du Diable, Les autres, Le labyrinthe de Pan, L’orphelinat, Rec, Les yeux de Julia, Insensibles…, et cette année le grand film espagnol sera donc Musarañas . Le film, presque un huis-clos, commence par montrer différentes pièces d’un puzzle avant des les réunir dans un ensemble qui va devenir de plus en plus oppressant pour devenir sanglant. Un petit chef d’œuvre, qui a fait le tour des festivals, et dont on va reparler bientôt. Si un distributeur français est trouvé.