Le 16 octobre, le Théâtre Mogador à Paris lèvera le rideau (rouge sang) sur le "musical" Le Bal des Vampires; adaptation du film éponyme de Roman Polanski. La billetterie a ouvert le jour-même. Le casting est bouclé. Et Polanski mène la danse.
Ce film sorti en 1967 a été transposé en comédie musicale par le réalisateur en 1997 à Vienne avant de faire le tour de 11 pays (en dix langues), avec 6622 représentations en Europe, au Japon et à Broadway. 7,24 millions de spectateurs ont déjà vu ce show qualifié de "Rock Ballet Opéra" par le producteur original Christian Struppek.
Pour Michael Kunze, l'auteur des chansons, "c'est un musical très fidèle au film !" S'il a plu à autant de monde, selon lui, c'est parce qu'il a plusieurs niveaux de lecture : l'aspect comique, voire potache, l'initiation à l'âge adulte qui interpelle un public adolescent, et surtout les dilemmes autour de la tentation sexuelle face à la raison, duel universel. Le livret est traduit en français par Nicolas Nebot. La musique est signée Jim Steinman (auteur des tubes de Meat Loaf et Bonnie Tyler, dont le titre Total Eclipse of the Heart est le morceau fort du spectacle).
Son film préféré
Pour présenter le Bal des Vampires à la presse, les producteurs français, Stage Entertainment (Le Roi Lion, Zorro, Mamma Mia, Cabaret, Sister Act et actuellement La belle et la bête) ont convié Roman Polanski à une sorte de Master Class. "Une conférence de stress" selon ses propres mots. Assis sur un cercueil, qui servait de divan freudien, le cinéaste maniait l'humour pince-sans-rire avec délectation. Quand on commence à lui raconter sa vie, il lance : "vous ne pensez pas qu'on va s'emmerder un peu là?"
Polanski peut tout se permettre : 4 Césars en tant que meilleur réalisateur (un record), 2 pour le meilleur film, un Ours d'or, une Palme d'or, un Oscar du meilleur réalisateur. Le cinéaste a l'une des filmographies les plus passionnantes de ces cinquante dernières années. Le Bal des Vampires est presque un intrus dans sa longue liste de chef d'oeuvres : il s'agit d'une comédie.
Pas besoin de raconter l'histoire. "Ils n'ont qu'a acheter le dvd!" s'amuse le réalisateur (lire aussi notre critique du film).
Pas besoin de le comparer aux autres films de Vampires. Quand on lui demande lequel il préfère, il répond naturellement: "Bah celui-là !"
Polanski, qui n'a jamais touché d'argent des producteurs du film, est ravi de donner une seconde vie à ce film qu'il chérit depuis des décennies. "L'humour m'a aidé dans les moments difficiles de ma vie" et "le musical a la même dimension humoristique que le film" explique-t-il. Et s'il est devenu culte " c'est que tous les personnages sont sympathiques, même les vampires", avance-t-il.
Un artisan qui a imaginé 23 changements de décor
Lui qui s'affirme "artisan" qui "bricole" voit quand même les choses en grand : le spectacle offrira aux yeux des spectateurs 230 costumes, 150 perruques, 3 sacs de faux sang utilisé chaque soir, une maison amovible de deux étages, 2 passerelles, 23 changements de scène, etc... Roman Polanski veut rendre la mise en scène plus moderne et améliorer certains aspects techniques: "On a essayé de garder la même mise en scène, en enlevant les choses vieillottes pour la rendre plus contemporaine. On a pu améliorer certains côtés techniques, les simplifier pour que cela fonctionne mieux et plus vite." Plus prosaïquement, il confirme sa réputation : "J'aime faire attention aux détails, même si certains appellent ça l'enculeur de mouches."
"Au théâtre, on joue davantage avec l'imaginaire du spectateur, ça n'a pas besoin d'être hyperréaliste" rappelle-t-il. Il ajoute qu'il "n'y a quasiment pas de dialogues dans ce musical". 4000 candidatures, 800 auditions et finalement 36 retenus : le casting a été intense et il s'en est personnellement mêlé. Et "si vous voulez savoir comment se passe un casting, allez voir La Venus à la fourrure", indique-t-il, toujours malicieux. Pas de star. "Nous avons voulu rester près du film physiquement, tout en recrutant des gens sachant chanter et danser" justifie Polanski. "Oui, j'étais tenté de jouer le professeur, mais il y a énormément de textes à apprendre". Il aurait pu être le professeur Ambrosius (il incarnait son jeune disciple dans le film). Mais comme pour s'excuser, il pratique l'auto-dérision : "je ne sais pas chanter". Le sourire est toujours en coin, ironique.
Ça fait la farce
Côté musique, il affirme que "le côté wagnérien (de la musique de Steinman) est drôle avec des vampires." Il a juste demandé au compositeur de garder les quelques notes du thème de la B.O.F quand les vampires rodent autour des pauvres mortels. Ce "style pompeux, dramatique et surjoué" était parfait pour cette "farce sur les Vampires". Polanski avoue aimer "la musique et les spectacles où la musique joue un rôle central". Il a lui-même mis en scène la pièce Amadeus, dans laquelle il jouait, et des opéras. Il confie même qu'il aimerait "bien réaliser une comédie musicale au cinéma, même si c'est très risqué."
Le voilà donc ravit de monter ce Bal à Paris. Il l'a toujours voulu mais "personne ne s'y intéressait."
Pas superstitieux, la fin du one-man-show le fait entrer dans un cercueil qui s'élève du sol pendant qu'il répond à un questionnaire de Proust. "Je l'avoue c'est la première fois que je rentre dans un cercueil". Manque de chance, en bon gag-man, les filins qui tiennent le cercueil dans l'air lâchent et font exploser la boîte en sapin sur la scène. Mais Polanski n'est déjà plus là. Sans doute trop occupé : il a six mois pour que ce spectacle soit parfaitement rodé.
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