Fin d'année oblige, faire un top 10 donne le vertige, alors, forcément, on transige... Cette année s'avère plus difficile. on subit le décalage d'un calendrier qui commence de facto en février à Berlin ou en mai avec le Festival de Cannes jusqu’à celui de l’année suivante : certains des meilleurs films en salles en 2015 étaient à Cannes en 2014 et d'autres qui étaient dans les festivals cette année ne sortiront pas avant l'année prochaine… On arrive à un top 10 des meilleurs films de 2015 toujours éclectique et cosmopolite, avec des films français, américains, britanniques,qui parlent argentin, chinois, coréen. Mais mon «coup de coeur de l'année» va en direction d’un film en provenance de Corée du Sud : Sea Fog: les clandestins (Haemoo) de Shim Sung-bo.
A l’inverse des blockbusters occidentaux qui cette année plus que jamais ont voulu faire du neuf avec du vieux en proposant suites et reboots, en y incorporant des éléments de remake (comme Jurassic World, James Bond-Spectre, Star Wars-the Force awaken…), à l’est, il y a toujours du (re)nouveau. Par exemple en Corée du Sud: territoire de cinéma où la qualité d’un premier film est telle qu’il est bien meilleur que quantités d’autres (suites) produits ailleurs. Depuis quelques années on a déjà remarqué un véritable savoir-faire coréen en matière de narration tant scénaristique que visuelle avec, par exemple, la possibilité de mélanger un drame intimiste avec de l’action spectaculaire (chose que Hollywood peine à reproduire).
La force de Sea Fog est son ambition de réunir dans un même film à la fois les éléments d’un drame social poignant et en même temps ceux d’un ‘film de genre’ type survival. Le point de départ est d’ailleurs inspiré de faits réels (la mort de plus d’une vingtaine de clandestins en provenance de Chine vers la Corée en 2001), et de manière crescendo, Shim Sung-bo oriente son film vers un thriller nihiliste. Sea Fog est un drame maritime où se côtoie les valeurs du Bien et du Mal sans réelle barrière, avec comme principe que ‘la fin justifie les moyens’, même si ces moyens sont extrêmes. L’histoire se déroule presque en trois actes : des marins, puis les marins et des clandestins, et ensuite de plus en plus de morts… Le spectateur se retrouve en position de s’identifier au capitaine du bateau et d’approuver ses décisions même si celles-ci peuvent transgresser la loi ou la morale. Un incident dramatique autant que tragique devra absolument et cruellement être caché de tous avant le retour au port : il va y avoir des cadavres à faire disparaître… Sea Fog réussit à allier une tragédie larmoyante et un spectacle sanglant, le tout dans un quasi huis-clos sur un bateau, au milieu d'un brouillard mystique. En mer personne ne vous entendra crier ?