La présence de Takeshi Kitano a créé un véritable tsunami lors de la master class qui lui a été consacrée hier. L'attente fut longue, l'anticipation immense, et la grande salle du Centre Pompidou semblait bien petite pour accueillir ses nombreux fans visiblement venus du mode entier. "Beat" Takeshi Kitano est multitâche : comique, présentateur à la télévision, peintre, romancier, éditorialiste mais surtout (et c'était l'objet de cette master class) réalisateur et acteur.
Pour animer la séance, un cinéaste ami (qui l'a dirigé dans Tokyo Eyes) , Jean - Pierre Limosin. Et surtout des extraits de films, bien choisis et hétéroclites: Violent cop où il est acteur et pour la première fois réalisateur, nous le montre sous un jour très violent. Jugatsu /Boiling Point (acteur/réalisateur), où il joue un yakusa déjanté muni d'un bouquet de Strelitzia. Une scène de A Scene at the sea (réalisateur), où deux jeunes sourds-muets sont sur une plage ... Sonatine, mélodie mortelle, avec un extrait délirant où des yakusas jouent aux sumos de papier...Et enfin Une belle journée, court-métrage de trois minutes réalisé pour le festival de Cannes dans le cadre d'un collectif Chacun son cinéma ayant pour thème de la salle de cinéma. Kitano joue un projectionniste qui n'arrive à projeter que deux secondes du début et deux secondes du générique de fin de Kids return . De toute façon, il n'y a qu'un spectateur dans cette salle au milieu de nulle part, un paysan qui se fiche du film ...Une façon de désacraliser le cinéma et de moquer un peu de lui -même voire de son œuvre? En tout cas, une scène pleine d'humour et de folie douce.
L' homme a un grain de folie, surprend parfois par ses réponses. Quand on lui demande quelles sont ses relations avec les réalisateurs, il répond qu'il joue les bons acteurs pour que les réalisateurs lui disent "OK!" plus rapidement. Tout jeune réalisateur, pour se faire respecter, il a revêtu un masque de kendo et pris un sabre en bois et est allé voir les techniciens : "Maintenant, vous allez faire ce que je dis !".
Aujourd'hui, c'est un demi-dieu au Japon et personne ne pensera à le contredire. Autre anecdote , quand on lui demande ce qu'il pense de la France, pays où on l'adore, il répond d'abord de façon classique que Paris le faisait rêver en tant que jeune artiste mais aussi, malicieux, qu'il aimera le pays qui l'aime, et qu'il est prêt à aller en Irak ou en Afghanistan si on apprécie ces films là - bas ! "Kitano, c'est l'anti-Pialat" me chuchote mon voisin.
Ce qui est surprenant , c'est qu'après avoir assisté à la master class, après avoir écouté les réponses aux questions des animateurs et de quelques happy few, le mystère Kitano reste entier. L'homme est imprévisible, et difficile à analyser. On nous dit qu'il est pressé, qu'il doit retourner au Japon ? Lui dit qu'il restera la nuit entière avec ses fans ! Et qu'il reviendra peut-être pendant la rétrospective... On aurait voulu rester plus longtemps et en apprendre plus sur ces films.
Vous qui n'avez pu voir Takeshi Kitano en vrai, consolez- vous et rattrapez-vous avec son œuvre, riche et variée, qui lui confère le don d'ubiquité.
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Rétrospective du 11 mars jusqu'au 26 juin. Tout sur Kitano, le cinéaste et l'acteur. Site du Centre Pompidou
Actuellement au cinéma : Achille et la tortue
A la Fondation Cartier, son exposition Gosse de peintre