Quand on apprend ce dimanche 27 septembre que le cinéaste franco-polonais Roman Polanski (Palme d'or à Cannes, plusieurs Oscars et César à son actif) est arrêté par la police suisse à son arrivée samedi soir à Zurich, il y a d'abord une réaction de stupéfaction. Il y a une forme de zèle de la part de la police helvétique qui ressemble à un acte ridicule, pour ne pas dire grotesque. Pourtant Roman Polanski a bien été arrêté samedi sur mandat d'arrêt américain alors qu'il s'apprêtait à participer au Festival du film de Zurich, pour recevoir un prix honorifique. La rétrospective est maintenue mais le prix lui sera remis une autre année.
Une affaire que tout le monde voudrait voir classée
Voilà donc la (sale) affaire dans laquelle Polanski est plongé depuis 1977 qui revient par un rebondissement imprévu. La procédure a été ouverte il y a 32 ans par les autorités américaines, empêchant le cinéaste de mettre le pied sur le sol américain. Il avait été arrêté à l'époque à Los Angeles à la suite de la plainte des parents d'une adolescente de 13 ans et avait plaidé coupable de "relations sexuelles illégales". Une des six charges qui pèsent contre lui.
Dans la villa de Jack Nicholson, il la photographiait comme modèle, lui faisiat boire du champagne et prendre quelques pilules. Malgré les protestations de la jeune fille, il l'aurait obligé à lui faire une fellation puis l'aurait sodomisé.
Il avait écoppé de 42 jours de prison. Ses avocats croyaient que ce serait sa peine totale. Mais fin janvier 1978, quand le juge lui fait conprendre qu'il allait être renvoyé au pénitencier, Polanski avait pris un avion pour s'exiler définitivement en France.Ce dossier pourtant n'est toujours pas terminé. Il est de plus en plus manifeste qu'il y a eu des erreurs d'appréciation et des "manquements à l'éthique professionnelle" selon les avocats du réalisateur. Mais, plus absurde, la victime, Samantha Geimer, est depuis longtemps favorable au classement de l'affaire, et s'est allié à Polanski pour metre un terme à cette procédure. Elle avait déjà obtenu un accord et des dommages hors tribunal.
"un immense scandale culturel"
Polanski est donc arrêté pour une affaire où la prescription serait évidente et où la victime ne cherche plus justice. Mais pour des affaires de moeurs, ni la Suisse ni les Etats-Unis n'ont de durée limite permettant la prescription. Cet acharnement judiciaire a souvent conduit des personnalités d'Hollywood a prendre la défense de Polanski. Coupable de relations sexuelles sur une mineure, personne ne semble désormais le contester. Mais à 76 ans, le cinéaste, qui a eu son lot de tragédies personnelles (la mort violente de son épouse Sharon Tate alors enceinte par Charles Manson) aurait aspiré sans doute à un "non lieu" dans cette histoire. Le risque n'est pas simplement son incarcération mais bien que le procès soit révisé d'une manière ou d'une autre. Polanski a toujours demandé que soient reconnues les fautes du juge de l'époque, désormais décédé. La Suisse a un traité bilatéral avec les Etats-Unis qui date des années 50 et permet l'extradition.
L'association des réalisateurs suisse a réagit immédiatement : "ce n'est pas simplement une farce grotesque de la justice, c'est aussi un immense scandale culturel."
Le cinéaste est à l'heure actuelle en "détention provisoire en attente d'extradition", mais peut faire appel de la décision.