Milos Forman on the Moon (1932-2018)

Posté par vincy, le 14 avril 2018

Requiem. Milos Forman, de son vrai nom Jan Tomáš Forman, est mort le 13 avril à l'âge de 86 ans. Né le 18 février 1932 en Tchécoslovaquie, le réalisateur et scénariste avait été adoubé dans le monde entier par de multiples récompenses.

Son premier film, L'as de pique a obtenu un Léopard d'or au Festival international de Locarno. En 1971, Taking Off reçoit le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes. Cinq ans plus tard avec Vol au-dessus d'un nid de coucou, il est oscarisé pour le film et la réalisation. L'Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur lui revient une nouvelle fois en 1985 pour Amadeus. A Berlin, il est sacré par un Ours d'or pour Larry Flynt. Man on the Moonlui vaut l'Ours d'argent, toujours à Berlin, du meilleur réalisateur.

Trois fois nommé au César du meilleur film étranger (Vol au dessus d'un nid de coucou, Hair, Amadeus) et une fois dans la catégorie meilleur réalisateur (Valmont), il a été honoré pour l'ensemble de sa carrière à Karlovy Vary en 1997, aux Directors Guild of America Awards en 2013 et par un Prix Lumière au Festival Lumière de Lyon en 2010. Il y avait dit: "L'Histoire ne s'écrit pas avant ou après Jésus-Christ mais avant ou après Lumière."

Toute sa vie avait été dédiée au 7e art, avec exigence, audace, ambition. Milos Forman n'a réalisé que 13 longs métrages en 45 ans. Mais il a laissé des œuvres aussi marquantes que populaires, peuplées d'héros aussi subversifs qu'insolents, dévastés par leur folie ou leur passion, se brûlant les ailes à l'approche de leurs rêves. La lumière qu'ils cherchaient cramaient immanquablement leur esprit. Les films de Milos Forman exposaient des personnages charismatiques qui finissaient en fantômes.

Ses trois premiers films, tchèques, sont dans la veine de la Nouvelle Vague française. Loin du style américain qui va l'imposer parmi les plus grands cinéastes du XXe siècle. L'as de pique, récit initiatique sur un jeune homme qui ne trouve pas sa place dans la société, dévoile à la fois son talent pour la comédie et son appétit pour l'anticonformisme. Il poursuit une trilogie amorcée la même année en 1963, avec le court métrage Concours, et qui s'achèvera en 1965 avec Les amours d'une blonde. Là aussi, il s'intéresse à un personnage, une jeune femme, qui n'aspire pas aux mêmes désirs que les autres. Plus romantique, le film dépeint déjà un monde où les conventions et les mensonges parasitent les idéaux.

Il ira bien plus loin dans sa critique du système communiste qui régit les pays d'Europe de l'Est avec Au feu les pompiers!, satire incisive qui se voit sélectionnée à Cannes en 1968, alors que le Festival va être interrompu. Ce brûlot politique lui vaut une violente polémique dans son pays. L'allégorie n'est pas comprise. Alors que le Printemps de Prague est saccagé par les chars soviétiques, il profite alors de la promotion du film en Occident pour passer à l'Ouest. Son destin deviendra américain.

En 1971, il signe son premier film occidental, Taking Off, qui s'inscrit dans la lignée du Nouveau cinéma américain, aux côtés de Scorsese, Hopper et Coppola. Un film brut sur le divorce entre deux générations - les parents et les enfants - où chacun retrouve sa liberté par l'éloignement. Une fugue pas si mineure, même si elle est à l'ombre des films qui vont suivre. A commencer par Vol au dessus d'un nid de Coucou.

Ce huis-clos en hôpital psychiatrique, avec Jack Nicholson, Louise Fletcher, Danny DeVito et Christopher Lloyd, et 5 Oscars au final, a été avant tout un immense succès public, devenant une référence dans la pop culture contemporaine. En France, en 1976, il a attiré 4,8 millions de spectateurs. Forman explore le monde des "dérangés", ceux qu'on ne montre jamais. Considéré comme l'un des grands films américains du XXe siècle, ce Coucou s'avère aussi fascinant dramatiquement que poignant émotionnellement. Les performances des comédiens y est pour beaucoup. Le symbolisme politique aussi: difficile de ne pas voir dans cet enfermement et cette aliénation collective (et les traitements de chocs réservés aux "malades") la manière dont le communisme écrase la liberté et la singularité des individus. Hormis le personnage de Nicholson, personne ne résiste aux traitements de l'infirmière incarnée par Fletcher. Seul un "fou" résiste, vainement, fatalement.

Avec le pop-broadway Hair, en 1979, le cinéaste s'attaque à la comédie musicale la plus emblématique des seventies, mélange d'utopie hippie et de bataille contre un système imposant des règles de vie. Là encore, Forman aime les résistants, les Hommes libres, et en profite poru critiquer une dictature (ici, celle de l'argent). La mise en scène est aussi efficace qu'inventive. Il débute là une trilogie musicale, qui se prolonge avec Ragtime, autour du jazz et des afro-américains, autres persécutés. L'injustice est au cœur de l'intrigue, tout comme le racisme. Une fois de plus, Forman s'intéresse à celui dont les droits sont niés.

Mais c'est avec Amadeus, en 1985, que Forman va entrer dans la légende en s'attaquant à Mozart. Il rencontre ici "son" personnage. Fougueux, anticonformiste, génial: un chien dans un jeu de quilles. Il déforme le biopic en "thriller psychologique". Transforme le fameux "Requiem" de Mozart en séquence de haute tension, où trahison et injustice se mêlent. Des éclats du jeune prodige, on ne retient finalement que sa lente agonie et la fosse commune. Une fois de plus le "système" a détruit un homme qui n'était pas dans la "norme". Les fidèles de Mozart ont crié à la trahison historique. Mais Milos Forman a toujours revendiqué qu'il s'agissait d'une fiction inspirée de la vie du musicien. Ce que l'on retient, outre l'immense succès du film (4,6 millions de spectateurs en France), c'est bien ce passage de la lumière à l'obscurité, de l'enchantement au crépuscule, d'un homme qui n'a jamais pu être respecté, être à sa place, comme tous les "héros formaniens".

Tous ces êtres qui voient leurs rêves et leur liberté butés contre un mur construit par les dominateurs et les résignés. Ainsi Valmont, sa version des Liaisons dangereuses, qui a le malheur de sortir quelques mois après le film de Stephen Frears, et de souffrir de la comparaison. Pourtant le film n'est pas raté. Le scénario coécrit avec Jean-Claude Carrière est même d'une belle subtilité. Frears a opté pour le romantisme et les manigances. Forman préfère la cruauté et l'ethnologie d'une aristocratie là encore destructrice.

Après cet échec, le réalisateur attend 7 ans avant de revenir au cinéma, avec un film radicalement différent, et pourtant s'inscrivant dans la même filiation, entre libertinage et conventions. Larry Flynt n'est autre que l'histoire du fondateur du magazine Hustler, concurrent de Playboy. L'immoralité face à la vertu. Le personnage, sur une chaise roulante, en profite pour faire, déjà, un plaidoyer contre une Amérique dogmatique et impérialiste. Mais si Flynt semble proche de Valmont, le film est davantage la succession de Hair, entre pacifisme et liberté sexuelle et liberté d'expression.

De même Man on the Moon, son film suivant, en 1999, pourrait être considéré comme une suite logique à Larry Flynt: le portrait d'un Américain pas comme les autres, qui a dynamité à sa hauteur un système. Mais le film, qui donne à Jim Carrey l'un de ses plus grands rôles (avecThe Truman Show et Eternal Sunshine of the Spotless Mind), se relie davantage à Amadeus: l'histoire d'un prodige qui se perdra dans son miroir. Car, le comique Andy Kaufman, comme Mozart, est mort précocement à l'âge de 35 ans. Et comme pour Amadeus, Forman déforme la réalité, insuffle un ton et une esthétique qui n'en font pas un biopic mais bien un drame cinématographique. On se rapproche même de la folie de McMurphy dans Vol au dessus d'un nid de coucou: "You're insane, but you might also be brilliant" dit-on sur le comédien adepte de l'absurde.

Malgré la légèreté apparente ou le rythme percutant des films de Forman, tous transmettent un mal-être indéniable et sont teintés de pessimisme. "L'humour jaillit d'une crevasse qui s'est ouverte entre ce que les choses prétendent signifier et ce qu'elles sont en réalité. Rien ni personne n'est dispensé du comique qui est notre condition, notre ombre, notre soulagement et notre condamnation", écrit son ami Milan Kundera à son propos.n Il n'y a pas de bonheur heureux. L'insoutenable légèreté de l'être, ce titre conviendrait si bien à Milos Forman...

En 2006, avec Les fantômes de Goya, coécrit avec Carrière une nouvelle fois et avec Javier Bardem et Natalie Portman, il creuse un peu plus le sillon de son œuvre sur les artistes en bout de course, épuisés par leur(s) création(s), contournant, se rebellant ou fuyant toujours ceux qui cherchent à les étouffer. Son ultime film, réalisé dans son pays natal, Dobre placená procházka (A Walk Worthwhile), est un retour aux sources, au théâtre, en musique, et à Prague. Milos Forman a accepté aussi d'être acteur en 2011. On l'avait déjà vu dans La Brûlure (Heartburn) de Mike Nichols et Au nom d'Anna (Keeping the Faith) d'Edward Norton. Il sera une dernière fois à l'écran chez Christophe Honoré, en ex-amant de Catherine Deneuve dans Les Bien-aimés.

Jamais dupe, toujours critique, surtout à l'égard des modèles et des dogmes, aussi minutieux que lucide, le cinéma de Forman a analysé les enchainements des mécaniques politiques ou historiques qui tuent l'individualité. Dans ses films, il met en lumière des personnages fragiles et libres, ne manquant jamais de panache, criant, chantant, jouant, provoquant, où les gestes sont grandiloquents, l'excentricité grandiose, le courage artistique.

Cinéaste européen sans frontières, refusant l'oppression, il a préféré la liberté et la vulnérabilité qui l'accompagne, la folie et le trouble de l'identité qui peut s'inviter, pour construire une œuvre non pas iconoclaste, bien au contraire, mais surprenante. Il voulait nous botter les fesses, nous pousser à hurler, nous montrer qu'il fallait se battre. Ainsi, son cinéma peut-être qualifié d'énergique. Même si, sur la fin, on sentait davantage de nostalgie et de mélancolie. La passion selon Milos. Celle de nous conduire, comme un chef d'orchestre, à jamais nous laisser abattre.

"Si vous aviez vécu, comme moi, plusieurs années sous le totalitarisme nazi, puis 20 ans de totalitarisme communiste, vous réaliseriez certainement à quel point la liberté est précieuse, et combien il est facile de perdre votre liberté" rappelait-il.

Harry Dean Stanton (1926-2017), le géant discret

Posté par vincy, le 16 septembre 2017

Un immense acteur américain vient de s'en aller. Né le 14 juillet 1926, Harry Dean Stanton, connu de tous les fans de Twin Peaks: Fire Walk with Me, est mort à l'âge de 91 ans. C'est avec Paris, Texas, de Wim Wenders, Palme d'or à Cannes en 1984, que le comédien a enfin, à 58 ans, atteint la notoriété nécessaire avec son premier "premier rôle" majeur pour devenir une gueule marquante du cinéma hollywoodien et du petit écran. Il a d'ailleurs briller en incarnant le leader religieux manipulateur et polygame dans Big Love, sur HBO, durant 5 saisons.

Nul ne doute que le Harry Dean Stanton Fest, créé en 2011 dans sa ville natale du Kentucky, sera en deuil lors de l'ouverture le 28 septembre.

Harry Dean Stanton, figure fantomatique et errante dans Paris, Texas, scénarisé par Sam Shepard, disparu il y a quelques semaines, avait imposé un jeu minimaliste, presque absent, héritier de ces mythiques acteurs des films noirs de l'âge d'or hollywoodien. "Il créait, avec son visage, une poésie triste" écrivait Roger Ebert. De ceux dont on reconnaît le visage et la silhouette sans se souvenir de leurs noms. Peu importe la moralité de son personnage, il le défendait avec avidité.

Au New York Times, à l'époque, il avouait qu'il en avait marre des rôles qu'on lui proposait à l'époque. Quand il a rencontré Sam Shepard en 1983, il lui avait confié chercher "de la beauté et de la sensibilité".

Pourtant, à travers ses films, on voyait aussi un acteur qui savait incarner le "cool", prendre des colères mémorables ou emprunter des chemins de traverses en jouant dans des films très variés, passant de Lynch à Marin Scorsese (La dernière tentation du Christ), de Sean Penn (The Pledge) à Robert Altman (Fool for love).

60 ans après avoir commencé sa carrière, le voici qui s'éclipse. Jusqu'en 1984, il n'a pas chômé, même s'il a galéré. Il tourne pour Michael Curtiz, Lewis Milestone, Terrence Malick (un court métrage), Sam Peckinpah (Pat Garrett et Billy le Kid), Monte Hellman, Francis Ford Coppola (le 2e Parrain, Coup de cœur quelques années plus tard), Bob Dylan, John Huston (Le malin)... En 1979, il est l'un des passagers de Alien de Ridley Scott. Pour la première fois, on le remarque.

Il enchaîne avec The Rose, de Mark Rydell, La Mort en direct, de Bertrand Tavernier (et bien plus tard, un autre films français: Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma, d'Agnès Varda), New York 1997 (Escape from New York) et Christine, de John Carpenter, et le culte Repo Man, d'Alex Cox. Harry Dean Stanton, à défaut de devenir une star, devient un acteur fiable, réputé gentil, et à l'aise dans tous les univers, y compris le film pour ados (Rose bonbon (Pretty in Pink), de Howard Deutch, avec Molly Ringwald).

Mais c'est bien en acteur lynchien, qu'il se révèle charismatique et étrange, énigmatique et fascinant. Avec le cinéaste il tourne Sailor & Lula, autre Palme d'or, Une histoire vraie, Inland Empire et bien sûr Twin Peaks, le film comme la récente saison 3 qui vient de s'achever. Son jeu naturaliste et sa prestance suffisaient à remplir l'écran.

"Voici qu'un grand s'en va. Il n'y a personne comme Harry Dean. Tout le monde l'aimait. Et pour de bonnes raisons. Il était un grand acteur (en fait au-delà de l'excellent) - et un grand être humain - c'était tellement formidable d'être autour de lui !!! Vous allez vraiment nous manquer Harry Dean !!! Beaucoup d'amour à vous où que vous soyez maintenant!" a écrit David Lynch en sa mémoire, après avoir appris son décès.

Ami avec Lynch mais aussi avec Jack Nicholson (Stanton a été son témoin de mariage en 1962 et, après le divorce, ils ont vécu avec la star durant deux ans). Ils ont souvent joué ensemble, notamment dans Missouri Breaks d'Arthur Penn, avec Marlon Brando, qui devient aussi son ami.

Dernièrement, il a continué son exploration de territoires inconnus, en bon cow-boy du 7e art: le dessin animé Rango, de Gore Verbinski, This Must Be the Place, de Paolo Sorrentino et les Avengers, de Joss Whedon. Son dernier film sort le 29 septembre sur les écrans américains, Lucky, où il interprète un athée s'interrogeant sur sa mortalité. Il joue aux côtés de David Lynch dans ce film de John Carroll Lynch. Le film, primé à Locarno en août, devrait sortir en décembre en France.

L'acteur avait servi dans la Navy durant la seconde guerre mondiale avant d'aller étudier le journalisme puis de se consacrer au métier d'acteur. Ses débuts, à la télévision, datent de 1954 (dont un épisode avec Alfred Hitchcock). Il était aussi musicien. Ami de Bob Dylan (il apparaît dans son clip "Dreamin' of You"), il avait son propre groupe et avait d'ailleurs chanté aux funérailles d'un autre de ses amis, l'écrivain Hunter S. Thompson.

Il n'a jamais reçu aucun prix.

Jack Nicholson sort de sa retraite pour le remake de Toni Erdmann

Posté par vincy, le 8 février 2017

C'est une double nouvelle qu'on attendait vraiment pas: un remake du film allemand multi-récompensé Toni Erdmann et Jack Nicholson de retour au cinéma pour y jouer le père farceur...

C'est pourtant ce qu'annonce Variety. La fille sérieuse et affairée de Nicholson sera incarnée par Kristen Wiig. Dans le film de Maren Ade, les rôles étaient tenus respectivement par Peter Simonischek et Sandra Hüller.
Paramount a acquis les droits pour une version américain qui sera coproduite par Adam McKay, le réalisateur de The Big Short, Kristen Wiig et Will Ferrell.
Pour l'instant aucun réalisateur ni scénariste n'ont été engagés.

Toni Erdmann, en compétition à Cannes l'an dernier où il a reçu le prix FIPRESCI, est nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère et au César du meilleur film étranger. Il a obtenu 5 European Film Awards. Le film est distribué par Sony Classics aux Etats-Unis. Il a attiré 340000 spectateurs en France et séduit 800000 spectateurs en Allemagne.

Trois fois oscarisé, Jack Nicholson, qui va avoir 80 ans en avril cette année, semble être un grand fan du film et a directement approché la Paramount pour que le studio obtienne les droits d'une version américaine. Si le projet aboutit, ce sera son premier film depuis 2010 (Comment savoir de James L. Brooks, avec Reese Witherspoon, Paul Rudd, Owen Wilson). Il a refusé de nombreux scripts au cours de ses dernières années.

Kristen Wiig était à l'affiche l'an dernier de Zoolander 2, SOS Fantômes, Seul sur Mars et Les cerveaux. Elle est attendue dans The Heyday of the Insensitive Bastards et Downsizing d'Alexander Payne, avec Matt Damon et Neil Patrick Harris.

Hector Babenco (1946-2016) en liberté dans les champs du seigneur

Posté par vincy, le 14 juillet 2016


Hector Babenco est mort à 70 ans dans la soirée du mercredi 13 juillet, à Sao Paulo (Brésil), annonce confirmée par Denise Winther, associée du cinéaste dans HB Films.

Né à Mar del Plata en Argentine le 7 février 1946, le réalisateur, scénariste et producteur brésilien a été l'une des figures de proue du cinéma latino-américain des années 1970 et 1980.

Il a commencé sa carrière en réalisant O Fabuloso Fittipaldi en 1973, documentaire sur le pilote automobile brésilien Emerson Fittipaldi. Deux ans plus tard, il réalise son premier long métrage de fiction intitulé O Rei da Noite. Son deuxième long métrage, Lucio Flavio en 1977 remporte le prix du meilleur film au Festival de Sao Paulo. Mais c'est en 1981 qu'il se fait remarquer avec un film réaliste sur un enfant abandonné et l'environnement carcéral brutal, Pixote, la loi du plus faible. Le film reçoit un Léopard d'argent à Locarno et le prix du meilleur film en langue étrangère des critiques de Los Angeles et ceux de New York. Avec ce film, le cinéaste rompt avec le cinéma Novo et inscrit le cinéma brésilien dans un registre presque documentaire, dont Walter Salles et Kleber Mendonça Filho sont les actuels héritiers. Le film est considéré comme une référence aujourd'hui.

Suite à ce succès international, il réalise Le Baiser de la femme araignée (Kiss of the Spider Woman). En compétition au Festival de Cannes, Babenco sera aussi le premier cinéaste latino-américain nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur. Adaptation du roman éponyme de Manuel Puig, le huis-clos dans une cellule en pleine période de la dictature en Argentine se focalise sur Molina, un étalagiste homosexuel arrêté pour détournement de mineurs, évoque chaque soir de vieux films romantiques à son compagnon d'infortune, Valentin, un prisonnier politique. A la manière d'un Borges en littérature, Babenco évade ses "prisonniers" grâce à un univers fantasmagorique. Le film vaut à William Hurt l'Oscar du meilleur acteur et le Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes mais aussi à Sonia Braga (récemment à Cannes pour Aquarius) une reconnaissance internationale et Raul Julia. Ce drame à la fois intime et allégorique est sans aucun doute son chef d'œuvre tant il synthétise toutes ses obsessions: la souffrance des minorités, l'étouffement des déviants et rebelles, l'humanité qui transcende l'animosité.

Il enchaîne avec un film hollywoodien, Ironweed, histoire d'un couple de SDF - lui alcoolique, elle en phase terminale, qui vaudra à Jack Nicholson et Meryl Streep, une nomination aux Oscars chacun. Puis tourne En liberté dans les champs du seigneur, qui met en scène le conflit entre les Indiens d'Amazonie et "l'homme blanc", toujours avec un casting américain. Il revient en Amérique du sud avec Cœur allumé, flirtant toujours entre aspiration artistique, folie et huis-clos. Babenco aimait opposer la liberté individuelle, celle qui est dans nos têtes, à des systèmes concentrationnaires ou tyranniques. C'est ainsi qu'en 2003, il revient en compétition à Cannes avec Carandiru, prison gigantesque brésilienne où un médecin décide de mener un programme de prévention contre le sida. Le propos est humaniste mais le lieu n'est pas anodin puisque cette prison a réellement vécu l'un des pires massacres en centre pénitencier (111 morts). Le film emporte la plupart des grands prix du continent sud-américain dans différents festivals.

Par la suite, il ne réalise que deux films, El pasado en 2007, avec Gael Garcia Bernal, inédit en France malgré une sélection à Toronto, et My Hindu Friend, l'an dernier, avec Willem Dafoe.

Hector Babenco fut aussi membre du jury du Festival de Cannes en 1989 et de la Mostra de Venise en 1998.
Filmographie

Jim Harrison et Hollywood, une histoire qui a mal tourné

Posté par vincy, le 28 mars 2016

Immense écrivain, Jim Harrison, surnommé « Big Jim », est mort dimanche à l'âge de 78 ans. L'Amérique n'était pour lui qu'un Disneyland fasciste obsédé par le fric. Il préférait René Char, Arthur Rimbaud, Paris et surtout les grands espaces américains, ceux des Western, cette Amérique originelle. Dans ses romans, on baisait, on buvait (beaucoup, le vin pour lui apportait plus de bonheur à l'humanité que toutes les décisions politiques de l'Histoire), on s'interrogeait sur le sens de la vie et par conséquent on se rapprochait de la mère Nature.

On comprend mieux qu'avec Hollywood, ça ne se soit pas très bien passé. L'épicurien qu'il était avait quand même ramé avant d'être riche. Il avait consacré sa vie à l'écriture. Et durant les trente premières années où il a tapé ses romans, nouvelles et poèmes sur sa machine à écrire, n'a pas gagné beaucoup de dollars. Rencontré en 1975, son ami Jack Nicholson jouait les mécènes (et le poussait à travailler pour le cinéma). Car Jim Harrison, pas beaucoup lu à l'époque, ne manquait pas d'admirateurs, Sean Connery et Warren Beatty en tête. Mais lui ne se gênait pas pour détester Hollywood.

Au dessus de son bureau, il y avait un morceau de papier qui lui rappelait toujours ce que lui avait sorti un patron de studio. "Tu n'es rien qu'un écrivain". Ce mépris pour l'écriture de la part de l'industrie cinématographique a sans doute conduit Jim Harrison à ne pas trop fricoter avec elle. Il n'y a eu que six adaptations de ses oeuvres sur petit et grand écran. David Lean et John Huston ont pourtant pris des options sur des nouvelles qu'il avait écrites, sans pouvoir les tourner.

En manque de fric, il a quand même cédé à la fin des années 1980 aux sirènes d'Hollywood. En 1989, il coécrit le scénario de Cold Feet, entre polar et comédie, signé Robert Dornhelm. L'année suivante, il adapte Une vengeance, nouvelle inclue dans le recueil Légendes d'automne. Sydney Pollack, Jonathan Demme et Walter Hill furent intéressés. John Huston devait finalement la filmer. Mais il ne voulait pas de Kevin Costner dans le rôle principal. Celui-ci, en pleine ascension, a donc choisi Tony Scott pour réaliser Revenge. Le polar, honnête, est un joli succès en salles, sans plus.

En 1994, deux hits avec Jim Harrison au générique sortent sur les écrans. Légendes d’automne, l'une de ses trois nouvelles issues du recueil éponyme, est réalisé par Edward Zwick, avec Brad Pitt (qui a pris le rôle à Tom Cruise), Anthony Hopkins (après l'abandon de Sean Connery), Aidan Quinn et Julia Ormond. Le "mélo", dont il n'a pas écrit le scénario, n'est pas forcément à la hauteur de l'oeuvre littéraire, mais le film est gros succès public et récupère un Oscar (pour la photo). Jim Harrison encaisse un million de dollars qu'il dépense en alcool et cocaïne.

La même année, son ami Jack Nicholson parvient à monter Wolf, après douze ans d'efforts. Sur proposition de Nicholson, Mike Nichols réalise ce film fantastique avec Michelle Pfeiffer, James Spader et Christopher Plummer. Jim Harrison scénarise cette histoire (qui n'a rien à voir avec son premier roman, Wolf: mémoires fictifs) d'un éditeur (des comptes à régler, Jim?) qui se transforme en loup-garou. Le tournage est un cauchemar. Le scénario est massacré par le studio quand celui-ci demande une réécriture complète du dernier tiers du film. Harrison quitte la production pour "différences créatives", estimant que leur vision du projet était incompatible: "Je voulais un loup, il en fait un chihuaha". Le film est pourtant un succès en salles.

De là date sa fâcherie avec Hollywood. Deux adaptations verront quand même le jour. Etats de force (Carried Away), d'après son roman Nord Michigan (Farmer). Réalisé par Bruno Barreto, avec Dennis Hopper et Amy Irving, le film est un fiasco total. Et Dalva, l'un de ses meilleurs romans, porté de manière pas trop honteuse sur le petit écran, avec Farrah Fawcett, Peter Coyote et Rod Steiger.

Jim Harrison ne voulait plus entendre parler de cinéma. Pour lui, assister à une projection d'un film qu'il avait écrit ou qui était une adaptation d'une de ses oeuvres c'était comme avoir "le sentiment distinct de se sentir violer par un éléphant ou - si votre imagination est plutôt maritime - par une baleine".

Il reste à savoir si dans son testament l'écrivain a laissé l'ordre de ne pas adapter ses écrits. Ou si Hollywood va désormais pouvoir s'emparer librement des histoires naturalistes et intimes, sans se soucier de l'avis de celui qui fut, jusqu'au bout, un homme libre qui avait la réputation d'être un ours.

Last ride pour Karen Black (1939-2013)

Posté par vincy, le 9 août 2013

karen blackKaren Black, de son vrai nom Karen Blanche Ziegler, est décédée hier, jeudi 8 août, en Californie à 74 ans des suites d'un cancer déclaré il y a trois ans. Son mari Stephen Eckelberry a annoncé sa mort sur sa page Facebook : "C'est avec une grande tristesse que je vous annonce que mon épouse et meilleure amie, Karen Black, est morte il y a quelques minutes".

Née en 1939 dans l'Illinois, Karen Black a joué dans une centaine de films. C'est son rôle dans le film culte Easy Rider de Dennis Hopper, avec Jack Nicholson et Peter Fonda, qui en fit une star du Nouveau Cinéma américain. L'année suivante, avec Cinq pièces faciles de Bob Rafelson, encore avec Nicholson, elle fut récompensée d'un Golden Globe du meilleur second rôle féminin, en plus de recevoir une nomination aux Oscars. Égérie d'un 7e art qui chevauchait de nouveaux styles et filait vers de nouveaux horizons, Black était promise à une grande carrière alors que le cinéma américain était dominé par une nouvelle génération d'acteurs masculins. A cette époque, seules Jane Fonda, Faye Dunaway et Sally Field parvenaient à s'imposer à la fois au grand public et dans des films d'auteur.

Altman, Hitchcock, Coppola, et Gatsby

Pourtant, elle se fourvoya dans de nombreux films de séries B (747 en péril) voire Z (L'invasion des Piranhas). Cela ne l'a pas empêchée de tourner avec les plus grands cinéastes et de donner la réplique aux plus grandes stars. Parmi ses films les plus marquants, on retiendra Big Boy (Francis Ford Coppola, 1966), The Outfit (John Flynn, 1973), L'année du fléau (John Schlesinger, 1974), la version de Gatsby le Magnifique avec Robert Redford (1974, et second Golden Globe à la clef), Nashville (l'immense film de Robert Altman, 1975), Complot de famille (ultime oeuvre d'Alfred Hitchcock, 1976) et Capricorn One (Peter Hyams, 1977).

Dès la fin des années 70, l'actrice fut un peu délaissée par le cinéma qui l'enrôla surtout pour des films d'horreur (La maison des 1000 morts de Rob Zombie, 2003) ou des thrillers médiocres. Elle travailla essentiellement pour la télévision et se mit à écrire quelques scénarios. Karen Black n'apparaissait que dans des seconds rôles de films mineurs. Laissant finalement d'elle, dans nos mémoires de cinéphiles, que l'image d'une jeune et belle femme, libre, symbole d'une Amérique hippie.

Polanski arrêté par la police suisse : une (sale) affaire devenue absurde

Posté par vincy, le 27 septembre 2009

roman polanskiQuand on apprend ce dimanche 27 septembre que le cinéaste franco-polonais Roman Polanski (Palme d'or à Cannes, plusieurs Oscars et César à son actif) est arrêté par la police suisse à son arrivée samedi soir à Zurich, il y a d'abord une réaction de stupéfaction. Il y a une forme de zèle de la part de la police helvétique qui ressemble à un acte ridicule, pour ne pas dire grotesque. Pourtant Roman Polanski a bien été arrêté samedi sur mandat d'arrêt américain alors qu'il s'apprêtait à participer au Festival du film de Zurich, pour recevoir un prix honorifique. La rétrospective est maintenue mais le prix lui sera remis une autre année.

Une affaire que tout le monde voudrait voir classée

Voilà donc la (sale) affaire dans laquelle Polanski est plongé depuis 1977 qui revient par un rebondissement imprévu. La procédure a été ouverte il y a 32 ans par les autorités américaines, empêchant le cinéaste de mettre le pied sur le sol américain. Il avait été arrêté à l'époque à Los Angeles à la suite de la plainte des parents d'une adolescente de 13 ans et avait plaidé coupable de "relations sexuelles illégales". Une des six charges qui pèsent contre lui.

Dans la villa de Jack Nicholson, il la photographiait comme modèle, lui faisiat boire du champagne et prendre quelques pilules. Malgré les protestations de la jeune fille, il l'aurait obligé à lui faire une fellation puis l'aurait sodomisé.

Il avait écoppé de 42 jours de prison. Ses avocats croyaient que ce serait sa peine totale. Mais fin janvier 1978, quand le juge lui fait conprendre qu'il allait être renvoyé au pénitencier, Polanski avait pris un avion pour s'exiler définitivement en France.Ce dossier pourtant n'est toujours pas terminé. Il est de plus en plus manifeste qu'il y a eu des erreurs d'appréciation et des "manquements à l'éthique professionnelle" selon les avocats du réalisateur. Mais, plus absurde, la victime, Samantha Geimer, est depuis longtemps favorable au classement de l'affaire, et s'est allié à Polanski pour metre un terme à cette procédure. Elle avait déjà obtenu un accord et des dommages hors tribunal.

"un immense scandale culturel"

Polanski est donc arrêté pour une affaire où la prescription serait évidente et où la victime ne cherche plus justice. Mais pour des affaires de moeurs, ni la Suisse ni les Etats-Unis n'ont de durée limite permettant la prescription. Cet acharnement judiciaire a souvent conduit des personnalités d'Hollywood a prendre la défense de Polanski. Coupable de relations sexuelles sur une mineure, personne ne semble désormais le contester. Mais à 76 ans, le cinéaste, qui a eu son lot de tragédies personnelles (la mort violente de son épouse Sharon Tate alors enceinte par Charles Manson) aurait aspiré sans doute à un "non lieu" dans cette histoire. Le risque n'est pas simplement son incarcération mais bien que le procès soit révisé d'une manière ou d'une autre. Polanski a toujours demandé que soient reconnues les fautes du juge de l'époque, désormais décédé. La Suisse a un traité bilatéral avec les Etats-Unis qui date des années 50 et permet l'extradition.

L'association des réalisateurs suisse a réagit immédiatement : "ce n'est pas simplement une farce grotesque de la justice, c'est aussi un immense scandale culturel."

Le cinéaste est à l'heure actuelle en "détention provisoire en attente d'extradition", mais peut faire appel de la décision.

Les 20 stars les plus « bankables » d’Hollywood

Posté par vincy, le 13 février 2009

will smithLe magazine Forbes calcule chaque année le poids économique des stars hollywoodienne, en fonction des recettes internationales de leurs films et de leur pouvoir d'attraction médiatique. Une côte assez objective où seulement trois femmes et deux afro-américains se glissent parmi la cohorte de mâles, dont DiCaprio est le plus jeune (et le seul trentenaire avec Damon). Huit acteurs ont été révélés par le petit écran, dans une série ou une émission d'humour. Il n'y en qu'un seul qui soit né en dehors des Etats-Unis et du Canada, c'est l'Australien Russell Crowe. Il est étonnant de voir que le classement ne coïncide pas forcément avec le montant des cachets : ici aucune Nicole Kidman ou Cameron Diaz, aucun Mel Gibson ou Eddie Murphy.

Contrairement à l'adage, la valeur attend le nombre des années. Sept comédiens et comédiennes ont ainsi commencé leur carrière avant 1990. Et quatre d'entre eux on été tête d'affiche avant 1980.

Voici ce classement, dominé, largement et logiquement, par Will Smith, seule star sur laquelle un studio peut miser les yeux fermés.

1. Will Smith

2. ex-aequo. Johnny Depp, Leonardo DiCaprio, Angelina Jolie, Brad Pitt.

6. Tom Hanks

7. George Clooney

8. Denzel Washington

9. Matt Damon

10. Jack Nicholson

11. Julia Roberts

12. Adam Sandler

13. Tom Cruise

14. Russell Crowe

15. Will Ferrell

16. Meryl Streep

17. Robert de Niro

18. Ben Stiller

19. Jim Carrey

20. Clint Eastwood

Anjelica Huston, star de Locarno 2008

Posté par vincy, le 22 juin 2008

ahuston_choke.jpgLe 61e festival de Locarno profitera de la venue de l'actrice-réalisatrice Anjelica Huston pour lui décerner le Prix d'Excellence du festival, traditionnellement remis à une star d'envergure internationale ayant oeuvré pour le cinéma d'auteur. La fille de John Huston viendra présenter Choke, de Clark Gregg (photo), une comédie noire primée à Sundance et adaptée du roman de Chuck Palahniuk.

Huston fera aussi une Masterclass. L'actrice a reçu un Oscar pour sa formidable prestation dans L'Honneur des Prizzi, en italienne éperdumment amoureuse de Jack Nicholson. Malgré son charisme, elle n'a jamais fait peur aux grands cinéastes comme Allen, Coppola, Ivory, Penn ou Eastwood.

On retient trois grandes performances : mère et tueuse dans Les arnaqueurs de Stephen Frears, matrice morbide et drôle dans La Famille Addams de Barry Sonnenfeld, et maman généreuse et touchante dans La Famille Tennenbaum de Wes Anderson.

Elle a aussi réalisé deux films, dont le poignant Agnès Browne présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 1999.