Gérardmer 2013 : 20 ans pour faire oublier Avoriaz

Posté par geoffroy, le 30 janvier 2013

Le festival des Vosges fête déjà ses 20 ans. Sans doute pas assez reconnu ou médiatisé comme il le faudrait (à ce titre Avoriaz l’était beaucoup plus), concurrencé par les festivals de Strasbourg et surtout le PIFFF de Paris, Gérardmer reste néanmoins LE rendez-vous fantastique de chaque début d’année en France. A l'étranger, les équivalents comme Sitges, Porto, Bruxelles ou Montréal sont bien plus populaires et reconnus.

Gérardmer peut compter sur son credo, surprendre. Son but, attirer les curieux venus d’horizons divers afin de célébrer dans la bonne humeur un cinéma riche, souvent ingénieux, toujours palpitant.

Comme de coutume, les différentes sélections regorgent de premiers films, d’avant-premières, d’hommages ou de rétrospectives alléchantes. D’autant que le jury, exclusivement composé d’artistes français, aura à sa tête notre Christophe Lambert national. Il sera accompagné, donc, par Marc Caro, Nicolas Boukhrief, Pascal Laugier, Xavier Gens, Pitof, Xavier Palus et Marina de Van qui, au demeurant, se trouve être la seule femme du jury.

Question sélection ça envoie du lourd avec, pour ce qui est de la compétition officielle, neuf films au programme. Pas un seul film français n’a été sélectionné. Dommage !

Le film d’ouverture, en compétition, sera assuré par the Complex, nouveau film du réalisateur japonais Hideo Nakata responsable de Dark Water et président du jury 2006. Mamá, d’Andres Muschietti, dernier succès horrifique US en date produit par Guillermo Del Toro avec Jessica Chastain dans le rôle-titre, sera particulièrement attendu. Tout comme le dernier film de Barry Levinson (Le Meilleur, Good Morning Vietnam, Rain Man ou Bandits), The Bay, film sur une épidémie meurtrière. The End, découvert à Toronto, sera à suivre, tout comme l’intriguant the Crack, long-métrage sur un huis clos familial proche de la folie. Si You’re Next de Adam Wingard promet quelques bons moments de frayeur pour ce home invasion à l’allure sanglante, nous sommes curieux de découvrir Remington and the curse of the Zombadings, ovni philippin très prometteur sur le papier.

Les films hors-compétition, au nombre de vingt, nous feront voyager de la Lituanie à l’Indonésie. Hormis les attendus Cloud Atlas des frères Wachowski, long film de 2h50, Hansel & Gretel avec Jérémy Rener, qui est en tête du box office nord-américain cette semaine, et le film d’animation produit par Sony Hôtel Transylvanie, hit inattendu de l'automne aux USA, quelques pépites sont à prévoir. Comme toujours. Citons Citadel, Grabbers ou encore Modus anomalie, le réveil de la proie.

Cette année l’hommage sera rendu à l’acteur britannique Simon Pegg présent pour l’occasion. Le festival proposera au public de (re)découvrir trois films de l’acteur dans le domaine du fantastique : Shaun of the Dead (2004), Star Trek (2009) et Paul (2011).

Pour tout savoir et plus encore sur le 20ème festival international du film fantastique, rendez-vous ici : www.festival-gerardmer

Crawl, une très belle plongée en eaux troubles

Posté par kristofy, le 30 janvier 2013

L’histoire : En Cornouaille, dans une Bretagne bordée par l'océan, Martin enchaîne les petits boulots et les maigres larcins. Il sort depuis peu avec Gwen, une fille mystérieuse qui habite seule dans un mobile home et qui va nager chaque jour en haute mer, par tous les temps. Le jour où Gwen annonce à Martin qu'elle est enceinte de lui et qu'elle veut garder l'enfant, il prend peur, et s'empresse de disparaître. Corinne, la soeur de Martin, est elle aussi enceinte et a du mal à faire passer l'arrivée d'un troisième enfant à Jean, son mari, déjà en prise avec des problèmes dans son travail. Alors que Martin puis Jean partent à la dérive, Gwen et Corinne se débattent seules et essayent de redresser la barre. Jusqu'au jour où Martin est accusé de meurtre...

Ce qu'il faut savoir : Le destin de Crawl est d’abord une belle aventure humaine : ce premier long-métrage du réalisateur Hervé Lasgouttes est non seulement l'un des meilleurs films français de ce début d’année mais aussi peut-être une des plus belle découverte de ces derniers mois.

Le hasard fait que sa sortie en salles arrive entre les réflexions sur les budgets mal maîtrisés de films pas rentables et les nominations pour les Césars qui oublient de manière injuste plusieurs films en marge des productions grand public… Dans ce contexte Crawl apparaît comme un film exemplaire à tous points de vue. L’intégralité du tournage - mais aussi toute la post-production - s’est déroulée en région Bretagne, le scénario s’appuie sur un mélodrame familial tout en évoquant un contexte social, et les acteurs tous remarquables élèvent cette histoire vers le haut.

Crawl avait eu les honneurs d’une sélection parallèle au dernier Festival de Venise où il a remporté le "Label Europa Cinemas" du meilleur film européen, prix que le jury avait décerné avec ces mots : « Crawl est un premier film impressionnant, Hervé Lasgouttes a un sens très fort de la narration et son film évoque de façon puissante l'atmosphère de la vie professionnelle en Bretagne, dans des conditions économiques difficiles . Les deux jeunes acteurs sont exceptionnels. » Il s’agit de surtout de Swann Arlaud (révélation sublime, et désormais autre grand espoir du cinéma français avec Pierre Niney) et de Nina Meurisse, mais aussi de Anne Marivin (dans un registre plus grave que ses comédies), Gilles Cohen, Jean-Marie Frin…qui sont tous au diapason.

Le réalisateur Hervé Lasgouttes avait confié une savoureuse anecdote à Venise : « On devait tourner avec un acteur qui s’est blessé en moto juste avant le début du tournage, il s’est retrouvé à l’hôpital. Soit le film s’arrêtait bien que tout soit prêt, soit on prenait quelqu’un d’autre. Je suis allé à Paris pour un casting de 7 jeunes comédiens entre 11h et 17h, et c’est donc Swann Arlaud qui a eu le rôle principal, il a pris le TGV dans la foulée pour un mois de tournage en Bretagne. Le lendemain à 9h du matin le tournage commençait, et c’était la scène où Swann Arlaud est jeté dans l’eau froide de la mer. »

Crawl nage dans les eaux de films comme Angèle et Tony de Alix Delaporte (aussi remarqué à Venise avant 3 nominations aux César l’année suivante) ou Welcome de Philippe Lioret. Ambitieux, ce film écrit finement, a beau être sombre, comme une plongée en eaux troubles par temps de nuit, il mélange habilement un cadre social réaliste et un drame familial sensible. La mise en scène valorise la poésie, sans doute grâce à une certaine pudeur. Les ellipses réussies, le rejet d'un certain naturalisme compensent même quelques facilités comme cette histoire de meurtre ou cette métaphore clichée de la nage comme outil émancipant. Hautement recommandable donc.