Vesoul 2016 : Dogora, séance spéciale avec Patrice Leconte

Posté par kristofy, le 9 février 2016, dans Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars, Vesoul.

leconteLe FICA de Vesoul propose chaque année une section thématique. Pour l'édition 2016, c'est « Entre l’Orient et l’Occident » qui réunit différents films où des réalisateurs ou des personnages effectuent des parcours d’est en ouest (ou l’inverse), comme par exemple Une chinoise de Guo Xiaolu (partie de son village de Chine elle arrivera en Angleterre à Londres), Voyage en Chine de Zoltan Meyer (Yolande Moreau part de France pour quelques temps en Chine pour les formalités de décès de son fils)…

Il y a plus de dix ans, en 2004, sortait en salles le film le plus étonnant de notre expert en comédie Patrice Leconte : "Depuis longtemps déjà, j'avais envie de faire un film sans acteurs ni scénario, sans dialogues, sans un mot, un film qui serait purement émotionnel, impressionniste et musical. Ce film, c'est Dogora, ouvons les yeux..."

Donc en effet il n'y a pas un mot, juste de la musique et de très belles images, montées avec une volonté d'amener le spectateur à adhérer au sujet : un pays, un peuple. Dogora se "lit" comme une fable qui nous raconte une civilisation, avec quelques travellings. De ce rêve s'échappent l'enfance, l'innocence, l'espérance; et un univers hostile, périlleux, précaire...

Pour la première fois depuis bien des années, Dogora a donc été de nouveau projeté dans une salle de cinéma, et Patrice Leconte a fait le voyage à Vesoul pour continuer de partager avec les spectateurs sur ce film qui lui tient à cœur :

A propos du dispositif de tournage :
Je suis cinéaste, et pas paparazzi. J’avais des principes pour faire ce film : ne pas filmer les gens à leur insu, ne pas mettre en scène, juste filmer du réel. On s’installait avec la caméra à la vue de tout le monde sans se cacher, on expliquait aux gens qu’on allait filmer un moment, d’abord on ne faisait rien du tout et ils ne faisaient plus attention à nous et puis après on commençait à filmer ce qu’on voyait.

A un moment on était sur un bateau qui faisait des aller-retour pour filmer ce qui se passait sur la rive, et une petite fille avançait à la même vitesse que notre bateau et ça fait une image magnifique, mais pas du tout mise en scène, sans tricherie. Comme la musique pré-existait, j’avais déjà fais un montage et découpage de la musique. Je savais que pour telle musique je mettrais des images d’enfants qui travaillent dans une décharge ou que sur telle musique des images de circulations en ville, c’était préparé en amont.

On a peut-être tourné cinq fois plus d’images que la durée du film terminé, mais pas non plus des dizaines d’heures. Je savais que je voulais commencer et finir sur l’orchestre et les chœurs, et je voulais filmer ça de manière pas conventionnelle, donc en noir et blanc et du flou pour les chœurs sauf pour le chef d’orchestre : c’était une manière d’être un peu dans l’abstrait pour se concentrer sur la musique. Le langage de la chorale c’est un langage qui n’existe pas, inventé par Etienne Perruchon.

Revoir Dogora en 2016 :
Mon rêve aurait été de signer le film avec 3 noms : le mien Patrice Leconte, Etienne Perruchon pour la musique et Joelle Hache pour le montage. Au départ le titre était simplement 'Dogora' tout court, ce sont les producteurs-distributeurs qui ont insisté pour le sous-titre ‘Dogora : ouvrons les yeux’ : c’est dommage car ça fait un peu donneur de leçon, et je n’ai aucune leçon à donner et plein à recevoir. C’est eux aussi pour les deux lignes de texte d’introduction, j’aurais préféré absolument aucun mot.

On me pose souvent une question sur ‘faire du cinéma’ et je dis aux jeunes gens c’est très bien de faire des films, mais il faut vous poser la question de pourquoi voulez-vous faire du cinéma. Un jour Wim Wenders avait répondu quelque chose comme ‘je fais des films pour rendre le monde meilleur’ : je me suis dit que quand-même c’est un peu gonflé de dire ça. Mais en fait il a raison. On ne fait pas des films pour soi ni pour rendre le monde pire, bien entendu. Moi je n’ai pas des choses à dire mais plutôt des choses à essayer de partager, en particulier avec ce film Dogora.

Crédit photos : Maximin Demoulin

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