[20 ans de festival] Cannes 2016 : 2013 – déferlement de cinéma sensuel et hypnotique
On s’en souvient bien, de cette édition 2013, parce qu’elle avait très mal commencé. Des films moyens, des sensations mitigées. "Mauvaise année" déclaraient déjà les festivaliers défaitistes. Il faut reconnaître que les films attendus comme c’est parfois le cas, faisaient pschiiiit les uns après les autres : Jeune et jolie de François Ozon, Le passé d'Asghar Farhadi, Jimmy P. d'Arnaud Desplechin, The immigrant de James Gray, Tel père, tel fils de Kore-Eda Hirokazu…
Mais au fond, peut-être était-ce pour mieux nous submerger d’œuvres fortes et puissantes car on est finalement reparti de Cannes cette année-là avec une impression de dynamisme exceptionnel, presque KO devant la diversité et la qualité des propositions. Des films qui non seulement allaient marquer l'année cinématographique, mais aussi leur époque. A commencer par La vie d'Adèle d'Abdellatif Kéchiche, très sensible histoire d'amour lesbienne qui fait chavirer le jury de Steven Spielberg. On y retrouve condensé, et dans une forme enfin captivante, tout le cinéma du réalisateur, de l'observation sociale à la mise en scène clinique, en passant par le portrait fulgurant d'une génération.
En parallèle, Alain Guiraudie présente en section Un certain regard un film qui restera pour toujours dans les esprits comme le pendant masculin de La vie d'Adèle, L'inconnu du lac, polar ironique et sombre sur fond de communauté homosexuelle naturiste. C'est le triomphe d'un cinéma sensuel, libéré et non normatif qui prend pour acquis les avancées de la société, et valide la loi sur le mariage pour tous qui vient d'être votée dans le plus grand chaos. On se souvient d'ailleurs que l'affiche de L'inconnu du lac sera censurée à Versailles et Saint-Cloud tandis que la tristement célèbre association promouvoir s'en prendra elle au visa de censure de La vie d'Adèle (interdit aux moins de 12 ans).
Il y a aussi une histoire d'amour hors normes et ô combien sensuelle dans le dernier opus de Jim Jarmusch, Only lovers left alive, qui met en scène deux vampires esthètes et centenaires traînant leur spleen dans notre monde obscurantiste. Une fable ultra chic et terriblement romantique qui illumine la compétition et repart injustement bredouille. Même chose pour La grande Bellezza de Paolo Sorrentino, autre hymne à la vie et à la beauté, qui ne séduit pas le jury, mais nous laisse hypnotisés et ravis, sous son charme brillant et ironique, magnifié par une mise en scène tourbillonnante.
On aime aussi l'univers romanesque et tragique de Michael Kohlhaas d'Arnaud des Pallières, perpétuelle recherche de vérité où tout est affaire de justice et de pardon ; le très explosif Touch of sin de Jia Zhang-ke qui livre des relations sociales en Chine une vision au vitriol ; l'épopée loufoque et touchante de Nebraska d'Alexander Payne ; le film noir inondé de rouge, à la beauté vénéneuse, d'Only God forgives de Nicolas Winding Refn... ou encore Inside Llewyn Davis, nouvelle comédie farfelue, absurde et facétieuse des frères Coen.
Peut-être la plus belle édition de notre (courte) histoire de festivaliers, qui rappelle à la fois pourquoi on aime inconditionnellement le cinéma, et pourquoi Cannes restera toujours notre festival de cœur.
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