Cartoon Forum 2017 : des femmes culottées, du romantisme et un voyageur impénitent

Posté par MpM, le 14 septembre 2017

On continue le tour d'horizon des projets présentés lors de cette 28e édition du Cartoon Forum, avec trois séries animées sur lesquelles on est prêt à miser gros. Si les deux premières, françaises, sont très attendues, la troisième est une découverte sensationnelle venue du Portugal.

ROMANTISMES
Production : Silex Films
Réalisateur : Amélie Harrault

C'est probablement l'un des challenges les plus audacieux qu'il nous sera donné de découvrir lors de cette 28e édition du Cartoon Forum : une série (4 x 52 minutes) 100% animation qui raconte le Paris artistique et littéraire du XIXe siècle. Dans la continuité des Aventuriers de l'art moderne (série diffusée sur Arte en 2015), dont elle constituera une sorte de saison 2, Romantismes s'adresse au grand public (adultes et jeunes adultes) qui est invité à découvrir tout un pan parfois méconnu de l'histoire de l'art et des idées.

On y croisera notamment Victor Hugo, George Sand, Frédéric Chopin, Charles Baudelaire ou encore Eugène Delacroix, pour un autre regard sur toute une époque foisonnante de création et d'émulation artistique. La grande histoire se mêlera aux anecdotes moins connues, révélant les relations qui unissaient les plus grands artistes de l'époque, ainsi que le contexte politique et social dans lequel ils évoluaient.

La réalisatrice Amélie Harrault souhaite travailler autour des artistes et de leurs oeuvres, mais également de leurs influences, en suivant trois actes directeurs : d'une part une absolue véracité documentaire (elle réunit pour cela une équipe d'experts auprès de Dan Franck, qui est le scénariste), d'autre part un récit dramaturgique puissant et enfin un émerveillement visuel sans cesse renouvelé grâce aux mélanges des techniques d'animation. Amélie Harrault prévoit en effet de mélanger la peinture sur verre, les papiers découpés ou encore la rotoscopie avec des techniques d'animation 2D traditionnelles. Les premières recherches graphiques présentées pendant le Forum laissent en tout cas apparaître le potentiel de la démarche, qui permettra à l'animation d'épouser l'esthétique des courants artistiques abordés et de recréer l'ambiance stylistique de l'époque. Un apport indispensable (évidement offert par l'animation) pour rendre ce type de programme à la fois plus vivant et plus enrichissant.

Le plus : un projet d'auteur de grande envergure, qui se donne les moyens artistiques de réussir sans chercher à flatter le spectateur.
Le bémol : il faudra attendre, au mieux, fin 2021 pour découvrir Romantismes sur le petit écran.
A savoir : Amélie Harrault a remporté le César du meilleur court métrage d'animation en 2014 pour Mademoiselle Kiki et les Montparnos. Elle a également réalisé Les Aventuriers de l'art moderne.

CULOTTÉES
Production : Agat Films & cie
Réalisatrice : Sarah Saidan

Énorme succès de librairie, les deux tomes de Culottées signées Pénélope Bagieu (Gallimard) devraient arriver sur nos écrans à l'hiver 2018, sous forme de 30 épisodes de 3 minutes. On ne se fait pas tellement de souci pour ce projet qui capitalise sur la popularité de l'auteur et les bonnes ventes des ouvrages, en plus de faire appel à une jeune réalisatrice reconnue dans les milieux de l'animation. Sarah Saidan a en effet été remarquée avec son dernier court métrage Beach flags (2014) qui a été sélectionné dans plus de 100 festivals internationaux et a remporté de nombreux prix dont celui du meilleur film à Aubagne et le Grand Prix au BIAF en Corée.

La série gardera l'idée de présenter de manière militante des femmes (souvent méconnues) qui ont joué un rôle important par le passé, que ce soit dans leur communauté ou de manière plus large au niveau national et international. On devrait ainsi retrouver l'impératrice Wu Zetian, la journaliste Nellie Bly, le groupe The Shags et la travailleuse sociale Leymah Gbowee. Visuellement, chaque épisode devrait s'articuler autour de 2 ou 3 couleurs dominantes, avec une cohérence graphique de l'un à l'autre. Comme dans la BD, le ton sera plutôt humoristique, conservant l'idée du décalage et des anachronismes.

Le plus : dans la droite ligne de la BD, la série s'annonce particulièrement engagée en faveur du droit des femmes.
Le bémol : la BD repose beaucoup sur l'ellipse, le sous-entendu et la connivence avec le lecteur, ce qui pourrait s'avérer moins compréhensible à l'écran.
À savoir : on peut toujours consulter les pages du blog de Pénélope Bagieu consacrées à Culottées sur Le Monde.

MR PASSENGER
Production : AIM Animation Studios
Réalisateur : Zepe

Venu du Portugal, Mr Messenger est un personnage ultra-stylisé, toujours représenté une carte à la main, qui évolue dans des paysages archétypaux aux formes géométriques. Ici, pas de morale, aucun message éducatif et probablement pas non plus de bons sentiments lénifiants, mais la découverte fascinante d'un univers graphique fort, inspiré d'artistes comme Kandinski et Miro, et pensé pour développer les capacités d'abstraction du jeune public (6-12 ans). On y assistera, entre humour et fantaisie, aux doutes et aux questions qui animent le personnage principal, qui se demande notamment comment ramener une étoile tombée du ciel ou part en quête de l'origine des couleurs.

Un projet évidemment totalement singulier qui s'affranchit des codes de la série pour enfants en proposant des intrigues atypiques, des références picturales inhabituelles et surtout aucune bonne conscience pédagogique ou morale. Probablement un ovni dans la production contemporaine, qui s'appuie sur les dessins somptueux de Zepe et leurs belles couleurs vives proposées en larges aplats. Exactement le genre d'œuvre conçue pour éveiller la curiosité des enfants, de même que leur goût esthétique, et non à les formater à un style de narration ou de valeurs.

Le plus : un livre a été réalisé à partir des dessins et du scénario du premier épisode, et c'est une splendeur.
Le bémol : plus ambitieux et exigeant que la moyenne (simplement parce qu'il ne prend pas les enfants pour des consommateurs décérébrés), Mr Passenger peut effrayer les investisseurs. Mais vu son potentiel, ce serait dommage de laisser le projet à l'état de pilote en attendant qu'un distribu Stuarteur plus courageux ouvre la voie et récolte tous les lauriers.
À savoir : Zepe a déjà réalisé trois courts métrages, dont Candide et Stuart, tous les deux nommés pour le Cartoon d'or.

Edito: D’après une histoire vraie… le réel plus fort que la fiction?

Posté par redaction, le 14 septembre 2017

Cette semaine, les cinéphiles peuvent découvrir la vie d'un pilote travaillant illégalement pour la CIA (certes très remaniée par rapport à la réalité), d'un cinéaste culte nommé Godard (certes sur le ton de la satire) et d'un couple maudit (certes ils se sont tant aimés), respectivement dans Barry Seal, Le redoutable et Nos années folles.

Les histoires vraies passionnent. Elles sont devenues un matériau à part entière. Et désormais on n'attend plus que le personnage soit six pieds sous terre. La preuve avec Pierre Bergé, incarné par Guillaume Gallienne et Jérémie Rénier dans les deux biopics sur Yves Saint-Laurent récents. Bergé (qui a aidé à produire 120 BPM) est mort vendredi mais il a pu voir deux acteurs se mettre dans sa peau. Cela doit faire étrange. Bien vivante, la personnalité est déjà héroïsée par le cinéma. Il va y en avoir du personnage historique ou contemporain. Gauguin, Karl Marx, la Reine Victoria, Van Gogh, Bjorn Borg et John McEnroe, Billie Jean King et Bobby Riggs, Romain Gary et sa mère,... Du tennis, de la peinture, des leaders politiques, il n'y a aucune profession qui échappe à cette mode du biopic.

Pour les Oscars, la France a quand même eu "l'audace" de présenter trois films basés sur des personnages réels et contemporains. Et côté productions américaines, on peut compter sur Emma Stone en Billy Jean King ou Shia LaBeouf en John McEnroe ou Judi Dench en Reine Victoria. Et la liste s'allonge avec le Spielberg et le Eastwood, qui seront finalement prêts à temps.

Le tournage est à peine terminé mais The Post aura le droit à une sortie confidentielle (New York et Los Angeles) durant les fêtes pour être oscarisable, alors que sa sortie nationale est prévue pour le 12 janvier. Le film de Spielberg, qui relate un fait réel autour du Washington Post, à la manière des Hommes du Président, peut compter sur Meryl Streep et Tom Hanks pour glaner quelques nominations.

Même chose pour The 15:17 to Paris de Clint Eastwood, tourné entre fin juillet et début septembre. Ce film sur l'attentat déjoué du Thalys en 2015, a été réalisé sur les lieux mêmes du drame, à Arras, mais aussi à l'Elysée (un jour où Emmanuel Macron était absent), avec Patrick Braoudé incarnant François Hollande (dans une séquence où l'ancien président de la République remet la légion d'honneur aux héros). Les trois soldats américains qui ont intercepté le terroriste dans le train - Anthony Sadler, Alek Skarlatos et Spencer Stone - interprètent leur propre rôle. Plus réaliste on meurt. Eastwood semble amorcer une série de films inspirés du réel, avec des héros "ordinaires", après ses succès American Sniper en 2014 et Sully en 2016. Eastwood a confirmé que le film serait prêt pour une sortie en décembre.

Le réel plus fort que la fiction ou comblant la panne d'inspiration, d'imagination? Cet engouement ne date pas d'hier, mais on voit bien qu'il prend de plus en plus de place dans les projets, aux côtés des adaptations de livres ou de BD. Six films biographiques ont dépassé le million d'entrées depuis un an en France. Ce n'est pas rien. Ça fait de belles histoires. De là à en faire des grands films...