Edito: liberté, égalité, diversité

Posté par redaction, le 1 mars 2018, dans Actualité, société, Business, Prix.

Robe noir et ruban blanc. L'Affaire Weinstein a déclenché un mouvement sociétal et politique inespéré. Les femmes prennent la parole et crient haut et fort leur ras-le-bol d'une société sexiste. Cela passe nécessairement par une refonte plus profonde du rapport à l'égalité entre sexes. On se souvient du fabuleux discours féministe de Patricia Arquette aux Oscars en 2015: elle militait pour l'égalité des droits. Au même moment, des actrices comme Jennifer Lawrence se plaignait des écarts salariaux entre acteurs et actrices.

Car, en effet, ce n'est pas gagné. La nouvelle association française 50502020 veut croire à une meilleure répartition: "Nous pensons que la parité réduit les rapports de force. Nous pensons que la diversité change en profondeur les représentations. Nous pensons qu’il faut saisir cette opportunité de travailler à l’égalité et la diversité parce que nous avons la certitude qu’ouvrir le champ du pouvoir favorisera en profondeur le renouvellement de la création" explique-t-elle dans son manifeste. Elle réclame des conseils d'administration, des jurys, des écoles de cinéma paritaires et la création d'un observatoire de l'égalité dans l'industrie du cinéma.

L'initiative est soutenue par des productrices ou distributrices (Caroline Benjo, Carole Scotta, Mélissa Toscan du Plantier), Réalisatrices (Marie Amachoukeli, Julie Bertuccelli, Catherine Corsini, Valérie Donzelli, Agnès Jaoui), Attachée de presse (Viviana Andriani), Comédiennes (Ariane Ascaride, Amira Casar, Lily Rose Depp, Adèle Haenel, Aïssa Maïga, Clémence Poésy, Léa Seydoux, Jasmine Trinca), Journalistes (Florence Ben Sadoun, Tania de Montaigne), Scénaristes et/ou écrivaine (Anne Berest) costumières ou assistantes, vendeuses ou cadreuses, mais aussi des hommes (Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Bertrand Bonello, Robin Campillo, Laurent Cantet, Yann Gonzalez, Etic Vicente).

Pour simple rappel, en France, en dehors des scriptes et des cascadeuses, toutes les professions affichent un écart salarial négatif au détriment des femmes: -9% en moyenne pour les interprètes, -12% dans le montage, -17% pour les décors, -42% pour la réalisation. Toujours selon les chiffres fournis par le CNC, il y a une sérieuse inégalité dans certaines professions pour l'accès au poste. A 96% les scriptes sont des femmes, à 88% les costumes sont conçus par des femmes. Elles sont largement majoritaires dans les postes de coiffure/maquillage, la comptabilité/juridique/communication... Mais à l'inverse, 4% des chauffeurs, des électriciens et des machinistes sont de sexe féminin. Un quart des cinéastes sont des réalisatrices. Dans les métiers du son la proportion est inférieure à 10%.

Et puisque nous sommes la semaine des César, les chiffres sont éloquents: en 42 éditions, 19% des nommés dans 13 catégories unisexes des César sont des femmes. 20% ont été césarisées. Le César de la réalisation n'a été attribué qu'une seule fois à une réalisatrice. Même nombre pour le César de la meilleur musique. Pour le César de la meilleure photo ou celui du documentaire, on n'a que trois femmes césarisées dans chacune des catégories. Logiquement, tous ces chiffres seront encore plus bas à la fin de la cérémonie du 2 mars.

Et ne parlons pas de la diversité... Aux Etats-Unis, une récente étude de l'UCLA a d'ailleurs rendu son bilan sur la représentation des femmes et des minorités au cinéma et à la télévision. Alors que Wonder Woman et Black Panther ont mis en avant une héroïne et des héros noirs, alors que Moonlight, Oscar 2017 du meilleur film cumulait un casting afro-américain et un récit homosexuel, alors que Greta Gerwig est nommée à l'Oscar de la meilleure réalisation et que la plupart des films oscarisés mettent en avant des femmes, des personnages gays ou des minorités ethniques en tête d'affiche, le constat est toujours désespérant.

La représentation des femmes comme des minorités ne s'améliore pas. 14% des premiers rôles, 12,6% des réalisateurs, 8% des scénaristes pour les minorités. Les chiffres sont légèrement meilleurs pour la télévision. Rappelons que 38,7% de la population américaine est non blanche. 31% des premiers rôles, 7% des réalisateurs, 14% des scénaristes sont des femmes. Là encore, les statistiques sont plus favorables pour le petit écran. Logiquement les Oscars restent "whites" et "males".

C'est évidemment pire en Chine ou en Inde, où la diversité est peu présente et les femmes cantonnées à des rôles stéréotypés. On peut toujours s'insurger contre cette lecture cloisonnante, exclusive d'un secteur culturel. Mais l'époque indique justement qu'il est temps de cesser avec les discriminations et de devenir davantage inclusif. Le cinéma est un reflet du monde: clairement, son industrie n'est toujours pas représentative de la société.

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