Fin de parade pour Annie Cordy (1928-2020)
Incontestablement la plus populaire des Belges (le roi Albert II l'a d'ailleurs faite Baronne), la passionnée, éclectique et fantasque Annie Cordy est morte le 4 septembre près de Cannes à l'âge de 92 ans. Née Léonie Juliana Cooreman, surnommée Nini la chance, elle a été durant près de 80 ans chanteuse, meneuse de revue et actrice. 700 chansons (dont quelques tubes et un compagnonnage musical avec Bourvil), une vingtaine de comédies musicales (Hello Dolly en haut de l'affiche) et d'opérettes, une quarantaine de films, une trentaine de séries et téléfilms, une dizaine de pièces de théâtre: "La passion fait la force" était sa devise.
Si cette boule d'énergie, toujours de bonne humeur en public, maniant la dérision et l'absurde comme ses compatriotes savent le faire, laisse l'image d'une artiste flamboyante, pailletée et colorée, ses rôles au cinéma étaient souvent bien plus dramatiques, touchants et même bouleversants.
Annie Cordy aura traversé sept décennies de cinéma depuis 1954 (Boum sur Paris de Maurice de Canonge, Si Versailles m'était conté... de Sacha Guitry et Poisson d'avril de Gilles Grangier). Souvent en second-rôle, mais capable de voler des scènes aux plus grands, d'habiter un personnage en un plan.
Bronson, Gabin...
Elle est ainsi Cri-Cri dans Le Chanteur de Mexico, Mimi dans Tabarin (tous deux de Richard Pottier), Lily dans Ces dames s'en mêlent de Raoul André. Folle, excentrique, délurée, elle assume sa belgitude. A partir des années 1970, Annie Cordy opère un virage en allant vers des films plus dramatiques: Le Passager de la pluie de René Clément, avec Charles Bronson et Marlène Jobert, La Rupture de Claude Chabrol, en épouse de Jean Carmet, Le Chat de Pierre Granier-Deferre, où patronne d'hôtel elle devient la confidente de Jean Gabin, ... Cela ne l'empêche pas de jouer de petits rôles dans des comédies (Elle court, elle court la banlieue, Disco, Tamara 2), de passer de psychanalyste à baronne, de mère à concierge, de vendeuse de poisson à grande séductrice, sans qu'aucun des films jusque dans les années 2000 ne marquent les esprits.
Beaux souvenirs
Là, elle retrouve des cinéastes d'envergure ou des rôles plus riche: Le Dernier des fous de Laurent Achard, en grand mère idéale, C'est beau une ville la nuit de Richard Bohringer, en mamie de banlieue, Le crime est notre affaire de Pascal Thomas, en chasseuse de papillons suisse, Le Dernier Diamant, polar d'Éric Barbier, Le Cancre de Paul Vecchiali, sélectionné à Cannes, Les Herbes folles, film surréaliste d'Alain Resnais ou encore Les Souvenirs de Jean-Paul Rouve, fabuleuse et émouvante grand mère en fin de vie. Nini avait ce mélange de gaieté optimiste et de sensibilité sincère. Le cinéma, sans avoir été ingrat, n'aura pas été aussi généreux avec son talent qu'elle ne l'a été pour ces films.
Annie Cordy aura également chanté des chansons pour les VF de films d'animation de Disney, prêtant même sa voix dans Pocahontas et Frère des Ours. Sur le petit écran, elle fut Madame Sans-Gêne, Madame S.O.S, ou la grand mère de Marion dans "Scènes de ménage". Il y a deux ans, elle so'ffrait deux dernières apparitions: dans le drame télévisé Illettré de Jean-Pierre Améris et dans un court-métrage, Les Jouvencelles de de Delphine Corrard. Et en effet, elle fut un éternel bain de jouvence...
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