Synopsis : Inspecteur à Reykjavik, Erlendur enquête sur le meurtre d'un vieil homme apparemment sans histoire. La photo de la tombe d'une petite fille retrouvée chez la victime réveille pourtant une affaire vieille de quarante ans. Et conduit Erlendur tout droit à Jar City, surprenante collection de bocaux renfermant des organes, véritable fichier génétique de la population islandaise...
Notre avis : Des secrets de famille, il n’en sort jamais rien de bon. Déterrer des vieux démons enfouis depuis des années, c’est faire ressurgir les mensonges cachés, les trahisons coupables et les douleurs de ceux qui vivent dans l’ignorance. C’est mettre à mal des êtres en les poussant aux crimes dans le déchirement d’un corps social malade. Sans révolutionner le genre, Jar City scrute avec sobriété un existentialisme douloureux en confrontant nature et culture dans un univers implacable où l’acte prend toute sa valeur. La dimension sociétale s’en retrouve décuplée et si l’enquête peut paraître décevante dans son cheminement, elle étire le nœud des relations, des interactions et des pesanteurs au jour le jour dans un temps tellurique magnifié par les paysages désertiques d’Islande.
Réussite en ce sens, le troisième film de Baltasar Kormakur déjà responsable du très bon 101 Reykjavik, s’appuie essentiellement sur un sens du plan – d’un long-métrage tourné en dv – en accord avec une narration par emboîtement d’évènements et de rebondissements. Classique car linéaire, l’enquête passe de la ville (écrasement de la perspective) à la campagne (survol des terres arides rocailleuses) et spécifie une atmosphère sans doute propre au pays. Pourtant, le réalisateur ose destructurer son récit en y greffant deux évènements distincts mis en parallèle, comme s’il s’agissait de souffler un sombre écho sans cesse répercuté. Le meurtre d’un homme a priori sans histoire répond alors au décès d’une petite fille foudroyée par une maladie rare et héréditaire. En focalisant son attention sur une enquête peu ou pas assez ramifiée avec le deuxième évènement, Baltasar Kormakur oublie de creuser des thématiques aussi riches que les liens du sang, l’hérédité et surtout l’incroyable joyau qu’aurait suscité le traitement de la recherche génétique au service de la science.
Sans tomber dans la mauvaise fiction d’anticipation, l’art du cinéma de genre est de puiser sur des réalités en marche afin d’y déceler les perspectives qui seront cinématographiquement pertinentes. L’enquête se devait d’être le point de départ d’une réflexion sur les risques de dérapages d’un tel pouvoir à l'instar du film d'Andrew Niccol, Bienvenue à Gattaca. D’autant plus que le metteur en scène pouvait librement s’inspirer de la création bien réelle d’un fichage génétique et médical en Islande par une boîte privée « DeCode Genetics Inc. » pour y dessiner un scénario plus consistant et surtout ambitieux. Il y avait de quoi mettre en résonance l’enquête du flic Erlendur et les questions soulevées par cette cité des Jarres, bastion post-moderne d’un devenir palpable où la génétique opératoire deviendrait la science favorite d’apprentis sorciers en tous genre. Au lieu de cela, nous nous retrouvons devant un polar classique dans sa dimension sociale, l’histoire de famille banale prenant le pas sur l’expertise d’une société en train de basculer vers une ingénierie génétique instigatrice d'une nouvelle morale.