Festival du Cinéma Nordique : de Rembrandt à Eva Joly

Posté par geoffroy, le 18 mars 2009

nordic-2009-225.jpgDu 18 au 29 mars prochain la ville de Rouen (Seine-Maritime) accueille la 22e édition du festival du cinéma nordique.
Créé en 1988 celui-ci est devenu, au fil des ans, un évènement incontournable pour la création cinématographique du nord de l’Europe. Original, vivant, parfois méconnu mais capable d’offrir de grands cinéastes comme Lars Von Trier, Roy Andersson, Thomas Vinterberg, Aki Kaurismäki ou plus récemment Balstar Kormakour (Jar City) et Bent Hammer (La nouvelle vie de monsieur Horten), le cinéma scandinave ne cesse de se rénover en proposant une vision singulière du monde. Cette force créative se retrouve dans une programmation avant tout éclectique, où fiction, documentaire, court-métrage et animation s’entremêlent. De la Finlande à l’Islande en passant par la Belgique, cette 22e édition brassera pas moins de 60 films autour de sections variées et ambitieuses.

Une sélection officielle comptant 10 films venus de 7 pays différents (petit regret néanmoins de ne pas retrouver les pays Baltes) et une attente particulière autour de deux films. Instants Eternels du maître suédois Jan Troell (les Emigrants 1971 et le Vol de l’aigle 1982) et Mariage à l’islandaise, premier long métrage de la monteuse islandaise Valdis Oskarsdottir ayant travaillé sur Mongol et Mister Lovelly.

Une programmation thématique déclinée sur trois axes.

- L’actu du nord tout d’abord, qui proposera des films pour la plupart inédits, sera marquée par la présentation du documentaire de Hege Dehli, Eva Joly, une justice malgré tout consacré à la magistrate norvégienne aujourd’hui candidate aux élections européennes de juin 2009 en Ile-de-France sur la liste des Verts. Celle-ci sera d’ailleurs présente le 21 et 22 mars.

- Ensuite, un regard sous forme d’éloge au peintre néerlandais du XVIIe, Rembrandt. Huit films tenteront de percer le mystère de ce maître baroque dont le tout dernier et admirable Peter Greenaway, la Ronde de nuit.

- Pour finir, une invitation au cinéma de genre fantastique en plein essor depuis une dizaine d’années dans ces contrées du froid viendra saisir le public avide de frissons et de découvertes. Pour tous ceux qui ont raté le dernier Grand Prix au festival de Gérardmer, Morse de Tomas Alfredson s’affichera au côté de ses petits camarades horrifiques.

Enfin et pour clore cette programmation naviguant sur deux cinémas et trois salles autour de débats, de premiers films et de rencontres avec le public, le festival proposera un pont entre littérature et cinéma par l’hommage rendu au romancier de polar norvégien Gunnar Staalesen.

La Norvège croit en son cinéma

Posté par vincy, le 10 octobre 2008

nouvelledonne.jpgEcran Noir aime beaucoup le cinéma nordique : on l'a vu récemment avec des films islandais et norvégiens. Evidemment, comparé à nos bravos, leur B.O. en France n'ont pu que nous décevoir. Il est toujours amer pour des critiques de se sentir un peu seuls. A qui parler de la jubilation vécue en voyant Back Soon ou La nouvelle vie de Monsieur Horten ? A qui offrir le livre Jar City après avoir vu le film? Avec qui débattre de Nouvelle Donne ?  Et n'oublions pas Kaurismaki, Von Trier ou encore Anderson parmi les cinéastes venus de là-haut...

En tout cas, il faudra sans doute voir une résurgence du cinéma norvégien dans les prochaines années. Fort de ses succès dans les salles locales et dans les festivals internationaux, les films norvégiens n'ont jamais été aussi nombreux (21 longs métrages en 2006, un record. Les salles n'ont jamais été aussi pleines, approchant les 2 millions d'entrées pour les films nationaux, soit 2 fois plus qu'avant les années 2000. Certains films séduisaient de 200 000 à 300 000 norvégiens, quelque soit le genre ou la cible. Le budget des films avoisine 1,5 millions d'euros et la part de marché augmente (désormais elle atteint 16%).

La semaine dernière, le gouvernement norvègien a annoncé qu'il ajouterait 7 millions d'euros dans un budget totalisant 90 millions d'euros environ d'aides à l'industrie cinématographique. Dorénavant l'objectif est de produire 25 films par an et de vendre 3 millions de tickets, soit une part de marché de 25% pour les films locaux. Qui a parlé de crise?

Jar City : enquête insulaire

Posté par geoffroy, le 8 septembre 2008

Jar citySynopsis : Inspecteur à Reykjavik, Erlendur enquête sur le meurtre d'un vieil homme apparemment sans histoire. La photo de la tombe d'une petite fille retrouvée chez la victime réveille pourtant une affaire vieille de quarante ans. Et conduit Erlendur tout droit à Jar City, surprenante collection de bocaux renfermant des organes, véritable fichier génétique de la population islandaise...

Notre avis : Des secrets de famille, il n’en sort jamais rien de bon. Déterrer des vieux démons enfouis depuis des années, c’est faire ressurgir les mensonges cachés, les trahisons coupables et les douleurs de ceux qui vivent dans l’ignorance. C’est mettre à mal des êtres en les poussant aux crimes dans le déchirement d’un corps social malade. Sans révolutionner le genre, Jar City scrute avec sobriété un existentialisme douloureux en confrontant nature et culture dans un univers implacable où l’acte prend toute sa valeur. La dimension sociétale s’en retrouve décuplée et si l’enquête peut paraître décevante dans son cheminement, elle étire le nœud des relations, des interactions et des pesanteurs au jour le jour dans un temps tellurique magnifié par les paysages désertiques d’Islande.

Réussite en ce sens, le troisième film de Baltasar Kormakur déjà responsable du très bon 101 Reykjavik, s’appuie essentiellement sur un sens du plan – d’un long-métrage tourné en dv – en accord avec une narration par emboîtement d’évènements et de rebondissements. Classique car linéaire, l’enquête passe de la ville (écrasement de la perspective) à la campagne (survol des terres arides rocailleuses) et spécifie une atmosphère sans doute propre au pays. Pourtant, le réalisateur ose destructurer son récit en y greffant deux évènements distincts mis en parallèle, comme s’il s’agissait de souffler un sombre écho sans cesse répercuté. Le meurtre d’un homme a priori sans histoire répond alors au décès d’une petite fille foudroyée par une maladie rare et héréditaire. En focalisant son attention sur une enquête peu ou pas assez ramifiée avec le deuxième évènement, Baltasar Kormakur oublie de creuser des thématiques aussi riches que les liens du sang, l’hérédité et surtout l’incroyable joyau qu’aurait suscité le traitement de la recherche génétique au service de la science.

Sans tomber dans la mauvaise fiction d’anticipation, l’art du cinéma de genre est de puiser sur des réalités en marche afin d’y déceler les perspectives qui seront cinématographiquement pertinentes. L’enquête se devait d’être le point de départ d’une réflexion sur les risques de dérapages d’un tel pouvoir à l'instar du film d'Andrew Niccol, Bienvenue à Gattaca. D’autant plus que le metteur en scène pouvait librement s’inspirer de la création bien réelle d’un fichage génétique et médical en Islande par une boîte privée « DeCode Genetics Inc. » pour y dessiner un scénario plus consistant et surtout ambitieux. Il y avait de quoi mettre en résonance l’enquête du flic Erlendur et les questions soulevées par cette cité des Jarres, bastion post-moderne d’un devenir palpable où la génétique opératoire deviendrait la science favorite d’apprentis sorciers en tous genre. Au lieu de cela, nous nous retrouvons devant un polar classique dans sa dimension sociale, l’histoire de famille banale prenant le pas sur l’expertise d’une société en train de basculer vers une ingénierie génétique instigatrice d'une nouvelle morale.