"- Je dois saisir cette chance. La vie ne peut pas se résumer qu’à ça."
L'Histoire : Au beau milieu de l’Artique, deux femmes vivent totalement isolées, fuyant comme la peste la compagnie de leurs semblables. Un jour, pourtant, elles recueillent un homme laissé pour mort au milieu de la neige… Il va bouleverser leurs habitudes et confronter l'une à son passé et ses peurs, l'autreà son futur et ses désirs.
Notre avis : En filmant avec ampleur et majesté les paysages à couper le souffle, parfois écrasants, de l’Artique, Asif Kapadia fait de ses personnages les ultimes survivants d’une humanité ayant depuis longtemps plié devant la toute puissance de la nature. L'hostilité se situe davantage dans la défiance entre les personnages que dans ce décor sauvage. Pour renforcer encore cette sensation de huis clos confiné, il évacue presque tout contexte temporel et historique, plaçant son récit naturaliste directement sous le signe du conte mi-fantastique, mi-contemplatif. Parfois poétique et même fascinant quand il se concentre sur les rites et les gestes de ces peuples du grand nord. On y croit d’autant plus que le poids d’une terrible malédiction flotte sur le personnage ambigu de Michelle Yeoh qui apparaît tour à tour touchante et redoutable, dur et vulnérable.
Malheureusement, le réalisateur ne parvient pas à garder le cap, se perdant dans des flash-back mélodramatiques (avec Michelle Yeoh jouant un peu ridiculement les jeunes filles) qui gâchent la belle ambiance oppressante et mystique du film, et en allongent inutilement la durée. D’ailleurs, dans sa deuxième partie, Far north manque de souffle et de rythme, ne sachant plus comment faire le lien entre ces deux femmes, unies par un pacte sanglant, qui se détisse quand l'homme devient leur seul centre d'intérêt. Car si les silences de la nature et l'économie de mots servent très bien la première partie, il aurait fallu une densité psychologique plus profonde pour que ce film tienne sur toute sa longueur, pour que cette cruauté nous glace plus qu'elle nous lasse. Car le rebondissement final ne parvient pas à relancer l’intérêt, plus proche du grand-guignol grotesque que du climax glaçant. L'allégorie se brise comme un iceberg qui fond.