Quand la fiction traverse l'écran, ce n'est pas toujours pour le meilleur. Depuis plusieurs semaines, le film Timbuktu d'Abderhamane Sissako livre un regard cru et profond sur les exactions des djihadistes au Mali : limitation des libertés individuelles, lapidations, mariages forcés... Au nom d'une religion qu'ils se sont arbitrairement accaparé, les soldats pensent avoir droit de vie et de mort sur leurs concitoyens.
Une réalité lointaine ? L'attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo rappelle que ces exactions nous concernent tous. Aujourd'hui, en France, dessiner et faire rire sont devenus des crimes punis de mort. Aujourd'hui, en France, des hommes sont morts parce qu'ils croyaient en un idéal, celui de la liberté d'expression, mais aussi en une force : celle du rire, pour adoucir les oppositions et faire voler en éclats les barrières et les malentendus, et surtout les haines et les peurs. Il n'existe pas de terme assez fort pour dire l'horreur d'une telle pensée. Il n'existe pas de mot assez virulent pour condamner de tels actes.
Mais attention aux amalgames et aux raccourcis. Les seules personnes à blâmer pour ces assassinats abjects, ce sont leurs auteurs, et ceux qui les ont conditionnés à agir ainsi. Ne prenons pas prétexte de l'attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo pour chercher des boucs émissaires ou stigmatiser une religion ou un groupe d'individus.
Au contraire, prenons exemple sur un autre film, Iranien de Mehran Tamadon (sorti début décembre), pour combattre nos propres angoisses, nos propres fantasmes. Dans ce documentaire étonnant, un rapprochement fugace s'opère entre des hommes que tout semble (à tort) opposer : des mollahs affiliés au régime en place et un cinéaste athé convaincu. Si eux peuvent le temps d'un week-end oublier leurs dissensions pour apprendre à se connaître, pourquoi ne pourrions-nous pas abandonner nous aussi nos préjugés ?
L'art, le dialogue, et souvent l'humour sont les meilleures armes pour repousser l'obscurantisme et mettre en lumière les points communs entre les êtres, plutôt que leurs différences. Parce qu'aujourd'hui, nous sommes tous Charlie, défendons la liberté d'expression, mais aussi le vivre ensemble, la bienveillance et le partage. C'est la seule solution pour résister à la barbarie, la haine et l'obscurantisme qui viennent de s'abattre sur nous.