La fièvre au corps. Film noir, d’un genre nouveau, plus cru, datant de 1981. C’est surtout un film de débutants. Il s’agit du premier film de Lawrence Kasdan, de la première fois où William Hurt et Kathleen Turner sont en tête d’affiche au cinéma. On y croise aussi un vétéran comme Richard Crenna et un espoir nommé Mickey Rourke.
Le film rappelle en de nombreux points, Assurance sur la mort, de Billy Wilder. Mais ici le casting lui ajoute une tension érotique irrésistible. L’alchimie sera si bonne que Turner et Hurt rejoueront chez Kasdan dans Voyageur malgré lui en 1988.
Ici aucun diable au corps, il s’agit d’un jeu machiavélique, très bien construit. Un mécano où les détails ne seront révélés qu’à la fin, un de ces films à « twist », c’est à dire que la fin nous oblige à revoir l’histoire différemment.
Joli succès à l’époque, cette œuvre pour cinéphiles avertis a redoré le blason du genre, un peu éteint depuis Chinatown…
Quand Lawrence Kasdan écrit et réalise ce film, il était juste connu pour avoir scénarisé le deuxième volet de La Guerre des étoiles. La même année que La fièvre au corps, il est aussi l’auteur des Aventuriers de l’arche perdu. On lui devra aussi le scénario de Bodyguard. Comme cinéaste, il a laisse son empreinte dans le cinéma des années 80 avec Les copains d’abord, Silverado et Voyageur malgré lui. Les autres films, Grand Canyon ou Wyatt Earp, étaient plus ambitieux, mais moins populaire. Il n’a trouné que deux films dans les années 2000, Dreamcatcher et Darling Companion. Il continue à travailler sur Star Wars. En cachette, il faut savoir que George Lucas a financé une partie du film, tout en ne voulant pas associer le nom de Lucasfilm à un film si sulfureux.
William Hurt a 30 ans quand il tourne La fièvre au corps. Il doit cette "chance" au refus de Christopher Reeve. Il est alors l’incarnation du jeune américain sexy, ni idiot, ni trop beau. Le film le rend célèbre, alors qu’il a déjà une côte montante à Hollywood après avoir tourné chez Ken Russell (Au-delà du réel). Il a eu ses plus beaux rôles dans les années 80 : Le baiser de la femme araignée, Les enfants du silence, Broadcast news, … Un temps compagnon de Sandrine Bonnaire, il a souvent tourné avec des comédiennes françaises : Charlotte Gainsbourg, Juliette Binoche, Catherine Deneuve… Récemment, Hollywood l’a redécouvert en lui offrant des seconds rôles dans des films comme History of Violence, Into the Wild ou L’incroyable Hulk. Et bien sûr dans Captain America et Avengers...
Il faut entendre Kathleen Turner en version originale. Il s'agit de son premier rôle au cinéma. Cette femme fatale, superstar dans les années 80, était considérée comme la plus sexy d’Hollywood, au point de la faire incarner la mythique Jessica Rabbit dans Qui veut la peau de Roger Rabbit. Elle fut aussi la reine du box office grâce à Michael Douglas dans A la poursuite du diamant vert et La guerre des Rose. Entre temps, elle fut aussi une tueuse à gage chez John Huston (L'honneur des Prizzi) et une femme qui remonte le temps chez Francis Coppola (Peggy Sue). Au début des années 90, l’actrice alterne le théâtre, où elle triomphe à Broadway et à Londres, et les films indépendants comme Serial Mother ou Virgin Suicides. Mais sa performance la plus surprenante fut sans doute d’interpréter le père travesti d’un des héros de la sitcom Friends. Atteinte par la maladie, elle a du se résigner à ne plus être un sex-symbol. Elle apparaît ici et là sur les écrans, mais c'est sur les planches qu'elle s'épanouit le plus.
Turner incarnera souvent les manipulatrices, les femmes fatales, celles sur qui on ne peut pas tout à fait compter. Dans La Fièvre au corps, outre cette sensualité qui trouble, c'est bien un jeu de faux-semblants qui révèlent avant tout comment notre raison s'effrite sous les coups de la passion. Lawrence Kasdan n'a jamais caché qu'il voulait filmer le film comme un rêve moite (le film a été tourné en Floride par un froid de canard malgré tout). Tantôt effroyable, pour ne pas dire castrateur, tantôt érotique (de nombreuses scènes ont d'ailleurs été coupées par la monteuse Carol Littleton, engagée pour apporter un fort point de vue féminin à ce film noir).
On ne résiste pas non plus à la mélodieuse musique de John Barry. Le film ne manquant pas de style, entre mélo et thriller, la musique lui donne une tonalité particulière. Après tout c'est une histoire d'infidélité, de sexe, de fric, de meurtre, d'emprise. Le genre redeviendra à la mode (notamment Liaison fatale et Basic Instinct, tous deux avec Michael Douglas). Mais Kasdan signe ici plutôt un film hommage aux grands classiques, comme Le port de l'angoisse avec Lauren Bacall, en le modernisant avec une sexualité plus crue, juste avant la vague du conservatisme sous Reagan et l'arrivée du SIDA. La chair deviendra plus triste.