La réalisatrice de « Rafiki » porte plainte contre les autorités kenyanes

Posté par vincy, le 12 septembre 2018

Wanuri Kahiu, réalisatrice de Rafiki, premier film kényan sélectionné au Festival de Cannes en mai dernier, a décidé de porter plainte contre le KFBC (organisme de régulation des diffusions mandaté par le gouvernement kényan), et le procureur général du pays, suite à l'interdiction de son film dans son pays.

Rafiki raconte l'histoire de deux jeunes femmes, à Nairobi, qui tombent amoureuses l'une de l'autre, essayant de ne pas se faire surprendre en restant à l'écart des commères, machos et autres dévots.

Lors de l'annonce de sa sélection à Cannes, tout le monde s'était réjoui de cet "honneur" dans le plus grand des festivals, à commencer par la Commission du Film du Kenya (l'équivalent du CNC) et le ministère des Sports et du Patrimoine, qui comprend la Culture dans ses attributions. Mais rapidement, le film a été censuré, avant même sa projection sur la Croisette. Le KFCB y a vu une "claire intention de promouvoir le lesbianisme au Kenya ce qui est contraire à la loi", ajoutant que ce film "heurte la culture et les valeurs morales du peuple Kényan".

Dans un communiqué, Wanuri Kahiu estime que l'empêchement de la diffusion du film viole plusieurs articles de la constitution qui protège la liberté d'expression et de création: "Quand quelqu’un commence à porter atteinte à votre droit d'être créative et d’exercer votre travail cela devient un problème".

Le film sort le 26 septembre en France. Il y a peu de chance qu'il représente le Kenya aux Oscars.

Cannes 2018: Qui est Wanuri Kahiu ?

Posté par vincy, le 9 mai 2018

Une Kényane en sélection officielle. C'est une première et cet honneur revient à Wanuri Kahiu, artiste, cinéaste, activiste, auteure née à Nairobi et conteuse multi-supports. Cofondatrice de AfroBubbleGum, une agence qui soutient l'art africain, elle arrive à Cannes avec Rafiki, histoire d'amour tabou entre deux femmes, ce qui lui a déjà valu un sacré buzz pré-cannois: le film a été censuré au Kenya. L'homosexualité n'y est pas vraiment tolérée. Elle revendique la transgression. Consciente de toujours avoir été un mouton noir dans sa famille conservatrice, plutôt ultra-libérale.

A 16 ans, elle décide de devenir cinéaste. Part faire ses études à Los Angeles, apprend le cinéma sur des tournages hollywoodiens. Dès son premier film en 2009, From a Whisper, elle est remarquée, raflant 5 Africa Movie Academy Awards, dont celui du meilleur film. Elle y raconte l'histoire d'une jeune fille qui perd sa mère dans l'attentat terroriste de l'Ambassade des Etats-Unis à Nairobi en 1998. Son père lui ment en préférant lui dire qu'elle a disparu. La jeune fille cherche sa mère partout dans la ville, aidée par un policier qui culpabilise de ne pas avoir arrêté un des auteurs de l'attentat.

Entre traumatismes, mensonges, égalitarisme, féminisme et humanisme, la réalisatrice dessine l'esquisse de son message sur une Afrique ouverte, tolérante et universaliste.

Elle enchaîne ensuite avec un court métrage de science-fiction, Pumzi, une allégorie récompensée à Venise qui se déroule dans une Afrique post-apocalyptique, où elle creuse ce sillon féministe en plus d'affirmer sa sensibilité écologique. Wanuri Kahiu réalise aussi des documentaires pour une série de MNET et écrit deux livres pour les enfants (Rusties, The Wooden Camel).

Depuis la censure qui a frappé Rafiki, elle ne se tait pas. Luttant pour la liberté d'expression, pour la liberté tout court. Cannes va sans aucun doute lui offrir une tribune opportune pour rappeler que l'Afrique se réveille (outre son film, quatre autres films du continent sont sur la Croisette), tout en exposant certains des démons qui la rongent.