La réalisatrice de « Rafiki » porte plainte contre les autorités kenyanes

Posté par vincy, le 12 septembre 2018

Wanuri Kahiu, réalisatrice de Rafiki, premier film kényan sélectionné au Festival de Cannes en mai dernier, a décidé de porter plainte contre le KFBC (organisme de régulation des diffusions mandaté par le gouvernement kényan), et le procureur général du pays, suite à l'interdiction de son film dans son pays.

Rafiki raconte l'histoire de deux jeunes femmes, à Nairobi, qui tombent amoureuses l'une de l'autre, essayant de ne pas se faire surprendre en restant à l'écart des commères, machos et autres dévots.

Lors de l'annonce de sa sélection à Cannes, tout le monde s'était réjoui de cet "honneur" dans le plus grand des festivals, à commencer par la Commission du Film du Kenya (l'équivalent du CNC) et le ministère des Sports et du Patrimoine, qui comprend la Culture dans ses attributions. Mais rapidement, le film a été censuré, avant même sa projection sur la Croisette. Le KFCB y a vu une "claire intention de promouvoir le lesbianisme au Kenya ce qui est contraire à la loi", ajoutant que ce film "heurte la culture et les valeurs morales du peuple Kényan".

Dans un communiqué, Wanuri Kahiu estime que l'empêchement de la diffusion du film viole plusieurs articles de la constitution qui protège la liberté d'expression et de création: "Quand quelqu’un commence à porter atteinte à votre droit d'être créative et d’exercer votre travail cela devient un problème".

Le film sort le 26 septembre en France. Il y a peu de chance qu'il représente le Kenya aux Oscars.

Edito: Smoking, no smoking

Posté par redaction, le 23 novembre 2017

Dans Battle of the Sexes, qui sort cette semaine, la championne Billie Jean King (Emma Stone), va pouvoir créer la future puissante Women Tennis Association (qui gère le circuit féminin) grâce à l'appui d'un sponsor : Virginia Slims (qui a longtemps parrainé des tournois aux Etats-Unis). Les joueuses devaient s'afficher avec un paquet de cigarettes de la marque, avec une cigarette à la main, et même à la bouche. "Vous allez devoir fumer pendant douze mois!" exige l'associée de la joueuse qui s'occupe du "business" de cette nouvelle WTA.

Bien sûr, on peut y voir une ironie tant le tabac et le sport sont incompatibles. D'ailleurs les joueuses ne fument pas. Elles doivent simuler. On peut aussi y voir un symbole de l'époque, le début des années 1970, où la clope était un symbole de la consommation de masse de l'après guerre, comme la voiture.

Il aurait été bizarre de passer cet épisode sous silence dans un film qui retrace l'émancipation des joueuses de tennis de l'époque, et qui ont pu le faire grâce à l'appui d'un fabricant de cigarettes.

Pourtant, une polémique politique récente a ravivé le débat de la présence de la cigarette à l'écran. Montrer un personnage en train de fumer dans une fiction serait une forme de propagande, pardon de publicité, incitant à inhaler de la nicotine. Le gouvernement français cherche tous les moyens pour lutter contre le tabagisme. La ministre de la Santé, Agnès Buzin, réfléchirait ainsi à des mesures autour de la représentation de la cigarette dans les films français (ce qui ne résout rien pour les autres, vus par les deux tiers de spectateurs, by the way).

Dans le cadre de l’examen du budget de la sécurité sociale, une sénatrice socialiste (si si, il en existe encore) Nadine Grelet-Certenais a interpellé la semaine dernière la ministre sur "les incitations culturelles à fumer": le cinéma, selon elle, "valorise la pratique" et la banalise auprès des plus jeunes. "La Ligue contre le cancer démontre dans une étude que 70% des nouveaux films français mettent à l’image au moins une fois une personne en train de fumer" explique-t-elle. La cigarette devient aussi subversive qu'un joint...

Et la ministre qui va dans son sens: "Je ne comprends pas l’importance de la cigarette dans le cinéma français." Pour elle, l'augmentation du paquet de cigarette ne suffit pas: il faut un plan qui comprenne le marketing social, les réseaux sociaux, et la "dénormalisation" de l’image du tabac dans la société. Déjà il y a deux ans l'ancienne ministre Michèle Delaunay avait suggéré d'étendre l'interdiction de la promotion du tabac aux films français. C'est donc dans l'air (empoisonné) du temps.

A quand l'alcool? Non, parce qu'on sait aussi les dégâts que causent l'alcool. Mais on sait aussi à quel point le verre de vin est culturellement ancré dans la société française, d'une part, et à quel point le vin, le cognac ou le champagne sont de grosses puissances dans l'économie du pays, d'autre part. Mais passons.

«Ne joue pas. Si tu es en train de fumer une cigarette, fume-la. Ne fais pas semblant de la fumer» - James Dean

Revenons au poison de la tige. On rappellera que la pipe de Tati avait ridiculement disparu pour l'affiche d'une exposition à la Cinémathèque, que l'affiche avec la cigarette de Coco Chanel (Audrey Tautou) avait été censurée. La lutte anti-Tabac et le cinéma, c'est une histoire de censure avant tout. Que va-t-on faire des vieux films restaurés avec Gabin, Belmondo, Moreau, tous clopes au bec? Devra-t-on bannir toutes les images de Gainsbourg, Dutronc ou Deneuve, exhalant des volutes pour le besoin de photos de magazines ? Et que peut-on faire face à un film d'époque où tout le monde fumait comme des pompiers? Enfin, si, déjà, dans les scénarios les auteurs font de moins en moins fumer leurs personnages, on ne peut pas empêcher un cinéaste de créer son plan, sa scène comme il le veut. On touche quand même à la liberté de création.

Frédéric Goldsmith, délégué général de l'Union des producteurs de cinéma (UPC), rappelait cette semaine: "C'est une réalité, beaucoup de gens fument", ajoutant que la lutte contre le tabagisme "ne peut pas passer par une atteinte à la liberté de création". Serge Toubiana, patron d'Unifrance, enfonçait le mégot: "Si on en vient à (...) légiférer sur le fait de fumer ou pas sur des écrans de cinéma, c'est qu'on a échoué sur tout le reste. Le cinéma est un art, un plaisir, un divertissement, pas un outil de propagande pour la cigarette."

Mardi, la ministre a fait demi-tour sur Twitter: la polémique s'enflammait. "Je n'ai jamais envisagé ni évoqué l'interdict(ion) de la cigarette au cinéma ni dans aucune autre œuvre artistique. La liberté de création doit être garantie." Le mensonge ce n'est pas de la propagande? Mais il est bien que la ministre ait conscience que sa potentielle mesure n'est pas possible si on veut justement respecter la liberté de création et si on veut représenter la société telle qu'elle ou telle qu'elle était.

"C'est pas pour dire, mais la première cigarette de la journée, c'est la meilleure. Ah oui, ça vous remet la bouche en forme." - Gérard Depardieu dans Les Valseuses

Car, ne soyons pas hypocrite comme un Lucky Luke qui a troqué sa "roulée" pour un brin d'herbe, dans ce cas il faut interdire beaucoup d'autres choses au cinéma: outre l'alcool, qu'on a déjà mentionné, tout ce qui est illégal ou immoral ne pourrait pas être filmé (les sujets ne manquent pas). Mais dans ce cas, à quoi servirait le cinéma qui doit, comme tous les arts nous confronter à l'inexplicable comme disait Carl Dreyer, à la face obscure de la société et aux noirceurs de l'humain? Godard disait qu'avec " le cinéma on parle de tout, on arrive à tout.” Alors on arrête de boire? de fumer un bédot? On interdit de diffusion La Gifle (violence sur mineur), Quelques heures de printemps (euthanasie), A bout de souffle (harcèlement sexuel), Le souffle au cœur (inceste), et à peu près tous les films avec une voiture à essence ou diesel (pollution)? Que dire des thrillers avec meurtres ou braquages, surtout quand le "vilain" s'en sort?

On voit bien que la politique déraisonne. Laissons les auteurs filmer le monde comme ils l'entendent, avec les images qu'ils ont dans la tête. La cigarette est un élément représentatif d'un mode de vie, d'une affirmation de soi. Certes dangereux pour la santé. Mais pas illégal ni condamnable. Ce n'est pas juste l'accessoire glamour qu'on utilise après avoir fait l'amour. Comme l'écrivait l'auteur Colum McCann: “Si mauvaises que soient les cigarettes pour la santé, elles offrent une occasion de contact humain sans équivalent !

Edito: Ôtez-nous d’un doute…

Posté par redaction, le 7 septembre 2017

Il y a presque un mois, une jeune femme antiraciste a été tuée par un suprémaciste blanc à Charlottesville, en Virginie. La question / division raciale aux Etats-Unis est toujours aussi vivace. Pas seulement aux Etats-Unis d'ailleurs, puisque, désormais, le politiquement correct domine l'ensemble de la communication des uns et des autres (au points d'être choqué ou amusé dès que quelqu'un sort des clous dictés par le code de bonne conduite).

Chaque citoyen occidental pèse un statut ou un tweet pour ne pas subir les trolls opposants. On anéantit le débat, on écrase la réflexion sous un torrent d'insultes, de vannes, de piques, de punch-lines. Le second degré disparaît. L'esprit se meurt. La nuance n'a plus le droit d'exister. La liberté d'expression est "sous contrôle" et "sous pression".

Cela conduit à des situations absurdes, proche d'un révisionnisme historique ou/et cinématographique inquiétant. Une salle de cinéma de Memphis a ainsi annulé la présentation annuelle d'Autant en emporte le vent, projeté depuis 34 ans en août à l'Orpheum Theatre. Brett Batterson, président du cinéma, considère qu'en tant qu’organisation "dont la mission est de divertir, d’éduquer et de mettre en valeur la communauté que nous servons, The Orpheum ne pouvait diffuser un film qui est insensible à une grande partie de la population locale", suite aux nombreux messages sur les réseaux sociaux. Le film le plus vu au cinéma dans l'Histoire du 7e art est qualifié de "potentiellement raciste". Sic.

En 1939, les producteurs savaient que le contenu racial du film pouvait être offensant pour certaines personnes. Pour adapter le roman de Margaret Mitchell, quelques modifications avaient été apportées afin d'atténuer l'esclavagisme ou même les stéréotypes liés aux afro-américains. Malgré cela, la comédienne Hattie McDaniel, qui incarnait une domestique bienveillante, a été la première Afro-Américaine à gagner un Oscar (meilleur second-rôle féminin), près de 25 ans avant la fin de la ségrégation dans les Etats du sud.

Mais oui, en effet, Autant en emporte le vent peut-être vu comme "potentiellement raciste". Ce qui ne retire rien aux qualités du film. Car cet aspect dérangeant est aussi celui qui prévalait (parfois encore plus durement) à l'époque où se déroule les aventures de Scarlett O'Hara. La guerre de Sécession était aussi un combat pour l'abolition de l'esclavage et l'affranchissement des Afro-américains. Les Sudistes, héros du livre comme du film, n'étaient pas dans le bon camp (et d'ailleurs, ils perdent). C'est toujours mieux que d'effacer complètement le sujet comme dans Les Proies de Sofia Coppola.

Censure

Si on en vient à refuser de projeter ce film mythique, quid des Westerns (franchement anti Amérindiens pour la plupart)? Quid des films de guerre où les ennemis étaient régulièrement caricaturés (propagande oblige)? Peu de films seraient finalement "visibles".

De la même manière le raciste Tintin au Congo serait interdit (il l'est parfois dans certaines bibliothèques). Comme on a gommé la pipe de Monsieur Hulot ou le clope de Lucky Luke au nom du dogme "Le tabac c'est mal". On révise l'histoire, on la transforme au gré de nos humeurs, morales, et autres contextes sociétaux. Mais il est évident qu'un film réalisé dans les années 1930 ou 1950 ne peut pas avoir le même point de vue qu'un film contemporain. Ce n'est pas pour rien aussi que les minorités se battent pour être "visibles" ou plaident pour "l'égalité" des salaires. Le combat n'est pas fini. Cependant, on constate que sur les Afro-américains, les Amérindiens, les homosexuels, etc..., le cinéma américain a évolué. Et peut-être que dans 30 ans, les futurs spectateurs seront choqués de voir des acteurs/actrices se fréquenter dans un fast-food ou conduire une voiture (autant de choses qu'on jugera sans doute nocives dans le futur). Pour l'instant, fumer semble moins tolérer que baiser (et souvent c'est sans capotes). Doit-on pour autant juger les films où Bogart allume une cigarette comme "potentiellement dangereux" pour la santé? Et que dire de tous les grands films pourtant très sexistes réalisés au fil des décennies?

Le racisme n'a aucun sens et être raciste est un délit indiscutable et condamnable. On ne reviendra pas là dessus. Mais plutôt que d'interdire à un spectateur de voir ou revoir un grand film sous prétexte qu'il n'est pas politiquement correct "de nos jours", il suffit d'accompagner la projection d'un débat pédagogique pour expliquer son contexte.

Car si on efface l'identité d'une époque, la vérité d'un moment de l'Histoire, l'art illustrant/traduisant cette période, alors on risque de censurer de nombreuses œuvres plastiques, littéraires ou cinématographiques. Autant en emporte le vent, les John Wayne ou les James Bond sont datés. Pas forcément cinématographiquement, mais socialement, politiquement. Mais ils font aussi partie d'un grand récit artistique, de notre mythologie par l'image, de ces fictions qui construisent notre perception du monde et reflètent la vérité de leur époque, donc de notre Histoire. Donc de notre présent.

Lenny Abrahamson (Frank): « Il faut que certains aient conscience de ce qu’ils disent »

Posté par vincy, le 4 février 2015

Lenny Abrahamson

Lors de son entretien avec Ecran Noir, Lenny Abrahamson, réalisateur de Frank, film très décalé primé aux Festival des Arcs, de Dinard, de Dublin et prix du meilleur scénario aux British Independent Film Awards, est revenu sur l'attentat de janvier perpétré contre Charlie Hebdo quelques jours avant la rencontre.

Ecran Noir: En tant qu'artiste, que pensez-vous des atteintes à la liberté d'expression qu'a connues récemment la France et plus généralement dans le monde ?

Lenny Abrahamson: Je pense que ce qui s'est passé à Paris récemment est absolument épouvantable. C'était barbare, brutal et écœurant. Je pense que le débat sur la liberté d'expression est une autre chose, un autre débat. J'ai surtout peur que le principal effet d'attaques terroristes comme celles-ci soit que le gouvernement réduise cette liberté. Quand on lit des Unes de journaux comme "La France en guerre" ou "La France a changé", je pense que c'est juste des conneries. C'est de l'exagération pure, de la surenchère et ça va simplement accentuer des tensions déjà existantes.

Ecran Noir: Comme Fox News avec ses "no go zones" dans Paris ?
Lenny Abrahamson: Exactement ! C'est normal qu'il y ait des limites à la liberté de parole ou que l'on ne tolère pas l'incitation à la haine raciale. Donc dans le cas où la maire de Paris poursuivrait la chaîne, je pense qu'elle a raison. Pour réussir à vivre dans une société tolérante, et plus généralement un monde tolérant, il faut un minimum de respect et que certains aient conscience de ce qu'il disent, des responsabilités qu'ils ont et qu'ils fassent attention à leur politique étrangère.

Charlie Hebdo: Robert Redford défend la liberté d’expression à Sundance

Posté par vincy, le 23 janvier 2015

Lors de l'ouverture du festival du film indépendant de Sundance hier soir, son créateur, l'acteur et réalisateur Robert Redford a réagit à l'attentat contre Charlie Hebdo en axant son discours sur la liberté d'expression. Pour lui, l'attentat du 7 janvier, "un événement triste, choquant" est un "signal d'alarme" pour la liberté d'expression."Très clairement, je pense qu'il y a une attaque à la liberté d'expression dans plusieurs endroits, ce n'est pas l'exclusivité de Paris" a-t-il déclaré.

"Nous croyons en la diversité, la liberté d'expression est fondamentale pour nous. Vous allez voir ici beaucoup de films qui vont contrarier d'autres gens, mais ça n'est pas grave, c'est ça la diversité", a-t-il ajoté.

Sundance présente plus de 200 films cette année, dont A Walk in the Woods de Ken Kwapis, avec Redford lui-même.. Le Festival a ouvert avec What happened, miss Simone?, documentaire sur la légende du jazz Nina Simone, et How to change the world sur la naissance de l'association internationale de protection de l'environnement Greenpeace. Plusieurs films mettent en scène des vedettes hollywoodiennes ou internationales, parmi lesquelles Guy Pearce, Chiwetel Ejiofor, Chris Pine, Vincent Cassel (dans Partisan de Ariel Kleiman), Nicole Kidman, Kevin Bacon, Keanu Reeves, Emma Thompson, Saoirse Roan, Orlando Bloom, Anna Kendrick, Sam Rockwell, Winona Ryder, Michael Fassbender, James Franco, Zachary Quinto, Emma Roberts, Ewan McGregor, Jennifer Lopez, Ryan Reynolds, Ethan Hawke, Jesse Eisenberg, Jonah Hill, Felicity Jones. Parmi les événements sont attendus les nouveaux films de Noah Baumbach, Paul Weitz, Rodrigo Garcia, Eli Roth... Bande de filles et Eden seront projetés dans la section Spotlight.

The Interview sortira dans un nombre restreint de salles américaines

Posté par vincy, le 23 décembre 2014

Sony Pictures a finalement décidé aujourd'hui d'autoriser une sortie aux Etats-Unis de The Interview (L’interview qui tue!), sa comédie parodiant le leader nord-coréen. Le film devait sortir le 25 décembre sur une large combinaison avec que des pirates informatiques ne menacent d'attentats terroristes les salles qui le diffuseraient (lire >notre actualité du 18 décembre).

Le film, avec Seth Rogen et James Franco sortira le jour de Noël tel que c'était initialement prévu, mais dans un nombre limité de salles. De quoi compenser un peu la perte financière de 100M$ (budget+ coût de la promotion) que le studio s'apprêtait à inscrire dans ses comptes.

Avec aplomb, et contredisant tous les communiqués et déclarations du studios ces derniers jours, Michael Lynton, directeur général du studio a déclaré: "Nous n'avons jamais abandonné l'idée de distribuer L'interview qui tue! et nous sommes heureux que notre film sorte dans quelques cinémas le jour de Noël".

Il ajoute que Sony continuera ses efforts pour s'assurer "que des plateformes (de distribution via internet) et davantage de salles" projetteront le film "pour qu'il puisse atteindre le public le plus vaste possible".

Seth Rogen s'est aussi félicité sur Twitter de ce revirement: "Le peuple a parlé! La liberté de parole a vaincu! Sony n'a pas abdiqué! L'interview qui tue! sera projeté dans des salles qui le veulent le jour de Noël". James Franco a renchéri sur ses comptes sociaux: "Victoire! Le peuple et le président ont parlé! Sony va sortir L'interview qui tue!+ en salles...".

Obama s'ingère dans le conflit

Il faut dire que la pression était énorme depuis une semaine. Aucun studio n'avait voulu se montrer solidaire de Sony. La plupart des artistes et décideurs d'Hollywood étaient consternés par la décision de salles de cinéma et du distributeur de céder à des pirates informatiques. Cette capitulation donnait un goût de victoire au terrorisme, créant un dangereux précédent, et portait atteinte à la sacro-sainte liberté d'expression.

Et si Franco remercie le Président, c'est que Barack Obama a mis tout son poids dans la balance. Tout d'abord il a reproché à Sony de ne pas l'avoir contacté avant de prendre cette décision, qui a soulevé l'indignation de nombreux parlementaires. Obama a parlé d'une "erreur" de la part du groupe. "Non, je ne pense pas que cela ait été un acte de guerre. Je pense que c'était un acte de cyber-vandalisme qui a été très coûteux", a déclaré le président américain. "Si nous établissons un précédent où un dictateur peut perturber en la piratant la chaîne de distribution d'une compagnie et ses produits, nous commençons à nous censurer nous-mêmes et c'est un problème", a ajouté le président.

Obama a donc salué la décision de Sony de projeter le film par l'intermédiaire de son porte-parole Eric Schultz: "Comme le président l'a clairement dit, notre pays croit dans la liberté d'expression et dans le droit à la libre expression artistique. La décision de Sony (...) va permettre au public de se faire sa propre opinion sur le film et nous saluons celà."

La sortie de la comédie est toujours prévue dans les autres pays au cours de cet hiver. C'est l'effet boomerang: les pirates auront créé un incroyable buzz autour du film.

C’est la fin pour The Interview, déprogrammé des salles américaines

Posté par vincy, le 18 décembre 2014

Sony Pictures a décidé d'annuler la sortie de la comédie The Interview, réalisée par Evan Goldberg et Seth Rogen, et interprétée par Seth Rogen et James Franco (le duo de C'est la fin). Prévu pour les fêtes, et promis pour dépasser les 100M$ au box office, le film, qui suit la trace de deux agents de la CIA ayant pour mission d'assassiner le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, ne sera pas montré ni dans les cinémas ni en dvd ou vidéo à la demande.

Les Hackers qui ont piraté les serveurs de Sony en novembre ont donc gagné. Cet immense acte de piratage a révélé les cachets des artistes, les salaires des dirigeants, les courriers internes (dont certains très peu sympathiques pour des stars voire très politiquement incorrects), des pitchs de films à venir, des négociations sur les budgets de productions comme le prochain James Bond. mais c'est bien The Interview qui était visé.

Mardi dernier, les Hackers ont publié un message menaçant d'attaques terroristes les salles de cinéma qui diffuseraient le film. Très rapidement, les plus grosses chaînes ont annoncé qu'elles ne projetteraient pas le film. L'avant-première est annulée. Puis hier soir, Sony retire purement et simplement la comédie du calendrier des sorties.

Une première dans l'histoire d'Hollywood. Alors que le climat se réchauffe entre les Etats-Unis et Cuba, la tension monte d'un cran à Hollywood. Rapidement, les artistes tweetent et se désolent d'un tel précédent. Stephen King écrit de manière sarcastique : "La décision de Sony de déprogrammer The Interview est inquiétante de plusieurs manières. Heureusement qu'ils n'ont pas publié les Versets sataniques [le livre de Salamn Rushdie qui a valu à son auteur une fatwa, toujours en cours]". Pour Sony l'affaire est désastreuse: son lien de confiance avec les stars et les cinéastes est abimé.

La plupart reproche surtout une dangereuse atteinte à la liberté d'expression. Plier devant la Corée du nord n'est en effet pas le meilleur message médiatique. La Corée du nord et ses sempiternelles menaces effraie ainsi beaucoup plus qu'un pays de l'Union européenne avec ses lois fiscales. L'enquête sur l'origine du piratage est en cours et des membres de l'administration américaine ont confessé hier qu'ils étaient convaincus que le régime de Pyongyang - qui a officiellement démenti toute implications mais qui a tout aussi officiellement affirmé que ce film était une offense pour son dirigeant - était à l'origine de tout ce désastre.

Pour l'instant, The Interview est toujours prévu le 18 février 2015 dans les salles françaises. Mais ne soyons pas dupe: il y aura bien quelqu'un pour le mettre sur les réseaux et le propager de manière illégale, clandestinement, sous le manteau. La cyberattaque la plus importante subie par une multinationale va en tout cas donner des idées: cette capitulation, cette censure subie ouvre les vannes à un terrorisme nouveau, où la culture est prise en otage.

Cannes 2013 : les dessins de la liberté

Posté par MpM, le 3 mai 2013

les dessins de la libertéComme tant d'autres causes, la liberté de la presse a sa journée annuelle. Chaque année, le 3 mai est ainsi l'occasion de rappeler que trop de journalistes meurent dans l'exercice de leur profession (19 depuis début 2013) ou sont emprisonnés en raison de leurs activités professionnelles (174 à l'heure actuelle).

Mais bien sûr, c'est jour après jour qu'il faut défendre toutes les formes de liberté. C'est pourquoi le Festival de Cannes a décidé d'accueillir le 20 mai prochain une vente aux enchères organisée au profit de l'association Cartooning for Peace. Créée en 2008 par Kofi Annan et Plantu, Cartooning for Peace combat toute forme d’intolérance et rassemble des dessinateurs chrétiens, juifs, musulmans, agnostiques et athées.

Les œuvres mises en vente en présence des dessinateurs Willis from Tunis, Dilem, Kichka et Plantu seront réunies dans une exposition qui se tiendra au Palais des Festivals à partir du 15 mai. Elle sera composée d'environ 80 dessins humoristiques sur le thème du cinéma et de la liberté artistique.

L'occasion de rappeler que la création cinématographique est toujours menacée dans certains pays comme l’Iran ou l’Algérie, et d'avoir une pensée particulière pour le cinéaste Jafar Panahi, toujours sous le coup d'une interdiction de travailler et de quitter le territoire iranien.

Annulation de la 1ère édition du Festival International du Film des Droits de l’Homme de Yaoundé

Posté par MpM, le 18 avril 2011

FIFDH YaoundéAu milieu des annonces cannoises, l'information est un peu passée inaperçue. Pourtant, elle est d'importance, et surtout éminemment symbolique à une époque où démocratie et soif de libertés individuelles font une percée spectaculaire dans nombre de pays d'Afrique et du Moyen-Orient.

Le 12 avril dernier, la préfecture de Yaoundé (Cameroun) a purement et simplement suspendu la première édition du Festival international du film des droits de l'homme qui devait s'ouvrir tout à fait légalement le soir même au Centre culturel français.

Les organisateurs ont immédiatement annoncé qu'ils annulaient les différentes animations et projections prévues tout en s'insurgeant contre cette décision des autorités camerounaises. "Face aux raisons invoquées, nous pensons qu'il s'agit d'un refus politique de traiter les problèmes relatifs aux droits de l'Homme au Cameroun. Nous déplorons cette situation, et regrettons que le dialogue sur les Droits de l'Homme ne puisse pas avoir lieu sereinement au Cameroun", a notamment déclaré Vincent Mercier, le directeur du Festival.

La manifestation, qui  se voulait un "moment de dialogue, de rencontres et d'échanges", ainsi qu'un "lieu d’expression de la culture démocratique", proposait des films déjà diffusés sans aucun problème dans plusieurs pays d'Afrique. En tout dix-sept projections gratuites qui devaient avant tout offrir un espace de réflexion et de discussion citoyennes aux spectateurs. C'est sans doute ce qui a fait peur aux autorités, inquiètes de voir un vent de contestation se lever au Cameroun.

L'actuel président, Paul Biya, qui est en place depuis près de 30 ans, a en effet été critiqué à plusieurs reprises par Amnesty international pour "restriction des libertés fondamentales des Camerounais" et "violations des droits de l'homme". Pas très étonnant qu'il ait craint d'éventuels "débordements" provoqués par la diffusion subversive de films en faveur de valeurs qu'il bafoue allégrement.

C'est une maigre consolation, mais cette interdiction a au moins le mérite de prouver que le cinéma est un vecteur de démocratisation et d'incitation à l'action suffisamment dangereux pour avoir besoin d'être bâillonné.

Cannes 2010 : enfin une lettre de Jafar Panahi !

Posté par Sabrina, le 18 mai 2010

Dès mercredi 12 mai 2010, lors de la cérémonie d'ouverture de ce 63e Festival de Cannes, Tim Burton rendait hommage à Jafar Panahi, lui consacrant un fauteuil vide parmi ceux des membre du Jury.

Emprisonné dans son pays à la prison d'Evin (Téhéran) pour avoir préparé un film sur la réélection contestée du Président Mahmoud Ahmadinejad, le cinéaste iranien Jafar Panahi a réussi à faire parvenir un message à l'attention, notamment, du Festival de Cannes, de Gilles Jacob, de Bernard Kouchner ainsi que de notre ministère de la Culture et de la Communication. Message que l'on pouvait entendre du haut des marches, dès le samedi 15 mai, minutieusement lu par Frédéric Mittérand entouré, entre autres, d'Armin Arefi, journaliste et auteur franco-iranien ainsi que d'Abbas Bakhtiari, directeur du centre culturel Pouya, à Paris.

L'idée même de cette missive a été instiguée par Agnès Varda et Bertrand Tavernier. Bernard Henry-Levy, appuyé par toute la famille Panahi a, quant à lui, aidé à faire sortir le message du réalisateur de la prison d'Evin.

Rappelons que Jafar Panahi est l'un des cinéaste iraniens les plus éminents et connus à l'étranger. Il appartient à ce qu'on appelle désormais la "nouvelle vague iranienne". Ancien assistant d'Abbas Kiarostami (lequel montera bientôt les marches avec Copie conforme, en lice pour cette Palme d'Or 2010, ndlr), on lui doit, entre autres, Le ballon blanc(Caméra d'Or, Cannes 1995), Le Cercle (Lion d'Or, Mostra de Venise 2000), L'or pourpre (Prix du Jury - Sélection Un certain Regard, Cannes 2003) ou encore, plus récemment, Hors-jeu (Ours d'argent, Berlin 2006).

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Lettre du cinéaste iranien

" Mes chers amis, veuillez accepter mes chaleureuses salutations depuis la cellule étroite et sombre de la prison d’Evin. C’est à l’occasion de la visite des membres de ma famille, que j’ai été informé de vos précieux efforts lors de la première journée d’inauguration du 63ème festival mondial de Cannes. C’est depuis cette prison, que je salue votre honneur et votre humanité. Je remercie tout particulièrement M. Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture, M. Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères et M. Gilles Jacob pour tous les efforts qu’ils fournissent en vue de ma libération.


Votre voix est à l’unisson avec celles de ma femme, de mes enfants et de tous mes compatriotes qui me parviennent de l’extérieur des murs de la prison et qui œuvrent pour ma liberté. Mais n’oublions pas qu’ici des milliers de prisonniers sans défense n’ont pas même une seule personne pour relayer leur détresse. Ils n’ont, tout comme moi, commis le moindre crime. Et mon sang n’est pas plus important que le leur. Je peux vous assurer que je ne signerai aucune confession forcée malgré les menaces. Je suis innocent. Je n’ai réalisé aucun film contre le Régime iranien.

C’est avec amour que je vis ces instants, en pensant à tous mes amis membres du Jury, les réalisateurs et tous les participants au festival de Cannes qui aperçoivent mon nom sur un siège vide. Avec l’espoir d’un meilleur lendemain,"

Jafar Panahi