Cinespana 2011 : Crebinsky et 80 Egunean se partagent les prix

Posté par MpM, le 10 octobre 2011

Le choix du jury de la 16e édition de Cinespana, présidé par Anne Alvaro, s'est donc porté sur notre film favori, le poétique et burlesque Crebinsky de Enrique Otero qui rafle la mise avec la Violette d'or du meilleur film, un double prix d'interprétation pour les acteurs Miguel De Lira et Sergio Zearreta et une récompense pour la musique du compositeur Pablo Pérez. 80 egunean de José Mari Goenaga et Jon Garaño, le favori du public (qui lui a d'ailleurs décerné son prix),  tire lui aussi son épingle du jeu avec un double prix d'interprétation pour ses formidables actrices, Itziar Aizpuru et Mariasun Pagoaga, et le prix du scénario pour ses auteurs.

Un palmarès intelligent et équilibré qui conclut en beauté une édition 2011 particulièrement captivante. Cette année, la compétition était en effet assez contrastée (voir notre article du 8 octobre), offrant un aperçu convaincant de la richesse du cinéma espagnol contemporain. En choisissant de mettre en avant la fantaisie joyeuse de Crebinsky, où deux frères naufragés mènent une existence simple dans un univers de bric et de broc, les jurés ont finalement choisi de récompenser un cinéma créatif et baroque, tourné vers l'humain et la légèreté. De même, ils ont voulu distinguer le sujet fort de 80 egunean, drame intimiste, où une femme de soixante-dix ans s'éprend d'une ancienne camarade de classe. Un film qui, malgré ses défauts de narration, aborde avec beaucoup de pudeur cette relation amoureuse tatonnante et fragile.

Avis aux distributeurs : les deux oeuvres, sensibles et originales, pourraient connaître un joli succès dans les salles françaises...

Le palmarès

Violette d'or du meilleur film
Crebinsky de Enrique Otero

Meilleure interprétation masculine
Miguel De Lira et Sergio Zearreta (Crebinsky de Enrique Otero)

Meilleure interprétation féminine
Itziar Aizpuru et Mariasun Pagoaga (80 egunean de José Mari Goenaga et Jon Garaño)

Meilleur scénario
José Mari Goenaga et Jon Garaño pour 80 egunean

Meilleure musique
Pablo Pérez pour Crebinsky de Enrique Otero

Meilleure photographie
Rafael de la Uz pour La mitad de Oscar de Manuel Martín Cuenca

Meilleur premier film décerné par le Jury Etudiant
Cruzando el límite de Xavi Giménez

Meilleur court métrage décerné par le jury Professionnel des Courts-Métrages
Les (El bosque) de Aida Ramazánova

Mention spéciale
La hégira de Liteo Deliro et Te odio de Rafael Rojas-Díez

Meilleur documentaire décerné par le jury Professionnel des Documentaires
La noche que no acaba de Isaki Lacuesta

Prix du public
80 egunean de José Mari Goenaga et Jon Garaño

Cinespana 2011 : des nouvelles du cinéma espagnol

Posté par MpM, le 8 octobre 2011

Il faut des festivals comme celui de Cinespana pour se rendre compte de la variété et de la diversité du cinéma espagnol contemporain, dont on a trop souvent l’impression qu’il se résume à deux ou trois réalisateurs-phares, quelques films de genre, et une poignée de documentaires revenant sans répit sur le traumatisme de la guerre civile. A Toulouse, durant une semaine, on découvre en effet une production espagnole particulièrement contrastée, proposant un large (donc parfois inégal) éventail allant de la comédie populaire au film d’auteur flirtant avec la recherche expérimentale.

Étonnant contraste, par exemple, entre En fuera de juego de David Marqués, une comédie sur le milieu du foot, jouant plus ou moins finement des dissensions entre Espagnols et Argentins, et Estrellas que alcanzar de Mikel Rueda Sasieta, un drame historique sur le destin de femmes de républicains internées dans un camp de prisonnières politiques pendant la guerre civile !

Toutefois, les œuvres présentées dans la compétition principale ont globalement en commun un aspect intimiste, mis au service d’histoires qui privilégient l’humain. Si les relations familiales sont souvent conflictuelles (La mitad de Oscar de Manuel Martin Cuenca  met en scène un frère et une sœur se retrouvant après une longue séparation, et peinant à renouer des liens ; Open 24h de Carles Torras  montre un père indigne qui tyrannise et maltraite son fils handicapé), l’amitié se manifeste sous des formes atypiques : une jeune immigrée et un vieil homme mourant (Amador de Fernando Leon de Aranoa), une retraitée un peu coincée et son ancienne camarade de classe bohème et survoltée (80 egunean de José Mari Goenaga et Jon Garano )… Même les stéréotypes de Carne de neon de Paco Cabezas, bras cassés qui se rêvent gangsters, cultivent une amitié sincère soigneusement masquée par un excès de virilité fanfaronne.

Les milieux divergent (de la bourgeoisie à l’indigence), mais les enjeux restent les mêmes : se recréer une famille d’adoption, un petit monde où il fait bon vivre. C’est flagrant avec les personnages de Crebinsky de Enrique Otero qui vivent comme des naufragés dans un univers qu’ils ont entièrement modelé, mais aussi avec l’appartement protecteur où se réfugie l’héroïne d’Amador, la chambre d’hôpital où se retrouvent les deux amies de 80 egunean, ou encore le club "Hiroshima" que le jeune Ricky offre à sa mère dans Carne de neon

Esthétique dépouillée, survoltée ou classique : tous les styles sont en compétition !

Formellement, les différences sont plus tranchées. La recherche esthétique de Open 24h contraste avec la trivialité de son sujet: un homme confronté à une succession d’injustices et d’humiliations. Les plans relativement dépouillés, le clair obscur qui se veut expressionniste, les partis pris de mise en scène, entre élégance et anxiété, ajoutent une tension psychologique à une intrigue par ailleurs minimaliste. Incontestablement, Carles Torras sait se servir d’une caméra. Dommage qu’il n’ait pas plus soigné le scénario, dont le crescendo final est raté et prévisible.

De son côté, Carne de neon se distingue avec une esthétique résolument moderne, ultra-découpée, servie par une narration survoltée et ne se refusant aucun effet de mise en scène, même les plus maniérés.  Entre ultra violence et humour noir, Paco Cabezas lorgne visiblement du côté d’Alex de la Iglesia, à qui il emprunte un univers sordide et bigarré où les valeurs morales les plus élémentaires n’ont plus cours. Derrière l’outrance, le sexisme apparent et la bêtise crasse se profile une vision au vitriol d’une société espagnole détraquée.

Dans un genre totalement différent, Crebinsky de Enrique Otero touche par sa poésie et sa fantaisie burlesque. Tel un Kusturica ibérique, le réalisateur invente à partir de trois fois rien un univers baroque et décalé où se croisent des êtres aussi variés qu’une vache nommée Mushka, deux frères naufragés, des soldats américains, un parachutiste nazi et une chanteuse de cabaret. Un conte tendre et léger sur le destin, le hasard et l’ironie du sort.

Toutefois, le jury pourrait bien avoir privilégié des œuvres plus classiques mais à la thématique plus engagée. Cinématographiquement, 80 egunean et Amador souffrent des mêmes défauts : un scénario déséquilibré, une surenchère de bons sentiments, un manque de rythme… Mais sur le fond, ils ont tous les deux le mérite d’aborder avec pudeur un sujet qui reste sensible. 80 egunean à travers une amitié amoureuse entre deux femmes âgées, Amador en touchant au tabou de la mort et à la difficulté de l’exil.

C’est donc une lourde tâche qui attend le jury présidé par Anne Alvaro. Car en composant le palmarès, ce n'est pas seulement un certain type de cinématographie qu’il choisira de privilégier, mais bien une vision spécifique de notre monde, engagée à la fois socialement et politiquement.

Cinespana 2011 : la part belle au documentaire

Posté par MpM, le 3 octobre 2011

mémoireLa 16e édition du festival Cinespana, qui s'est ouvert vendredi 1er octobre, consacre une partie importante de sa  programmation au style documentaire. Celui-ci possède sa propre compétition, mais est également présent dans la sélection court métrage ainsi que dans la section spéciale "Mémoire", consacrée à la période douloureuse de la guerre civile et du Franquisme. Tout un pan du cinéma espagnol se penche en effet année après année sur la plaie béante de la dictature et de la transition qui, avec sa loi d'amnistie, a laissé un goût d'inachevé et d'injustice à une partie de la population espagnole.

Les ombres de la mémoire de Dominique Gauthier et Jean Ortiz s'attaque ainsi à ce que ses auteurs appellent "l'amnésie organisée" en revenant sur plusieurs traumatismes du passé comme l'esclavage des prisonniers politiques, les milliers de morts jetés dans des fosses communes, les enfants arrachés à leur famille et les opposants arbitrairement emprisonnés parfois pendant plus de vingt ans.

Mêlant témoignages et images d'archives, le film fait à la fois acte de pédagogie et de dénonciation, tout en rappelant l'immense solidarité qui a permis aux prisonniers politiques d'organiser la résistance au fascisme depuis leur lieux de captivité. Son format résolument pensé pour la télévision l'oblige à aller droit au but sans se perdre dans des circonvolutions mélodramatiques ou grandiloquentes. On est parfois ému au détour d'un témoignage (notamment celui du poète Marcos Ana, emprisonné pendant plus de 20 ans), mais on est surtout révolté par le fait que tant d'injustices et d'exactions n'aient au final jamais été officiellement punies.

"Le travail de mémoire est difficile en Espagne, confirme Jean Ortiz, l'un des deux réalisateurs. Il y a un consensus général autour de la transition et la loi d'amnistie verrouille tout." Le cinéma, heureusement, est là pour inlassablement ouvrir ces portes que tout le monde préférerait voir fermées à jamais.

La mujer sin piano : c’est beau, une femme, la nuit

Posté par Sarah, le 13 juillet 2011

mujer sin piano« J'aime réparer les choses, après elles fonctionnent. »

L'histoire : Un soir, Rosa décide de s'en aller. Elle laisse son mari endormi et échoue à la gare, parmi d'autres voyageurs eux-aussi en transit.

Notre avis : Rosa vit une vie plutôt banale et tranquille à Madrid, avec son mari. Il est chauffeur de taxi, elle est esthéticienne à domicile. Leur quotidien, rythmé par le travail, l'organisation de la maison et les repas, est illustré en quelques plans. La vie semble couler sur eux sans réel intérêt ni aucune passion. Rosa, très justement interprétée par Carmen Machi, répète les gestes du quotidien avec une lassitude et un manque d'entrain tels qu'on devine qu'elle a dû les répéter inlassablement depuis des décennies. Le volume de la télévision et de la radio, tournées au maximum, pour qu'elle ne puisse pas entendre le sifflement permanent qui règne dans ses oreilles, sont les seuls bruits vifs de la maison.

Cependant, le temps d'une nuit, Rosa va décider de fuir son quotidien. On la voit faire sa valise, se parer comme elle n'a pas dû le faire depuis longtemps et partir dans la nuit noire. Les rencontres qu'elle va faire, les lieux qu'elle va traverser peuvent apparaître aussi grotesques que son quotidien est mou, mais elle semble évoluer dans ce nouveau monde avec intérêt et même, parfois, de l'aisance. Elle va être confrontée aux petites absurdités du monde contemporain, rencontrer des personnalités fantasques et passer une nuit que l'on peut qualifier de surréaliste.

Cette échappée permettra au personnage de Rosa de se poser dans sa vie, comme si elle ne cherchait qu'une raison pour ne pas sombrer. Elle va côtoyer des personnes qu'elle n'a certainement pas l'habitude de fréquenter, se perdre dans les rues de la capitale... mais on ne la sentira jamais autant éveillée que lors de cette nuit-là. Ce film assez lunaire et à forte tendance surréaliste, nous montre à quel point une échappée belle peut faire du bien. Le réalisateur ne juge jamais Rosa, que ce soit dans son quotidien ou dans sa virée nocturne.

De même, il n'y aura pas de morale. La caméra semble se laisser guider par le bruit de pas de Rosa, au gré de ses envies. En effet, ses talons claquent sur les pavés des rues sombres de Madrid et c'est parfois tout ce que l'on perçoit à l'écran. La beauté de ce portrait de femme réside dans cette distance que le réalisateur a réussi à instaurer entre la caméra et le personnage, tout en la dévoilant tout en pudeur au spectateur. Un beau film intimiste qui permet de s'évader pour quelques temps du train-train quotidien.

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La mujer sin piano de Javier Rebollo
Violette d'Or du Meilleur Film au Festival Cinespana à Toulouse et Concha de Plata pour le Meilleur Réalisateur au Festival de San Sebastian.

Cinespana 2010 : palmarès et retour sur la compétition

Posté par MpM, le 11 octobre 2010

Le jury professionnel présidé par Georges Corraface et réunissant Myriam Mézières, Dominique Besnehard, Luis Rego,  Jean-Claude Petit et  Serge Regourd a logiquement récompensé le meilleur film présenté en compétition cette année au Festival de cinéma espagnol de Toulouse : La mujer sin piano de Javier Rebollo (notre photo). Un film doux-amer suivant l'errance nocturne d'une mère de famille soudain décidée à changer de vie. De la gare où elle rencontre un jeune polonais paumé à la chambre d'hôtel où l'étrange duo finit par se réfugier, c'est une succession de mini-aventures absurdes et burlesques filmées avec rigueur et élégance par la caméra tantôt statique, tantôt virtuose de Javier Rebollo.

Autre choix logique avec les deux prix d'interprétation. Le premier distingue Guillermo Toledo dans un rôle de loser au bout du rouleau, embarqué dans une soirée où toute la vacuité de son existence éclate au grand jour. Le deuxième est collectif, décerné à tout le casting féminin de La vida empieza hoy de Laura Maña (dont Mariana Cordero que nous avons rencontrée et Pilar Bardem, sur notre photo), où un petit groupe de seniors reprend plaisir à la vie et à l'amour grâce à des cours de sexologie. Le film a d'ailleurs obtenu le prix du public.

Mal dia para pescar d'Alvaro Brechner est lui doublement cité avec un prix du scénario récompensant l'adaptation à la fois mélancolique et cocasse que le jeune réalisateur a fait d'une nouvelle de l'écrivain uruguayen Carlos Onetti, présentant les aventures grotesques et touchantes d'un impresario affabulateur et de son "champion" ainsi que le prix de la meilleure musique originale.

Enfin, c'est Lo más importante de la vida es no haber muerto de Olivier Pictet, Marc Recuenco et Pablo Martin Torrado qui reçoit le prix de la meilleur photographie avec son intrigue mystérieuse autour d'un accordeur de piano souffrant d'insomnie, tandis que le jury étudiant couronne El idioma imposible, une œuvre maniérée et confuse sur les bas-fonds de Barcelone, sauvée par l'excellent Nadrés Gertrudis.

Le jury est ainsi parvenu à distinguer ce que chacun des films présentés avait de plus intéressant, ne faisant au final pas d'oubli majeur puisque seuls Habitacion en Roma de Julio Medem (un coup de foudre passionnel entre deux jeunes femmes qui viennent de se rencontrer, digne de figurer dans les éditions "Harlequin") et Bon appétit de David Pinillos (un film gentillet et sans prétention sur un jeune cuistot qui se cherche) repartent bredouilles.

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Palmarès complet

Violette d'Or du Meilleur Film
La mujer sin piano de Javier Rebollo

Meilleur Acteur
Guillermo Toledo (After de Alberto Rodriguez)

Meilleure Actrice
Pilar Bardem, Maria Barranco, Sonsoles Benedicto, Mariana Cordero, Rosa Maria Sarda (La vida empieza hoy de Laura Maña)

Meilleur Scénario
Alvaro Brechner (Mal dia para pescar de Alvaro Brechner)

Meilleure Musique Originale
Mikel Salas (Mal dia para pescar de Alvaro Brechner)

Meilleure Photographie
Pietro Zuercher (Lo más importante de la vida es no haber muerto de Olivier Pictet, Marc Recuenco et Pablo Martin Torrado)

Meilleur Premier Film (décerné par le Jury Etudiant)
El idioma imposible de Rodrigo Rodero

Meilleur Court Métrage
Estocolmo de Juan Francisco Viruega

Prix Raíces du Meilleur Documentaire
Malta radio de Manuel Menchon

Mention spéciale remise par le jury Raíces
Familystrip de Lluis Miñarro

Prix du Public
La vida empieza hoy de Laura Maña

Cinespana 2010 : 3 questions à Mariana Cordero

Posté par MpM, le 6 octobre 2010

Mariana CorderoPrésenté en compétition, La vida empieza hoy de Laura Mana suit un groupe de "seniors", hommes et femmes, qui suivent des cours de sexologie et de sensualité. Certains renaissent à la passion amoureuse tandis que d'autres découvrent le plaisir pour la première fois.

L'actrice espagnole Mariana Cordero interprète une épouse qui, après avoir longtemps négligé son mari, décide de reprendre les choses en mains. Après une petite visite dans un sexshop, elle se métamorphose en maîtresse SM...

Ecran Noir : Comment avez-vous réagi en découvrant le rôle que Laura Mana vous proposait ?
Mariana Cordero : J'ai été étonnée car c'est un sujet dont personne ne parle jamais. A partir d'un certain âge, les gens pensent que les caresses ou les bisous n'ont plus d'importance, et souvent, les retraités deviennent invisibles. Les enfants n'aiment pas voir de gestes tendres entre leurs parents et la plupart du temps, après un certain âge, les couples cessent d'en avoir en public. Cela m'a donc beaucoup attiré d'interpréter ce personnage. D'ailleurs, lors des rencontres avec le public, les spectateurs étaient surpris car c'est une manière différente de montrer les parents ou grands parents. Le film porte un nouveau regard sur leur vie.

EN : Avez-vous hésité, notamment à cause des scènes SM ?
MC : J'ai eu très peur ! C'est un rôle très difficile, à cause de ces scènes engagées. Mais la réalisatrice Laura Mana est très délicate et nous avons beaucoup travaillé pour arriver à ce résultat. Elle a su me donner confiance et mettre tout le monde à l'aise. Le scénario était très écrit, mais Laura était ouverte aux propositions. Sur le tournage, il y avait une bonne ambiance, une vraie chaleur humaine. Aucun acteur a refusé de faire ce qui lui était demandé.

EN : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la genèse du film ?
MC : La réalisatrice avait entendu dire qu'il existait des cours de sensualité à Barcelone, dans un centre civique. Dans ces cours, il était dit que l'on a besoin de la sensualité de la naissance à la mort. Mais deux enfants de participants ont protesté et les cours ont été arrêtés. Alors l'animatrice est partie à Valence pour organiser des cours similaires. La réalisatrice a assisté à plusieurs séances et a beaucoup retranscrit ce qui se disait dans ces cours et s'en est inspiré pour le film. D'ailleurs, le scénario a été écrit à l'aide de la psychologue-sexologue qui anime ces ateliers.

Cinespana 2010 : Trois questions à Alvaro Brechner

Posté par MpM, le 4 octobre 2010

alvaro-brechnerPrésenté en compétition, Mal dia para pescar est le premier long métrage du réalisateur uruguayen, Alvaro Brechner, aujourd'hui Madrilène. Le film, qui raconte les mésaventures d'un champion de lutte et de son impresario tentant d'organiser un ultime combat dans un petit village d'Uruguay, a également été sélectionné à la Semaine de la Critique en 2009, et devrait sortir sur nos écrans début 2011.

Ecran Noir : Comment est né le film ?

Alvaro Brechner : Il s'agit du mélange d'une histoire courte de l'écrivain uruguayen Juan Carlos Onetti [Jacob et l'autre] que j'avais envie d'adapter au cinéma et de mon intention de faire une version complétement différente, plus proche du monde du western en Amérique latine. Un western bien sûr sans chevaux ni pistolets.  Et avec à l'esprit l'idée de raconter cette histoire de deux Européens un peu apatrides qui voyagent en Amérique latine. Mais ce n'est pas un vrai western, car les westerns racontent l'histoire d'une certaine époque, en Amérique du Nord,  alors que là, l'histoire se déroule au XXe siècle et en Uruguay. Je voulais raconter l' atmosphère du western, comme de la nostalgie pour un temps passé. Pour moi, le western est un genre qui parle tout le temps de la mort. De la mort d'une manière plus symbolique.  Je trouve que c'est l'histoire de deux personnages qui sont à la fin d'un rêve, et c'est très crépusculaire.

EN :  Dans le film, vous jouez sur les contrastes...

AB : J'ai voulu mélanger les genres. Je voulais faire un western un peu atypique avec des choses du film noir, et mélanger le drame, la tragédie et la comédie. Car pour moi ce sont deux personnages dans l'esprit de Don Quichotte qui essaient de recréer leur réalité. Mais bien sûr cette réalité est très différente de celle que nous, en tant que spectateurs, on voit. Ils sont en train de lutter pour une illusion. C'est le contraste entre leur propre point de vue sur leur vie et les situations ridicules qu'ils vivent.

EN : Et finalement, de votre point de vue, de quel côté penche la balance ?

AB : Ce n'est pas qu'ils sont ridicules, c'est que je perçois la vie elle-même comme ridicule. Bien sûr, j'ai beaucoup d'empathie pour mes deux personnages. Mais pour moi, le côté le plus merveilleux de la vie, c'est qu'on peut voir tout ce qui se passe comme un drame ou une comédie. C'est une question de point de vue ! Selon d'où on regarde, la vie est à la fois merveilleuse et ridicule.

Cinespana 2010 : coup de projecteur sur le cinéma espagnol contemporain

Posté par MpM, le 2 octobre 2010

Patrick Bernabé est l'un des programmateurs du festival Cinespana. Chaque année, il suit avec attention la production cinématographique ibérique et en tire la substantifique moelle afin de donner aux festivaliers un aperçu représentatif de sa richesse et de sa diversité.  S'il y a un bien un homme capable de nous donner les grandes tendances du festival et plus globalement du cinéma espagnol actuel, c'est lui !

Ecran Noir : Comment avez-vous bâti la sélection de Cinespana cette année ?

Patrick Bernabé : Plus que jamais, nous avons souhaité montrer les différents aspects du cinéma espagnol, ce qui est passé par une programmation plus structurée. Il faut préciser qu'il y a eu moins de films produits en Espagne cette année, à cause de la crise économique. Le choix était donc plus restreint, et il y a par exemple moins de longs métrages dans la section Panorama que les autres années.

EN : Par contre, il y a plusieurs sections thématiques...

PB : Oui, par exemple "de la résistance à la Transition" est un reflet de la société espagnole récente, entre la censure de la dictature et l'apparition de la liberté avec la Transition. La section "Mémoire" explore la mémoire et les difficultés à l'exprimer, en montrant comment aujourd'hui on perçoit l'époque de la guerre civile.  Nous avons aussi voulu donner une carte blanche au producteur indépendant Lluis Minarro qui a produit une vingtaine de films souvent difficiles dans le forme. C'était important pour nous de présenter son travail, d'autant qu'il est le coproducteur d'Oncle Boonme, la dernière Palme d'or. Enfin, "la dernière séance" rappelle que le cinéma fantastique espagnol est l'un des plus innovants au monde. Nous rendons notamment un hommage à Paul Naschy qui est l'un des initiateurs du genre en Espagne.

EN : Vous avez une bonne image d'ensemble des films sortis en Espagne ces derniers mois... Quelles tendances avez-vous notées ?

PB : Les problèmes sociaux sont toujours très présents, notamment la drogue. Par contre, cette année, il n'y avait pas de film de prison contrairement à l'an dernier. Le cinéma est toujours le reflet d'une société, mais c'est particulièrement vrai pour le cinéma espagnol ! Par ailleurs, nous avons vu peu de comédies, et moins de films historiques, à part bien sûr dans le domaine documentaire.

EN : Sur quels films attirez-vous particulièrement l'attention du public, toutes sections confondues ?

PB : Il y en a plein car le niveau était très bon cette année ! Mal dia para pescar de Alvaro Brechner est un film formidable. Personnellement, j'aime aussi beaucoup Habitacion en Roma. Dans la section Panorama, il y a notamment Elisa K qui vient de recevoir un prix à San Sebastian. Dans les documentaires, il y a Mi Vida con Carlos sur l'histoire récente du Chili. C'est l'histoire d'un fils qui part à la recherche de son père assassiné en 1973. Garbo, el espia sur la vie d'un espion pendant la deuxième guerre mondiale. Le film est entrecoupé d'images tirées de films d'espionnage, c'est très bien fait. Et puis bien sûr il y a Fake orgasm qui est un film incroyable, qui fait vraiment se remettre en questions le spectateur. Dans la section "Mémoire", Los caminos de la memoria fait écho à la loi sur la Mémoire historique et essaye de comprendre ce qu'il s'est réellement passé pendant les années Franco. Enfin, Senora de apporte le témoignage de femmes qui racontent leur vie sous le franquisme et l'oppression sexiste qu'elles ont subie à l'époque.

EN : Aujourd'hui, on a l'impression de voir plus de films espagnols dans les salles...

PB : C'est vrai, le cinéma espagnol s'exporte mieux : en 2009, 20 films espagnols ont été distribué) en France. Il rencontre une vraie reconnaissance internationale. En France, je pense qu'on y est un peu pour quelque chose. Nous avons réussi à le faire reconnaître, à le sortir des clichés dans lequel il était enfermé. En tout cas, c'était notre ambition.

Cinespana 2010 : c’est parti pour une 15e édition !

Posté par MpM, le 2 octobre 2010

La 15e édition de Cinespana s'est ouverte vendredi soir dans une ambiance festive. Pendant dix jours, Toulouse va vivre au rythme du cinéma espagnol, avec pas moins de 143 films présentés.

Le jury (notre photo) composé de Myriam Mézières, Georges Corraface,  Dominique Besnehard, Luis Rego,  Jean-Claude Petit et  Serge Regourd devra lui départager les huit films de la compétition longs métrages.

Cinespana 2009 : Qui est Emma Suarez ?

Posté par MpM, le 15 octobre 2009

Emma SuarezLorsqu’elle arrive dans la grande salle du Capitole où elle doit recevoir la médaille de la ville de Toulouse à l'occasion de Cinespana, Emma Suarez fait l’impression d’une frêle jeune femme diaphane au sourire irrésistiblement communicatif. En la regardant ainsi, on a du mal à imaginer qu’elle puisse avoir derrière elle une carrière déjà si remplie. Et pourtant...

Née en 1964, Emma Suarez commence à 15 ans devant la caméra de Miguel Angel Rivas pour le film Memorias de Leticia Valle. Suite à cette première expérience, elle entame des études dramatiques qui, dans un premier temps, ne lui permettent pas vraiment de percer. A partir du milieu des années 80, elle multiplie les rôles au cinéma, à la télévision et au théâtre, passant d’un registre à l’autre (historique, dramatique, horrifique…), mais sans réellement convaincre.

Il lui faut attendre 1989 pour décrocher enfin le rôle principal d’un long métrage, La blanca paloma de Juan Minon, rapidement suivi par Contre le vent de Francisco Periñán (1990) et La Vida láctea de Juan Estelrich Jr. (1992), qui sera un temps son époux. Puis commence une fructueuse collaboration avec deux cinéastes qui lui offrent les plus beaux rôles de sa carrière : Julio Medem (Vacas en 1991, L' Ecureuil rouge en 1993, Tierra en 1996) et Pilar Miro (Tu nombre envenena mis sueños et El Perro del hortelano en 1996). Ce film (Le chien du jardinier, en français) lui vaut d’ailleurs le prestigieux Goya de la meilleure actrice.

Forte de cet élan, Emma Suarez tourne avec les plus grands réalisateurs et acteurs espagnols du moment (Felix Viscarret, Mario Camus, Manuel Gutierrez Aragon…) et, malgré une faible reconnaissance internationale (les films d’auteur qu’elle privilégie connaissent une diffusion extrêmement restreinte hors d’Espagne), s’est définitivement imposée comme l’une des actrices espagnoles les plus talentueuses de son époque.