Les Etats-Unis s'embrasent de nouveau, encore une fois. Une fois de plus, un afro-américain est mort de violence policière : George Floyd dont les images insoutenables de son agonie sous le poids du genou d'un policier réputé violent ont enflammé la toile, le monde, les rues. Ce décès a ravivé le mouvement #BlackLiveMatter.
Ce mardi 2 juin c'est le mouvement #BlackoutTuesday avec pour seule image un carré noir sur les réseaux sociaux... C'est d'abord le monde de la musique (artistes, mais aussi maisons de disques comme Atlantic Records, Universal, Warner, Sony...) qui a initié un arrêt d'activité ce jour avec #TheShowMustBePaused, avant que, plus largement, d'autres figures de la culture et les internautes ne partagent ce carré noir devenu viral avec plusieurs millions de hashtag #BlackoutTuesday à travers le monde...
Un film américain récent a retracé un fait divers dans la lignée de celui de George Floyd, Fruitvale Station. Grand prix à Sundance, présenté à Cannes en 2013, il s'agit de l'histoire d'Oscar Grant qui croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale à San Francisco. La cruauté et la sauvagerie transforment un malentendu en dérapage ignoble, où le flic raciste, conscient de son acte horrible, cherche quand même s’excuser.
Le cas n'est pas qu'américain. En France comme en Europe, on a répertorié quelques brutalités policières à caractère raciste dans le cadre de traques individuelles ou de manifestations même pacifistes. Et, s'il n'y a pas de racisme, n'oublions pas des partisans de la démocratie à Hong Kong qui ne sont que des cibles pour les autorités chinoise armées jusqu'aux dents.
La Haine (1995) : Makomé M’Bowolé, 17 ans, est tué d'une balle dans la tête par un policier durant son interrogatoire dans un commissariat. Mathieu Kassovitz imagine alors une histoire où un pistolet d'un policier serait retrouvé par des jeunes d'une cité... La Haine vient de fêter ses 25 ans et Mathieu Kassovitz déplore que rien à changé puisque dans l'affaire Adama Traoré (2016), en quatre ans de procédure, la responsabilité judiciaire des policiers est toujours esquivée (jusqu'à lui trouver un problème cardiaque pour se deresponsabiliser) : « Les seuls responsables sont les politiques. Nous acceptons que les policiers fassent des erreurs mais nous demandons la justice, et les politiques ne la rendent pas » La Haine a reçu prix de la mise en scène au Festival de Cannes, et trois César (dont celui du meilleur film).
De l'amour (2001) : avec son troisième film, Jean-François Richet apporte une sorte de conclusion à sa trilogie amorcée avec Etat des lieux et Ma 6-T va crack-er . Plus fort et plus nuancé, le film s'intéresse à la police, à la fois protectrice et dangereuse... Pour le motif idiot du vol d'une culotte dans un magasin, une jeune femme se retrouve au commissariat, elle y sera alors violée par un policier. C'est presque un film d'anticipation car des affaires semblables seront médiatisées à partir de 2014 à Paris ou à Toulouse. On se souvient du cas d'Emily Spanton une touriste canadienne, qui a subit un viol en réunion par des policiers dans leur bâtiment du 36 quai des Orfèvres. Encore une fois les autorités ont voulu 'se couvrir' et affaiblir le témoignage de la victime (elle était alcoolisée, habillée court, hystérique...). Mais il y a eu procès et condamnation à de la prison.
Les Misérables (2019) : Abdoulaye Fofana, 20 ans, est tabassé par des policiers, mais cette fois ça a été filmé : avec les images comme preuve, il y a eu procès, les policiers ayant eu juste quelques mois de prison avec sursis et une mutation dans un autre département. Le 'copwatching' est ce qui a inspiré à Ladj Ly cette histoire où un policier a tiré, dans une scène de panique, avec son pistolet sur un enfant... Filmer un policier sur la voie publique est bien autorisé par une circulaire de décembre 2008. En 2018, une note de la Police Nationale rappelle que les policiers n'ont pas le droit de s'y opposer. En 2019 et 2020 les multiples débordements de policiers (sans leur matricule RIO d'identification pourtant obligatoire) contre les 'gilets jaunes' (et contre des habitants du 93 et du 91) filmés et diffusés sur internet se multiplient (dont des tirs interdits visant les visages). Les affaires n'entrainent aucune sanction de l'IGPN, le gouvernement nie le problème, Eric Ciotti et d'autres députés de droite veulent une loi contre ces images pour protéger les policiers en faute, au lieu de protéger plutôt les victimes. Une tribune de protestation contre cette proposition (parue dans Libération) est signée par diverses personnalité de la culture, comme Adèle Haenel, Aïssa Maïga, Camélia Jordana, Leïla Bekhti, Omar Sy, Marina Foïs, Ladj Ly, Vincent Cassel, Audrey Dana, Nicolas Duvauchelle.... Elle rappelle que "Le pouvoir de ces graves images a réveillé bon nombre de consciences sur la réalité de ces pratiques policières et a permis d’expliquer le nombre extraordinaire de blessés et de mutilés." Les Misérables a reçu prix du jury à Cannes, une nomination à l'Oscar du meilleur film international, et quatre César (dont celui du meilleur film).