Festival 2 Valenciennes : La Saison des femmes et Chala, une enfance cubaine font sensation !

Posté par wyzman, le 20 mars 2016

Au terme de 4 jours de compétition acharnée, le Festival 2 Valenciennes côté Fictions referme ses portes avec de belles, de très belles surprises. En effet, hier soir, le Prix Etudiant a été remis à Dégradé d'Arab et Tarzan Nasser, un film franco-qatari-palestinien sur des femmes coincées dans un salon de coiffure de Gaza. Atypique et drôle mais parfois un peu fouillis, le film avait déjà été présenté lors de la Semaine de la Critique du dernier festival de Cannes.

Sans grande surprise, le Prix du Public est revenu à Colonia de Florian Gallenberger, film dur mais parfaitement porté par Emma Watson et Daniel Brühl. Par la suite, Mia Hansen-Love s'est vue décerner le Prix de la Critique avec son nouveau bébé, L'Avenir, dans lequel on retrouve une Isabelle Huppert en pleine déliquescence et un Romain Kolinka plein de doutes. La surprise est venue du Prix d'interprétation masculine. Alors que l'on pouvait s'attendre à ce que les deux acteurs principaux de Quand on a 17 ans (Kacey Mottet Klein et Corentin Fila) soient sacrés ex-aequo, le premier s'est vu détrôner par le plus jeune Armando Valdes Freire pour sa prestation d'enfant des rues dans Chala, une enfance cubaine. En voilà des récompenses logiques et justifiées.

Et le penchant féminin du Prix d'interprétation n'a pas démérité non plus. Parce que le film est politiquement engagé et scénaristiquement intense, ce sont les quatre actrices principales de La Saison des femmes (Tannishta Chatterje, Radhika Apte, Surven Chawla, Lehar Khan) qui ont été récompensées. Et c'est pas fini ! Eh oui, la réalisatrice du film, Leena Yadav qui avait spécialement fait le déplacement depuis Bombay, est repartie avec le Prix du Jury. Plus que mérités, ces deux prix devraient booster le film lors de sa sortie en salles, le 20 avril prochain.

Pour finir, le Grand Prix a été attribué à Chala, une enfance cubaine d'Ernesto Daranas. Ce film poignant mais non moins percutant sort le 23 mars au cinéma et a désormais tout pour faire parler de lui. C'est en tout cas ce qu'on lui souhaite ! Très cohérent et appréciable, le palmarès de cette sixième édition reflète parfaitement l'éclectisme propre à la sélection. Une chose est sûre : le petit Festival de Valenciennes a une nouvelle fois prouvé qu'il avait tout d'un grand. Seul regret, l'absence d'A War de Tobias Lindholm et Demolition de Jean-Marc Vallée parmi les gagnants car ils avaient secoué la salle lors de leur projection respective.

Cannes 2015 : lettre à Tarzan et Arab Nasser

Posté par MpM, le 18 mai 2015

dégradé

Chers Tarzan & Arab Nasser,

Dans Dégradé, sélectionné à la Semaine de la Critique, vous avez choisi de raconter Gaza à travers le huis clos d'un salon de beauté où une douzaine de femmes se retrouvent prisonnières malgré elles. Plutôt que l'horreur et le sang, vous faites le portraits de femmes diverses, de tous âges, milieux sociaux et origines, qui essayent simplement de continuer à avancer dans une ville en proie aux luttes intestines (le film se situe avant la nouvelle guerre avec Israël entamée en 2014).

Au fil des conversations, on découvre la personnalité de chacune ainsi que des détails sur la vie quotidienne : électricité un jour sur deux, pénurie d'essence, absurdités liées à la rivalité entre Hamas et Fatah, affrontements armés... Vous utilisez un ton souvent léger ainsi que le prétexte de bavardages sans conséquence pour ne pas transformer prématurément le film en tragédie. Pourtant, on sent la lassitude des protagonistes ainsi que leur résignation.

Immaquablement, Dégradé évoque deux films qui, comme lui, utilisaient le lieu confiné d'un salon de beauté pour décortiquer la réalité des rapports sociaux et de la condition féminine en France (Vénus beauté (Institut) de Tonie Marschall) et au Liban (Caramel de Nadine Labaki). A la différence près que votre premier long métrage est forcément plus grave et plus désespéré. Il va plus loin dans l'analyse sans fard d'une situation rendue absurde par les privations et les luttes internes de pouvoir. On comprend entre les lignes que pour la plupart des clientes du salon de beauté gazaoui, venir se faire coiffer, maquiller ou épiler n'a pas la même signification qu'en Europe.

Pour ces femmes, c'est avant tout un défi au monde qui les entoure : monde masculin qui leur intime de se cacher, monde religieux où la futilité n'est pas de mise, monde social avec son cortège de misère... Pour elles, le salon de beauté devient comme le seul havre de paix qui leur soit accessible, et s'y faire coiffer revient alors à résister à l"oppression et à la peur. Quand tout semble insurmontable, chacun lutte avec les armes à sa disposition. Se "faire belle" est aussi une manière de cultiver un certain espoir en la vie et de continuer à croire qu'il reste malgré tout de belles choses à vivre. C'est d'ailleurs ce qui émeut peut-être le plus dans Dégradé : constater qu'en des temps aussi troublés, il est encore possible d'être amoureux.