A bientôt 36 ans, la québécoise Monia Chokri va goûter les saveurs du Palais des festivals avec son premier long métrage en tant que réalisatrice, La femme de mon frère, qui ouvre aujourd'hui la section Un Certain regard.
Cannes, elle connaît. Elle y est venue plusieurs fois en tant qu’actrice pour Denys Arcand (L’âge des ténèbres) mais surtout pour Xavier Dolan (Les amours imaginaires, Laurence Anyways). Dans Les amours imaginaires, elle était Marie, partagée entre deux hommes, Dolan et Niels Schneider, dans ce trio amoureux. C’est ainsi qu’on la remarque. Avec Laurence Anyways, elle franchit un cap en étant nommée aux Jutra en tant que meilleur second-rôle féminin.
Formée au conservatoire de Montréal puis au théâtre, la comédienne est rapidement repérée. On la croise en France chez Claire Simon (Gare du nord), Katell Quillévéré (Réparer les vivants), Morgan Simon (Compte tes blessures).
Elle était aussi à l'affiche de Je suis à toi du belge David Lambert, encore un trio amoureux qui se déjoue du genre. puisque Lucas (Nahuel Pérez Biscayart), un prostitué argentin vient travailler comme apprenti dans une petite boulangerie de Belgique. Le patron tombe amoureux de lui, alors que Lucas ne pense qu'à la vendeuse. Le film a été deux fois récompensé à Angoulême.
A cette filmographie libre et vagabonde, elle réplique: "Je pense surtout qu'on attire les gens qui nous ressemblent. Avec Xavier Dolan, on a des goûts communs, de fortes affinités. Ma filmographie, c'est donc un semi hasard, et un semi choix de ma part."
Pourtant, c’est son premier court-métrage, il y a six ans, qui va la distinguer. Quelqu’un d’extraordinaire, avec une autre fidèle du clan Dolan, Anne Dorval, fait le tour du monde des festivals. Il glane plusieurs prix importants : le Jutra du meilleur court métrage au Québec, le prix jeunesse du meilleur court métrage à Locarno, le Grand prix du court métrage au festival du Nouveau cinéma à Montréal et le Grand prix du jury au festival d’Austin, le très hype SXSW. Cet étrange film est une histoire hivernale où l’on suit la reconstruction d’une jeune femme poussée à régler ses comptes avec son entourage, avec quelques digressions assez comiques.
Pour elle, "Raconter ou interpréter une histoire, c'est un peu le même métier, mais on a une prise différente sur la narration." Elle affirme que ce qui l'intéresse "c'est de créer. Quel qu'en soit le moyen." En voulant valoriser les rôles de femmes dans ce milieu encore trop masculin. "Il est temps que les femmes, elles aussi, racontent le monde et racontent les autres femmes. Avec, peut-être, un peu plus d'acuité et de vérité" explique-t-elle.
Pour son long métrage, tourné entre février et juin 2018 et concourant pour la Caméra d’or, c’est encore une relation tortueuse qui sera au centre d’un duo fusionnel entre une sœur et son frère, perturbés par l’arrivée d’une femme.